| * Dans l'article "FANTÔME,, subst. masc." FANTÔME, subst. masc. A.− 1. Apparition fantastique, être surnaturel. Fantôme brillant, terrifiant; fantômes de la nuit; conjurer les fantômes. Synon. esprit, ectoplasme, spectre.S'il y a des esprits dans la chambre, ils doivent être singulièrement concassés (...). La cloche dissipe les fantômes et chasse les démons, répondit doctoralement Gévingey qui bourra sa pipe (Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, p. 220).C'est le cheval du maire, un autre soir, qui se cabre au carrefour et demeure planté sur les pieds de derrière. Il y avait un fantôme, un grand fantôme muet dressé devant lui. Enfin, à un fort coup de fouet, ce semblant s'évanouit (Pourrat, Gaspard,1922, p. 25): 1. Les histoires de sorcières et de fantômes avaient troublé son enfance nerveuse. Mais plus il craignait les apparitions, plus il s'imposait de les braver. Ayant tracé un cercle à terre et enflammé de l'alcool dans une soucoupe, tout enveloppé d'une flamme bleuâtre, il commençait : « Démons de l'air et du feu... »
Maurois, Ariel,1923, p. 15. − En appos. à valeur adj. Qui est irréel, qui procède du surnaturel. Un soir, lui, il l'avait vu, le taureau-fantôme, le « sphinx vivant » aux yeux verdâtres (Montherl., Bestiaires,1926, p. 577).Les roues glissaient lentes et sans bruit comme des charrettes fantômes (Gracq, Beau tén.,1945, p. 181). ♦ En partic. a) Littér. Navire, vaisseau fantôme, etc. Navire, vaisseau, etc., apparaissant et disparaissant de façon surnaturelle qui semble gouverné par une force invisible ou, selon certaines légendes, par un équipage de défunts qu'un châtiment divin condamne à errer sans fin sur les mers. Le vapeur très haut maintenant (ils étaient au pied) semblait partir à toute vitesse dans la nuit comme un vaisseau fantôme (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 232).Aussitôt son sacrifice apaisera la colère divine et le navire fantôme s'engloutira (Dumesnil, Hist. théâtre lyr.,1953, p. 139): 2. Dans les mers il n'est pas rare
Que la foudre au lieu de phare
Brille dans l'air,
Et que sur l'eau qui se dresse
Le sloop-fantôme apparaisse
Dans un éclair.
Alors tremblez. Car l'eau jappe
Quand le vaisseau mort la frappe
De l'aviron,
Car le bois devient farouche
Quand le chasseur spectre embouche
Son noir clairon.
Hugo, Légende,t. 6, 1883, p. 162. Le Vaisseau fantôme. Version française d'un opéra de R. Wagner. Le chœur des fileuses du Vaisseau fantôme est une pure merveille (Proust, Guermantes,1921, p. 491).b) Train(-)fantôme. Attraction foraine où les spectateurs montés à bord d'un petit train sont, au cours du circuit, les témoins de phénomènes fantastiques évoqués au moyen de divers artifices. Je n'ai jamais été à la foire. Tu n'es jamais montée sur les montagnes russes? ou dans le train fantôme? (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 280). 2. En partic. Personne décédée se manifestant de façon surnaturelle sous une apparence désincarnée; p. méton. fantôme de... apparence désincarnée sous laquelle se manifeste une personne décédée. Évoquer les fantômes. Synon. revenant.Madame de Gabry, qui m'apprit que le château était hanté par des fantômes et notamment par la dame « aux trois plis dans le dos », empoisonneuse de son vivant et âme en peine désormais (France, Bonnard,1881, p. 347).Le fantôme resterait là, jour et nuit, autour de l'auberge, tant que le corps du vieux guide n'aurait pas été retrouvé et déposé dans la terre bénite d'un cimetière (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Aub., 1886, p. 1082).N'était-ce pas un revenant qui lui sautait dessus? Un puni de Dieu qui allait le punir à son tour... René le Berre haletait. Il avait cru distinguer le fantôme de sa mère sur un rocher de l'île (Queffélec, Recteur,1944, p. 187): 3. Tu as lu cette histoire de fantôme, Minet-chéri? Comme c'est joli, n'est-ce pas? Y a-t-il quelque chose de plus joli que cette page où le fantôme se promène à minuit, sous la lune, dans le cimetière? Quand l'auteur dit, tu sais, que la lumière de la lune passait au travers du fantôme et qu'il ne faisait pas d'ombre sur l'herbe... Ce doit être ravissant, un fantôme. Je voudrais bien en voir un, je t'appellerais. Malheureusement ils n'existent pas. Si je pouvais me faire fantôme après ma vie, je n'y manquerais pas, pour ton plaisir et pour le mien.
