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* Dans l'article "FANTASMAGORIE,, subst. fém."
FANTASMAGORIE, subst. fém.
A.− Vx. Projection dans l'obscurité de figures lumineuses animées simulant des apparitions surnaturelles; p. méton. spectacle ainsi produit. En 1815 ou 1820, M. Robertson, physicien, escamoteur, inventeur de la fantasmagorie, etc., donnait une soirée (Stendhal, Mém. touriste,t. 1, 1838, p. 44).La fantasmagorie (...) utilisait la lanterne magique, mais en lui adjoignant divers artifices propres à frapper (...) l'imagination des assistants par l'apparition des fantômes (Graffigny, Cin.,1923, p. 8).Au nord d'Oxford Street, les Maskelyne's, famille de magiciens, ont ouvert un théâtre de fantasmagorie qui est le Robert Houdin anglais (Morand, Londres,1933, p. 246):
1. Et puis, comme si, au contraire, une apparition eût été évoquée par ce son vibrant de cornemuse, une grande chose imprévue s'était dessinée en grisaille, s'était dressée menaçante, très haut tout près d'eux : des mâts, des vergues, des cordages, un dessin de navire qui s'était fait en l'air, partout à la fois et d'un même coup, comme ces fantasmagories pour effrayer qui, d'un seul jet de lumière, sont créées sur des voiles tendus. Loti, Pêch. Isl.,1886, p. 188.
P. ext. Apparition surnaturelle, phénomène extraordinaire. Elle [la petite fille] trouva dans ces histoires de saints, de martyrs, toutes pleines d'apparitions, de monstres, de métamorphoses, les ravissements, les obsessions, les émois, les douces épouvantes de fantasmagories et de réalité idéale que les contes de fées apportent aux âmes de son âge (Goncourt, Sœur Philom.,1861, p. 38).Je vous vois cruellement tourmenté par les Lutins. Ces petits esprits de la terre vous ont assailli, abusé par toutes sortes de fantasmagories (France, Rôtisserie,1893, p. 344):
2. ... il faut traverser ces bois solitaires, et c'était les soirs, au retour, qu'on voyait les fantasmagories. Un jour, la mère du curé de Fayet-Ronnaye passait en carriole avec son filleul. Ils avisent, venant à eux sur le chemin, quelque chose de bas, de carré, de noir, ressemblant à un cercueil qui aurait roulé tout seul. Le garçon tire sur les guides et prend sa droite. Quand la chose est pour les croiser, elle s'efface soudainement. Pourrat, Gaspard,1922, p. 25.
P. anal. [À propos d'un phénomène naturel, d'un élément du paysage, etc.] Spectacle enchanteur et irréel. Synon. féerie.La prodigieuse gamme de couleurs, la fantasmagorie du lac de Garde au soleil couchant (Lemaitre, Contemp.,1885, p. 146).De longues nuées dérangeaient les perspectives (...) les changeantes montagnes semblaient avoir grandi dans la nébuleuse fantasmagorie du soir (Loti, Ramuntcho,1897, p. 8).Cette silhouette massive sortie de la pluie, et maintenant bien réelle au bout de cette fantasmagorie de brume (Gracq, Syrtes,1951, p. 21).
B.− Au fig.
1. Domaine de l'activité psychique.Représentation imaginaire. Synon. fantasme.Il appelle sciences et arts la puissance qu'il a de donner à ses fantasmagories une précision, une durée, une consistance et jusqu'à une rigueur dont il est lui-même étonné; accablé quelquefois! (Valéry, Variété II,1929, p. 237):
3. C'est ainsi que Tieck a eu du rêve un goût plus immédiat, une connaissance plus souple que personne, mais qu'il n'en a jamais fait l'instrument d'aucune conquête. Ses œuvres, celles de la jeunesse surtout, puisent aux sources de l'inconscient une exceptionnelle abondance de symboles, de formes et d'inspirations diverses. On le sent familier de ces régions profondes, et, premier peintre de la nature romantique, il est aussi le premier évocateur des fantasmagories secrètes. Béguin, Âme romant.,1939, p. 218.
Péj. Représentation de l'esprit erronée et ne reposant sur rien de réel, de sérieux. Synon. chimère, illusion, leurre, utopie.« La lèpre de vos discours s'attachera à votre peau et y fleurira affreusement! » − « Fantasmagorie! » s'écria Beauville agacé. « Le mal emporte le monde sur ses ailes noires » (Péladan, Vice supr.,1884, p. 193).Et vous trouvez que le réel n'inflige pas un démenti aux fantasmagories mystiques de Le Gallic? (Bourget, Sens mort,1915, p. 226).Ce jour-là quelque fantasmagorie dont j'avais été la dupe commença de se dissiper (Guéhenno, Journal homme 40 ans,1934, p. 254).
2. Domaine de l'activité intellectuelle.Emploi excessif dans une œuvre de motifs et thèmes fantastiques destinés à créer une atmosphère surnaturelle; p. méton. effet ainsi produit. Ce roman, ce drame est rempli d'évocations, d'apparitions, de scènes nocturnes; je n'aime point toute cette fantasmagorie (Ac.1835-1932).Par là s'explique, sans l'excuser, l'outré de la scène moderne, le fac-similé de tous les crimes (...) la fantasmagorie des cimetières, des souterrains et des vieux châteaux (Chateaubr., Litt. angl.,t. 1, 1836, p. 229).
Prononc. et Orth. : [fɑ ̃tasmagɔ ʀi]. Ds Ac. 1835-1932. Pour la graph. avec ph, cf. fantôme. Étymol. et Hist. [1787 ds Bl.-W.3-5]; 1799 phantasmagorie « art de faire voir des fantômes par illusion d'optique » (Molard, Descr. Mach. et proc., t. II, p. 45, 17 mars ds Brunot t. 9, p. 1212); 1801 fantasmagorie (S. Mercier, Néol., t. 1, p. 259); 1810 « spectacle fantastique et surnaturel » (Staël, Allemagne, t. 1, p. 70 : les événements réels passent devant leurs yeux comme de la fantasmagorie). Dér. de fantasme* avec une terminaison que certains justifient par allégorie* « représentation plastique utilisant l'allégorie » (Bl.-W.1-5; FEW t. 8, p. 365a), d'autres (DG; v. aussi EWFS2), de manière moins probable, par le gr. α ́ γ ο ρ ε υ ́ ε ι ν, « parler ». Fréq. abs. littér. : 136.
DÉR.
Fantasmagorique, adj.[Correspond à fantasmagorie A] Qui se rapporte à la fantasmagorie, p. ext. qui relève du surnaturel. Semblable à une figure fantasmagorique, il avait disparu derrière les fatales touffes de genêts (Balzac, Chouans,1829, p. 36).Le ciel et la terre perdirent Leur aspect fantasmagorique Les morts se réjouissaient De voir leurs corps trépassés entre eux et la lumière (Apoll., Alcools,1913, p. 67).Mais il est ce songeur et ce poète qui ne peut trouver de connaissance que fantasmagorique et de l'ordre du mythe (Durry, Nerval,1956, p. 62). [fɑ ̃tasmagɔ ʀik]. Ds Ac. 1835-1932. Pour la graphie ph, cf. fantôme. 1reattest. 1798 « qui tient de la fantasmagorie » (ds Potez, L'Élégie en France avant le Romantisme ds Fr. mod. t. 12, p. 136); du rad. de fantasmagorie, suff. -ique*. Fréq. abs. littér. : 22.
BBG. − Gougenheim (G.). L'Inventeur du mot fantasmagorie. Vie Lang. 1956, pp. 160-162.