| FIBRE, subst. fém. Élément mince et allongé souvent flexible, rarement isolé, constitutif d'un tissu organique, d'une substance minérale ou d'une matière artificielle. Fibre élastique; fibre discontinue; faisceau de fibres. (Quasi-)synon. fibrille, fil, filament.A.− ANAT. Élément filamenteux composant certains tissus et organes. Fibre conjonctive, cristallinienne, nerveuse, musculaire. Les fibres argyrophiles [cf. argyr(o)-] se transforment en fibres collagènes à partir du cinquième jour (J. Verne, Vie cellul.,1937, p. 118).Les chromosomes, une fois apparus, ne tardent pas à se cliver suivant leur longueur; la membrane nucléaire s'efface, ils se rassemblent alors à l'équateur d'un corps constitué de fibres et appelé fuseau (Hist. gén. sc.,t. 3, vol. 1, 1961, p. 399): 1. Dans la masse d'apparence uniforme des fibres du cœur, il y a, en réalité, deux tissus, qui possèdent tous deux, mais de façon inégale, les propriétés fondamentales reconnues à la fibre myocardique. L'un est la musculature de travail, (...) l'autre, nouveau venu, ayant sa topographie bien déterminée, est doué du pouvoir d'engendrer l'excitation, d'y répondre...
Ce que la Fr. a apporté à la Méd.,1946, p. 178. − Au fig., souvent au sing. Fond secret d'un être, où est supposée se manifester une sensation, une transformation physique, symptôme d'un état psychique. En respirant l'air vif et pur qui accélère la vie chez les hommes à fibre molle, vous aidez encore à une combustion déjà trop rapide (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 267).En vain étreignait-il la poitrine sonore, le corps exténué vibrait jusqu'à sa dernière fibre, avec de merveilleuses reprises, des silences étranges (Bernanos, Imposture,1927, p. 506).Claire, la femme de Ferdinand, ne répond même pas. Elle est Pasquier, déjà, jusqu'à la fibre. Elle doit regretter de ne pas avoir, elle aussi, la tache de famille (Duhamel, Nuit St-Jean,1935, p. 78). ♦ [En tant que lieu supposé d'une manifestation de la sensibilité affective] Vous avez la fièvre, dit-elle d'une voix douce et charmante qui remua toutes les fibres du cœur de Fernand (Ponson du Terr., Rocambole,t. 1, 1859, p. 236).Ma mère se tourna vers moi avec une expression de regard qui d'abord m'attendrit jusqu'aux fibres profondes (Loti, Rom. enf.,1890, p. 285): 2. Ah, ce n'est pas crâne! Je suis de ces pleutres à qui la pitié retourne l'estomac, de ceux qui, devant un blessé, s'attendrissent sur leurs fibres sensibles : « Je ne peux pas voir ça! Ça me rend malade! » J'ai pourtant une excuse : je sens, depuis le début de cette affaire, le dégoût m'envahir.
Vercel, Cap. Conan,1934, p. 178. ♦ [Avec un déterm. adj. ou subst. (prép. de)] Tendance profonde personnelle et particulière à s'intéresser à quelque chose ou à quelqu'un. Fibre paternelle; fibre de la probité; fibre républicaine. Mais si je prenais Dardouillet? Il a servi dans la garde nationale à cheval; je ferai appel à sa fibre militaire (Goncourt, R. Mauperin,1864, p. 242).Qu'on fasse ressortir ce que ce livre a de national, qu'on remue la fibre française, qu'on fasse d'avance honte à Persigny d'arrêter un livre où il est rendu enfin justice à Ney (Hugo, Corresp.,1862, p. 388): 3. Point n'était besoin, pourtant, pour nos pères de tant de savoir pour tressaillir de toutes leurs fibres de nemrods à l'annonce de l'arrivée des premières bécasses! Pour eux, la bécasse était ce gibier exceptionnel, réfractaire à tout élevage, que l'on trouvait un peu partout, mais de façon aussi éphémère que sporadique...
Vidron, Chasse,1945, p. 56. B.− BOT. Filament souple composant un tissu végétal, en particulier le bois, la tige ou les racines de certaines plantes. L'homme mit à profit pour ses instruments ou ses édifices les fibres qui soutiennent les feuilles et les filaments tenaces dont s'entortillent les troncs [des palmiers] (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 121).Il faut que les producteurs forestiers (...) se préoccupent davantage des contingences économiques (...) et cherchent en conséquence à produire en plus grandes quantités les essences à fibres longues (Industr. fr. bois,1955, p. 20): 4. À la fourche d'un arbre où trois branches de moyenne grosseur nouaient leurs fibres ligneuses, enfoncé à ras de son nid, aplati sur les frêles corps à peine duvetés et rougeâtres de ses petits, un merle frissonnait éperdument...