Colette, Mais. Cl.,1922, p. 60. B.− P. anal. 1. [À propos d'une réalité concr.] a) [À propos en partic. d'un élément du paysage] Forme blanche et indistincte, volume aux contours irréels. Lorsque le ciel blanchissait et tirait de l'ombre le grand fantôme pâle de la gare (Zola, Bête hum.,1890, p. 129).Le fantôme haillonneux d'un grand eucalyptus reprit par degrés sa place sur le ciel (Colette, Naiss. jour,1928, p. 53).La nuit vint (...) et, derrière elle, cachés par elle, les fantômes de brume (Peisson, Parti Liverpool,1932, p. 161). b) Spéc., BIBLIOTHÉCON. [P. réf. au caractère de simulacre du fantôme] ,,Fiche, planchette mentionnant le nom de l'emprunteur que l'on met, dans une bibliothèque, à la place d'un volume sorti`` (A. Cim, Le Livre, Paris, Flammarion, 1907, p. 188). 2. Personne d'une pâleur et d'une maigreur excessives; personne évoquant par son habillement un fantôme. C'est un vrai fantôme. On le prendrait pour un fantôme (Ac.1798-1932).Il est rongé par la tuberculose pulmonaire des vieillards : c'est un fantôme, aux yeux brillants, miné presque chaque jour par la fièvre (Martin du G., J. Barois,1913, p. 537).Un Targui blanc, fantôme muet et impassible (Benoit, Atlant.,1919, p. 133).Louise examina son nouveau locataire : un fantôme, une grande perche, squelettique et dégingandé, avec un visage hâve et des yeux fiévreux (Dabit, Hôtel Nord,1929, p. 155). C.− Au fig. 1. Souvenir persistant, sentiment obsessionnel. Synon. hantise.Il reste visiblement hanté par le fantôme de ses innocences perdues (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1524).Je me battais dans un tunnel, parmi des ombres. Contre le fantôme de Jacques, contre le passé défunt (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 318): 4. J'ai relu tout ce qu'il [Bouilhet] a écrit. J'ai feuilleté nos anciennes lettres. Je remue une série de souvenirs, (...) je suis poursuivi par son fantôme que je retrouve derrière chaque buisson du jardin, sur le divan de mon cabinet, et jusque dans mes vêtements, dans mes robes de chambre qu'il mettait.
Flaub., Corresp.,1870, p. 120. 2. Création de l'imagination, idée fausse et illusoire. Se faire des fantômes de rien (Ac.1798-1932).Synon. chimère.Prenez en dessous toutes les doctrines humaines qui retentissent dans le monde; que trouvez-vous? Arbitraire, caprice, rêve, fantôme, bulle qui s'enfle du souffle d'un enfant (M. de Guérin, Corresp.,1831, p. 44).Tout me paraît donc chimère, vapeur, fantôme et néant, y compris mon propre individu (Amiel, Journal,1866, p. 89).Elle [l'âme] sait trop que le rêve n'est qu'un fantôme, une ombre vaine (Bourget, Nouv. Essais psychol.,1885, p. 132). − En partic. Être imaginaire et idéal. Tu es incapable d'aimer ma personne, ma réalité, ma vie comme tu dis, c'est-à-dire moi-même. Tu as aimé un fantôme et, hantée par une chimère, tu viens critiquer et miner notre union (Chardonne, Épithal.,1921, p. 311). 3. Fantôme de + subst. ou emploi apposé.Quasi-synon. de fantomatique. a) [À propos d'une abstraction] Ce qui n'a que l'apparence de quelque chose. Synon. semblant, simulacre de...Cette moquerie de souveraineté, ce fantôme misérable de gouvernement (Lamennais, L'Avenir,1831, p. 192).Quel semblant d'argument, quel fantôme de réponse pourrait-on, oserait-on opposer à cela (Barbusse, Feu,1916, p. 371). b) Personne qui n'est qu'en apparence ce qu'elle devrait être. Plus rien entre nous deux pour troubler nos plaisirs, Qu'un fantôme d'époux sans droits et sans désirs (Dumas père, Caligula,1837, II, 6, p. 12).On vous reproche d'avoir fait de l'opposition à la candidature de ce fantôme d'empereur [Louis Bonaparte] (Proudhon, Confess.,1849, p. 417). − Absol. Personne sans consistance, ni réelle existence. Je ne pourrai arrêter un moment son regard? Il ne m'accordera pas que j'existe? Je ne serai, quoi que je fasse, pour lui qu'une ombre, qu'un fantôme, qu'une âme entre cent autres? (Renan, Souv. enf.,1883, p. 37). c) En appos. à valeur adj. Qui n'existe pas vraiment, qui n'est qu'en apparence ce qu'il devrait être. Elle [Vinca] servait le café (...) et vivait, parmi ces parents-fantômes (...) une vie étrange (Colette, Blé en herbe,1923, p. 62). − Spéc., PATHOL. Membre(-)fantôme. Perception illusoire et parfois douloureuse d'un membre amputé ou privé de sensibilité : 5. L'anesthésie par la cocaïne ne supprime pas le membre fantôme, il y a des membres fantômes sans aucune amputation et à la suite de lésions cérébrales. Enfin le membre fantôme garde souvent la position même que le bras réel occupait au moment de la blessure : un blessé de guerre sent encore dans son bras fantôme les éclats d'obus qui ont lacéré son bras réel.
