| FEUTRER, verbe. A.− Transformer en feutre (du poil ou de la laine). La laine du mouton a la double propriété qu'on la peut filer et feutrer (Bouasse, Cordes et membranes,1926, p. 17). − Emploi abs. Feutrer à chaud, à froid (Ac.). 1. En partic., en emploi pronom. à sens passif et en emploi intrans. Prendre, à l'usure, l'aspect du feutre. Pour les sous-vêtements, cette véritable laine de santé ne feutre pas (Catal. La Redoute,1951-52). 2. P. anal. Emmêler des brins, des brindilles, des fils, du poil pour former un revêtement semblable au feutre. Une pluie pénétrante, serrée, égale, qui feutrait le poil des bêtes et le tordait en épis (R. Bazin, Blé,1907, p. 299). − Emploi pronom. à sens passif. Les différentes bandes [de fibres] sont alors si sèches que, même après avoir été battues ensemble, elles ne se confondent et ne se feutrent pas (Lowie, Anthropol. cult.,1936, p. 141).On coupait très courts ses cheveux blonds par derrière, pour éviter qu'ils se feutrassent (Colette, Gigi,1944, p. 98). B.− P. ext. [Correspond à feutre B] Garnir de feutre; recouvrir d'une couche épaisse, dense, opaque qui ressemble au feutre. Elle fit alors le matelas, et feutra (...) les parois (Michelet, Oiseau,1856, p. 231).Une poussière dense volait, feutrait le plancher et les tables d'un duvet gris (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 209). − Emploi pronom. passif. Les braises croulaient, se feutraient de cendres (Genevoix, Avent. en nous,1952, p. 13). C.− P. anal. et au fig. [P. réf. aux propriétés amortissantes, à l'opacité du feutre] 1. [L'obj. désigne un inanimé concr.] a) Amortir, étouffer (les bruits). Une épaisse couche de paille avait été étendue sur la chaussée (...) afin de feutrer le bruit des roues (Druon, Gdes fam.,t. 1, 1948, p. 32). b) Estomper, masquer (une forme). Il descend du ciel un nuage très épais... Il tombe sur la fête... Il cache tout en un instant... Il feutre l'espace... (Céline, Mort à crédit,1936, p. 250). 2. [L'obj. désigne un inanimé abstr.] Adoucir, rendre imperceptible. C'était toujours l'ancienne petite fille, mais la puberté avait fondu sa dureté et comme feutré les brusqueries un peu sombres de sa dixième année (Barrès, Jard. Bérénice,1891, p. 52). − Emploi pronom. à sens passif. Un garçonnet turbulent (...) dont la voix et les gestes se feutrent dès qu'il a franchi le seuil (Arnoux, Solde,1958, p. 57). Prononc. et Orth. : [føtʀe], (il) feutre [fø:tʀ
̥]. Ds Ac. 1762-1932. Étymol. et Hist. 1. Fin du xies. [mss des xive-xves.] feltred « (laine) feutrée » (Raschi, Gl. éd., A. Darmesteter et D. S. Blondheim t. 1, 467), emploi isolé; 1752 feutrer « mettre en feutre (du poil, de la laine) » (Encyclop.); 2. ca 1175 feutrée « (selle) garnie de feutre » (Horn, éd. M. K. Pope, 2194); 1309 feutrer « garnir de feutre » (J.-M. Richard, Une Petite nièce de saint Louis, Mahaut, p. 197); 3. 1680 « rembourrer (une selle) » (Rich.); 4. 1841 feutré « qui offre l'aspect du feutre » (Balzac, Tén. affaire, p. 82); 5. 1901 à pas feutrés (Lorrain, Phocas, p. 168). Dér. de feutre*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 13. Bbg. Gall. 1955, p. 409. |