Pergaud, De Goupil,1910, p. 110. C.− MINÉR. Groupement cristallin en forme de filaments, dont le plus typique est l'amiante. Amphibole d'un blanc grisâtre ou légèrement verdâtre, presque inaltérable au feu, ne renfermant que de la chaux et de la magnésie, et qui se présente souvent en fibres fines et souples comme de l'étoupe de soie susceptible de tissage (A. Pérès, Pierres et roches,1896, p. 24).Ce minéral (...) est, dans sa forme typique, en fibres soyeuses, dont il est possible d'extraire des fils aussi flexibles que ceux de l'amiante (Lapparent, Minér.,1899, p. 502): 5. Les amphiboles calciques non alumineuses (trémolite et actinote) ainsi que les serpentines donnent par altération de la chrysolite et de l'anthophyllite, minéraux en fibres longues, soyeuses, verdâtres, qui sont utilisés comme réfractaires et isolants par l'industrie sous le nom collectif d'amiante ou asbeste.
P. Bellair, Ch. Pomerol, Éléments de géol.,Paris, Armand Colin, 1965, p. 194. D.− TECHNOL. Matière filamenteuse naturelle ou artificielle susceptible d'être travaillée. 1. Fibre textile. Fibre d'origine végétale, animale, minérale ou artificielle pouvant être tissée. Fibre de chanvre, de laine, de lin; fibre synthétique. Quand le lin a roui, on lui fait subir une sorte de décortication qui ne laisse subsister que la fibre textile (Renan, Souv. enf.,1883, p. 28).Les fibres acryliques sont utilisées (...) sous forme de filés de fibre en peluche tissée ou tricotée (Thiébaut, Fabric. tissus,1961, p. 112): 6. Une escouade de très jeunes filles est occupée à sarcler le terrain devant le poste. Elles travaillent en chantant, vêtues d'une sorte de tutu fait de fibres de palmes tressées; beaucoup ont des anneaux de cuivre aux chevilles.
Gide, Voy. Congo,1927, p. 712. − Spéc. [En parlant d'un objet fabriqué à partir d'une fibre quelconque] En fibre, de fibre. Nofré, inquiète, jeta sur elle une chemise transparente, plaça ses pieds dans des sandales en fibres de palmier, et se mit à la recherche de sa maîtresse (Gautier, Rom. momie,1858, p. 254).Certains [des danseurs] ont les yeux encerclés d'un maquillage en damier noir et rouge. Une courte jupe en fibre de raphia complète cet accoutrement fantastique (Gide, Voy. Congo,1927, p. 729).V. aussi baller1ex. 6. 2. Fibre de bois. Fibre à partir de laquelle on fabrique, en particulier, de la pâte à papier et certains matériaux comme les agglomérés, dans l'industrie du bois. Divers rapporteurs ont souligné, au cours de ce congrès, la faveur avec laquelle les utilisateurs avaient accueilli, dans le bâtiment, les panneaux agglomérés, (...) les panneaux de fibres laqués ou diversement revêtus de matières plastiques (Industr. fr. bois,1955, p. 10). 3. [En parlant du verre, de l'acier, du béton] Matériau transformé de manière à donner une matière flexible et résistante utilisée en particulier pour la construction. De là l'idée d'utiliser la résistance du béton dans les parties comprimées des pièces de la construction et de noyer des armatures métalliques dans les fibres tendues de ces pièces pour résister aux efforts de tension (Bourde, Trav. publ.,1928, p. 262).Les fibres de verre sont toujours creuses; ce sont des microcapillaires (C. Duval, Verre,1966, p. 98). E.− MATH. [Terme de géom., de topologie différentielle] ,,Une variété V à m dimensions est dite fibrée lorsque par chaque point de V passe une variété F (la fibre), ces variétés F étant toutes homéomorphes`` (Hist. gén. sc.,t. 3, vol. 2,1964,p. 83). REM. 1. Fibrage, subst. masc.Production de fibres de verre. (Ds Rob. Suppl. 1970, Lar. Lang. fr.). 2. Fibré, adj.,math., ds l'expr. espace fibré. Mais surtout, comme il a été indiqué plus haut nous trouvons maintenant, dans la théorie topologique des espaces fibrés, dans les théorèmes de De Rham et dans la notion de groupe d'homotopie, les outils appropriés à l'étude globale des géométries généralisées de Cartan (Gds cour. pensée math.,1948, p. 315). Prononc. et Orth. : [fi:bʀ
̥]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1372 (Corbichon, Prop. des choses, V, 39 ds Gdf. Compl.); 1580 fibres nerveux (Paré, éd. Malgaigne, L. III, 3, t. 1, p. 207). Empr. au lat. class. fibra « fibre (des végétaux, des animaux) ». Fréq. abs. littér. : 1 546. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 5 088, b) 1 182; xxes. : a) 720, b) 1 165. Bbg. Gohin 1903, p. 364. − Sckomm. 1933, pp. 22-25. |