Merleau-Ponty, Phénoménol. perception,1945, p. 90. Prononc. et Orth. : [fɑ
̃to:m]. Enq. : /fɑ
̃tom, (D)/. Ds Ac. 1694-1932. L'éd. de 1740 signale : ,,Quelques-uns écrivent, phantôme``, mais Fér. 1768 et Fér. Crit. t. 2 1787 jugent l'orth. étymol. hors d'usage pour tous les mots qui dérivent de fantôme. La tendance est d'étendre à toute la famille du mot l'accent circonflexe qui rappelle que l'on a remplacé l'anc. -au- de fantauma par -o- (cf. Buben 1935, § 42). Bien que d'apr. Dupré 1972, p. 977 cet accent remplace simplement l'anc. s de phantasma, fantasme et fantôme étant 2 doublets. Cet accent sur le mot préserve, en tout cas, le timbre fermé de la voyelle. Étymol. et Hist. 1. 1160 « image trompeuse, illusion » (Enéas, 2416 ds T.-L. : Iluec et un arbre branchu, Molt ancïen, lait et mossu, Les foilles pendeient de songes, De fantosmes et de mençonges); 2. 1165 « apparition surnaturelle » (Guillaume d'Angleterre, éd. Wilmotte, 105). Du ionien *phantagma (gr. φ
α
́
ν
τ
α
σ
μ
α « apparition, vision; image offerte à l'esprit par un objet; spectre fantôme » transcrit dans le lat. impérial phantasma), d'où *phantauma, par altération massaliotte, le mot ayant été véhiculé dans le lat. de Gaule par l'intermédiaire de Marseille (FEW t. 8, p. 364b). Fréq. abs. littér. : 2 732. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 901, b) 4 024; xxes. : a) 3 138, b) 4 245. DÉR. 1. Fantomal, ale, aux, adj.,rare. a) Qui tient de l'apparition. L'imagination du paysan préfère donner le frisson en évoquant des êtres plus irréels : lavandières de nuit, fantômes et processions fantomales (Menon, Lecotte, Vill. de Fr.,t. 2, 1954, p. 95).P. anal. Qui évoque une apparition. Ce monde si triste, où tout laissait suinter, comme un brouillard, la forme de son âme humide, dans cette lumière fantomale (Bosco, Mas Théot.,1945, p. 106).b) Au fig. Qui est irréel. Il s'est trompé en cherchant la vie véritable dans la vie même, alors que la vie des hommes est fantomale, et seule réelle la vie des âmes (Durry, Nerval,1956, p. 116).Rem. La docum. atteste 2. fantômnal, ale, aux, adj.var. rare Elles sont toutes comme lapidifiées [les femmes d'Odilon Redon] et, quoique fantômnales, toutes ont ce profil arrêté de l'Ange de la certitude (Lorrain, Sens. et souv.,1895, p. 216). − [fɑ
̃tɔmal] ou [fɑ
̃tomal] plur. [-o]. Seule transcr. ds Lar. Lang. fr. (avec [o]). D'apr. Dupré 1972, p. 977 devrait s'écrire p. anal. avec fantôme, fantômal comme on le rencontre chez certains aut. (H. Bosco). Il propose également l'accent circonflexe dans fantômatique (cf. fantôme). − 1reattest. 1883 (Rollinat, Névroses, p. 218); de fantôme, suff. -al*. − Fréq. abs. littér. : 12.Fantomatique, adj.Qui est relatif au fantôme. La clarté pâle, lente, du jour, lui donnait un aspect fantomatique, une beauté d'apparition (Bourget, Sens mort,1915, p. 192).Alors qu'un être aimé est victime au loin d'un accident entraînant la mort, il [l'homme] est averti d'une manière surnaturelle − nous disons maintenant supranormale − par un vague pressentiment, un rêve ou une vision fantomatique (Warcollier, Télépathie,1921, p. 5).Au fig. Qui est sans réalité. La vision très fantomatique et uniquement abstraite sans aucune conviction que je m'en forme [d'un colosse] (Ponge, Parti pris,1942, p. 56).Et toute la réalité du souvenir devient fantomatique. Mais cette irréalité formulée dans les songes du souvenir n'atteint-elle pas le rêveur devant les choses les plus solides? (Bachelard, Poét. espace,1957, p. 67).− [fɑ
̃tɔmatik] ou sur fantôme* [fɑ
̃to-]. Cette dernière prononc. est donnée ds Lar. Lang. fr. et à titre de var. ds Warn. 1968. L'adj. est admis ds Ac. 1932. − 1reattest. 1858 (Goncourt. Journal, p. 455); de fantôme d'apr. le rad. du génitif gr., suff. -ique*. − Fréq. abs. littér. : 50. BBG. − Pauli 1921, p. 78 (s.v. fantômal). − Sain. Sources t. 3 1972 [1930], p. 228. |