| FEUTRE, subst. masc. A.− Étoffe non tissée, imperméable, obtenue en foulant et en agglutinant du poil ou de la laine, et qui a la propriété d'amortir les bruits, les chocs. Il portait un chapeau melon au feutre impeccable (Duhamel, Cécile,1938, p. 175): Marguerite m'envoyait dans son panier deux bonnes chemises neuves, des bas de laine pour me tenir les pieds chauds; elle avait même cousu dessous des semelles en feutre, qui vous préservent de l'humidité.
Erckm.-Chatr., Hist. paysan,t. 2, 1870, p. 96. − P. méton. Objet fabriqué dans cette étoffe. Chausser des feutres. En partic. Chapeau de feutre. Un feutre mou. Il jeta son feutre à terre si rudement que la forme en resta tout aplatie (Gautier, Fracasse,1863, p. 344).Il a changé son feutre en un melon (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1906, p. 346). B.− P. ext. 1. CONSTR. Feutre asphalté, goudronné. La chape [des souterrains] se fait simplement au mortier lissé à la truelle, qu'on recouvre, si les infiltrations sont abondantes, avec des feuilles de feutre goudronné (Bricka, Cours ch. de fer,t. 1, 1894, p. 202). 2. MAR. Étoffe grossière d'étoupes enduites de goudron, qu'on place sur la surface de jonction de deux pièces réunies par un écart. Le feutre a le grave inconvénient de ne pas permettre de donner une surface polie à la carène [des navires à bordé en bois] (Croneau, Constr. nav. guerre,t. 1, 1892, pp. 345-346). 3. PAPETERIE. ,,Étoffe de laine sans coutures, sur laquelle on couche les feuilles de papier au sortir du moule`` (Littré). La bande [de papier] entrant dans la partie sèche y est maintenue appliquée à la surface des cylindres par les feutres sécheurs tissés de coton ou d'amiante (Civilis. écr.,1939, p. 6-8). 4. SALINES. Tapis végétal qui recouvre le fond des tables. Depuis quelques années on recouvre, dans certaines salines, le sol des tables d'un revêtement végétal, nommé feutre (Wurtz, Dict. chim.,t. 2, 2evol., 1876, p. 1514). 5. SELLERIE. ,,Bourre de laine dont se servent les selliers pour rembourrer une selle`` (Ac.). C.− P. anal. ou au fig. Ce qui a l'aspect, les propriétés du feutre. De tout petits [insectes] forment feutre sur le verre du photophore (Gide, Retour Tchad,1928, p. 897).Cette voix de feutre (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 240).Le bruit de la ville réveillée, libérée de ce bâillon qu'était la neige, de ce feutre (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 280). REM. 1. Crayon-feutre, subst. masc.,p. ell. feutre (cf. crayon). 2. Feutre-melon, subst. masc.,rare. Chapeau forme melon, en feutre. Son chapeau mou, feutre-melon (Courteline, Linottes,Héritage, 1892, p. 242). Prononc. et Orth. : [fø:tʀ
̥]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Fin du xies. [mss des xiiie-xives.] feltre « étoffe obtenue en foulant et en agglutinant du poil ou de la laine » (Raschi, Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, t. 1, 466); fin du xiies. fautre (Raoul de Cambrai, éd. P. Meyer et A. Longnon, 7161); 2. a) ca 1160 « objet en feutre sur lequel on s'assied ou on se couche; couverture » (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 6115); 1913 : Chapel ot d'un neir feutre; ibid., 1922 : le fautre el ché el son); b) xiiies. « chapeau de feutre » (Simon de Pouille, éd. J. Baroin; c) 1611 feustre « bourre qu'emploient les selliers pour rembourrer les selles » (Cotgr.). De l'a. b. frq. *filtir, au sens 1, cf. l'a. h. all. filz « id.; étoffe grossière » (Graff t. 3, col. 519; Schützeichel2), ags. felt (NED). Filtrum est attesté en lat. médiév. dès le viiies. (741-744 « caparaçon de feutre » ds Nierm.; 1075-76 « feutre, pièce de feutre », ibid.). Fréq. abs. littér. : 531. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 224, b) 1 198; xxes. : a) 706, b) 999. Bbg. Brüch (J.). Die Sippe des frz. feutre « Filz ». Wien, 1960, 48 p. (Österreichische Ak. der Wiss. Phil.-hist. Klasse. Sitzungsberichte. 235, 5). |