| FATIGUE, subst. fém. A.− Dans le domaine physiol. 1. Diminution des forces de l'organisme, généralement provoquée par un travail excessif ou trop prolongé, ou liée à un état fonctionnel défectueux. Fatigue physique; brisé de fatigue. En sentant une petite fatigue dans les muscles (Balzac, Cous. Pons,1847, p. 158).Il ne sentait plus qu'une grande fatigue dans tous ses membres (Zola, T. Raquin,1867, p. 109).Ses traits accusèrent brusque ment la fatigue accumulée depuis des semaines (Bernanos, Mauv. rêve,1948, p. 918): 1. C'était une rangée de cadavres, debout, dans les suaires noirs. Toutes étaient exsangues, avaient des joues blanches, des paupières lilas et des bouches grises, toutes avaient des voix épuisées et tréfilées par les privations et les prières, et, la plupart se voûtaient, même les jeunes. Ah! l'austère fatigue de ces pauvres corps! se cria Durtal.
Huysmans, En route,t. 1, 1895, p. 211. − P. métaph. L'extrême fatigue des âmes (Tocqueville, Corresp.,[avec Gobineau], 1858, p. 298). SYNT. Fatigue corporelle, musculaire, cérébrale, nerveuse; fatigue soudaine, brusque, passagère, chronique; une longue, une extrême fatigue; accablé, abruti, écrasé, excédé, ivre, rompu, harassé, mort de fatigue; sentir, ressentir (de) la fatigue; craindre, éviter, épargner, supporter la fatigue. Ne ménager ni son temps ni sa fatigue; résister à la fatigue; haleter, succomber, tomber, crever, s'endormir, se tuer, n'en plus pouvoir de fatigue; signe, état, surcroît, excès, sentiment de fatigue; poids de la fatigue. − [Avec un compl. d'origine introduit par la prép. de] Il me faudra quelque temps pour me remettre de la fatigue de Paris (Lamennais, Lettres Cottu,1825, p. 168).Ses traits fléchis par la fatigue de l'heure tardive (Proust, Prisonn.,1922, p. 342): 2. Elles retraversèrent la prairie plus lentement cette fois, car la fatigue de cette promenade commençait à se faire sentir.
Green, Journal,1928-34, p. 260. 2. P. méton., souvent au plur. Travail, tâche pénible (causant de la fatigue). Les fatigues de la campagne, de la guerre, d'une journée, d'un voyage; se reposer, se remettre de ses fatigues. Il avait voulu éviter à sa vieille mère les fatigues d'une longue station (France, Dieux ont soif,1912, p. 72): 3. Pour se reposer des fatigues de la fête, M. Patissot conçut le projet de passer tranquillement le dimanche suivant assis quelque part en face de la nature.
Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Dimanches bourg. Paris, 1880, p. 316. − En partic. Travail pénible qui entraîne une diminution des forces : 4. Cependant qu'elle lessivait un drap ou une nappe, qu'elle astiquait soigneusement le panneau de la panetière, ou polissait un chandelier de cuivre, il lui montait du fond de l'âme ces petits mouvements de joie qui animait ses fatigues domestiques.
Bachelard, Poét. espace,1957, p. 74. ♦ Cheval de fatigue. Utilisé pour les travaux les plus durs. Il [le docteur] pouvait assigner le moment où cette âme entrerait dans le corps (...) d'un cheval de fatigue (Maupass., Dr H. Gloss,1893, p. 121). ♦ Habit, vêtement de fatigue. Réservé pour les tâches pénibles. Il se procura un pantalon de fatigue en velours à côtes, comme ceux des ouvriers charpentiers (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Dimanches bourg. Paris, 1880, p. 287).Les habits de fatigue dans la laine des brebis (Pesquidoux, Livre raison,1925, p. 109). ♦ Homme de fatigue. À qui on donne un travail pénible à faire. C'est prodigieux comme Millet a saisi le galbe de la paysanne, de la femme de labeur et de fatigue, penchée sur la terre et ramassant la glèbe (Goncourt, Journal,1862, p. 1130). − Spéc., vx, arg. Travail (des forçats). À la fatigue, sous l'ardent soleil du bagne, sur le lit de planches des forçats, il se replia en sa conscience et réfléchit (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 112). B.− P. anal. − [En parlant d'une chose] Moindre résistance (d'une chose) due à une trop longue ou trop violente utilisation et pouvant aller jusqu'à empêcher son fonctionnement normal. Une certaine fatigue du ressort (Claudel, Art poét.,1907, p. 139). − P. méton. Effort imposé qui engendre une moindre résistance. Il est très important de se rendre compte de la fatigue qui sera imposée au câble (Haton de La Goupillière, Exploitation mines,1905, p. 945). − Spéc., TECHNOL. Essai de fatigue. Pour déterminer l'effort maximum possible sans qu'il y ait rupture (d'apr. Rama 1973). Synon. essai d'endurance. C.− Au fig. − [En parlant d'une pers.] Découragement, disparition de l'envie de poursuivre ce qui a été entrepris. Je suis tout languissant, mais c'est plutôt de fatigue morale que de maladie physique (Constant, Journaux,1804, p. 83).La fatigue de n'être jamais d'accord avec le plus grand nombre (Montherl., Songe,1922, p. 111). Prononc. et Orth. : [fatig]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Début xives. « action de fatiguer, résultat de cette action » (Aimé, Yst. de li Norm., p. 137 ds Gdf. Compl.); 2. 1555 « ce qui est cause de fatigue, travail pénible » (E. Pasquier, Le Monophile, 74ads R. Ét. rab. t. 9, p. 308). Déverbal de fatiguer*. Fréq. abs. littér. : 4 814. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 5 601, b) 7 486; xxes. : a) 7 138, b) 7 385. Bbg. Martin (R.). Les Degrés de la synon. In : Colloque sur les moyens d'enquête sur la connaissance et la diffusion du vocab. Strasbourg, 1962, pp. 21-31. − Termes techn. fr. Paris, 1972, p. 69, 85. |