| FILIGRANE, subst. masc. A.− ORFÈVR. Ouvrage ajouré fait de fils d'or, d'argent, de verre... entrelacés et soudés légèrement, de manière à former des motifs de décoration. Un valet de chambre apportant une tasse de café infiniment petite, soutenue par un pied d'argent en filigrane (Stendhal, Chartreuse,1839, p. 466).Elle avait au cou un énorme collier doré, et, aux deux poignets, de superbes bracelets en filigrane de Gênes (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Sœurs R., 1884, p. 1279). 1. P. métaph. Dans son discours préliminaire, il brode des obscurités, et couvre de ses filigranes la simplicité des questions qu'il soulève (Joubert, Pensées, t. 2, 1824, p. 199).Elle esquissait une arabesque sonore, (...) et cela faisait si peu de bruit que cette musique semblait tracée en filigrane dans le silence (Duhamel, Cécile,1938, p. 142). 2. P. anal. [d'aspect] Ce qui présente l'apparence d'un objet finement ajouré. L'intérieur de ce clocher se compose d'un noyau autour duquel tourne une voûte hélicoïde à filigranes de pierre (Chateaubr., Mém.,t. 4, 1848, p. 185).Les rideaux de plumes exotiques tendus en filigrane devant les fenêtres (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 369): 1. Dans le bassin des Tuileries,
Le cygne s'est pris en nageant,
Et les arbres, comme aux féeries,
Sont en filigrane d'argent.
Gautier, Émaux,1854, p. 69. B.− PAPETERIE 1. Ensemble des fils de cuivre, de laiton, formant un dessin ou une inscription, et que l'on fixe sur la forme destinée à recevoir la pâte à papier. Un châssis en fer appelé forme, et dont l'intérieur est rempli par une étoffe métallique au milieu de laquelle se trouve le filigrane qui donne son nom au papier (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 118). 2. P. méton. Empreinte d'identification obtenue par ce procédé, et qui apparaît lorsqu'on examine le papier par transparence. Une table au-dessus de laquelle se dressait un seul livre, relié en veau marin, les Aventures d'Arthur Gordon Pym, spécialement tiré pour lui, sur papier vergé, pur fil, trié à la feuille, avec une mouette en filigrane (Huysmans, À rebours,1884, p. 28): 2. ... la citoyenne Élodie (...) avant d'enfermer dans la caisse les assignats qu'elle venait de recevoir, les passait l'un après l'autre entre ses beaux yeux et le jour, pour en examiner les pontuseaux, les vergeures et le filigrane, inquiète, car il circulait autant de faux papier que de vrai, ce qui nuisait beaucoup au commerce.
France, Dieux ont soif,1912, p. 29. a) P. métaph. Enfantine, la rondeur des joues et celle de tout le visage. Un pur ovale s'y élabore, comme si l'idée en était déjà inscrite dans la chair, en filigrane (Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 71). b) Au fig. [En parlant du contenu d'un texte] Ce qui n'est pas dit de manière explicite, mais qui peut être deviné. Idées qui apparaissent en filigrane. Les véritables visages de Rousseau, de Chateaubriand, de Gide se dessinent peu à peu dans le filigrane de leurs confessions et mémoires (Mauriac, Écrits intimes,Commenc. d'une vie, 1932, p. 12).Qui peut savoir quelle puissance de conjuration recèle ce texte en filigrane, ce texte aimanté et invisible qui guide inconsciemment le poète (Gracq, Beau tén.,1945, p. 64). Prononc. et Orth. : [filigʀan]. Ds Ac. 1740-1932. Fér. 1768 enregistre et recommande la forme filigramme, mais Fér. Crit. t. 2 1787 reconnaît que la forme fr. filigrane a l'usage pour elle; il rejette les var. filagramme et filagrane. Étymol. et Hist. 1. 1664 filigramme terme d'orfèvr. (Tarif du 18 sept., t. I, p. 205 ds Gay); 1665 filigrane (J.-J. Guiffrey, Comptes des bâtiments du roi sous le règne de Louis XIV, t. I, p. 50); 2. 1818 filigramme « marque que l'on voit par transparence dans une feuille de papier » (Marguery, Nouv. dict. de la lang. fr.); 1835 filigrane (Ac.). Empr. à l'ital. filigrana, attesté dep. le xviies. (Magalotti ds Batt.), composé de fili, plur. de filo (fil*) et de grana (graine*), les filets des filigranes ayant d'abord été garnis de petits grains. Fréq. abs. littér. : 78. Bbg. Boulan 1934, p. 31. − Hope 1971, p. 286, − Marsaud (M.). L'Impr. des timbres-poste. Banque Mots. 1974, no8, p. 202. − Schwake (H. P.). Zur Frage der Chronologie französischer Wörter. In : [Mél. Wartburg (W. von)]. Tübingen, 1968, t. 2, pp. 500-501. |