| FAMINE, subst. fém. A.− Manque quasi total des différentes denrées alimentaires, par lequel l'ensemble d'une population (d'une ville, d'une province, d'un pays) souffre de la faim. L'horrible famine; grandes, longues famines; année, temps de famine; réduire à la famine. Les années 1816 et 1817 furent calamiteuses; les récoltes de céréales manquèrent; ce fut plus que de la disette, ce fut presque de la famine (Du Camp, Hollande,1859, p. 193).Les Allemands, en cas de refus, menaçaient de couper à la ville tout ravitaillement. Une famine épouvantable éclaterait (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 129): 1. Malgré ce retour au bon ordre, on n'avait jamais vu une désolation pareille à l'état de la ville de Paris; la famine et la misère y avaient produit une épidémie terrible. Chaque jour il mourait tant de monde que les prêtres ne suffisaient point à donner les sacremens...
Barante, Hist. ducs Bourg.,t. 4, 1824, p. 192. − Expressions ♦ Prendre une place, une ville par (la) famine. La forcer à se rendre en lui coupant les vivres. On peut prendre par la famine et par la force une cité; on ne prend pas ainsi une société tout entière (Jaurès, Ét. soc.,1901, p. 113).Au fig. Prendre qqn par (la) famine. Le soumettre à sa volonté en le privant des ressources nécessaires. Le vieux Finot prend le petit Finot par famine (Balzac, C. Birotteau,1837, p. 156). ♦ HIST. Pacte de famine. Conspiration imaginaire, qui, suivant la légende populaire, aurait été tramée, sous Louis XV et jusqu'à la Révolution, par un groupe de gens puissants pour spéculer sur les blés en provoquant des disettes factices. Dans le nombre des manuscrits trouvés à la Bastille, il en est un qui rapporte certain pacte de famine générale, dénoncé au roi par le nommé Prévost (Marat, Pamphlets,Nouv. dénonciation contre Necker, 1790, p. 169). B.− Faim, manque de nourriture dont souffre une personne (prise individuellement). Ce père sans travail que la famine assiège (Hugo, Feuilles automne,1831, p. 779): 2. Non, ce ne fut pas pour la recherche d'une volupté coupable et paresseuse qu'il commença à user de l'opium, mais simplement pour adoucir les tortures d'estomac nées d'une habitude cruelle de la faim. Ces angoisses de la famine datent de sa première jeunesse...
Baudel., Paradis artif.,1860, p. 391. − Expr. et loc. ♦ Crier famine. Se plaindre fortement de la faim. J'étais à jeun depuis vingt-quatre heures, et mon estomac criait famine (About, Roi mont.,1857, p. 269).Au fig. Se plaindre d'être dans la pauvreté, dans la misère. On déplorait la misère des campagnes, le manque de bras (...). Les doléances se croisaient, criant famine au sortir de ce festin plantureux (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 43). ♦ Crier famine sur un tas de blé. Se plaindre de la misère alors qu'on est dans l'abondance (dict. xixeet xxes.). ♦ Salaire de famine. Salaire très bas, très insuffisant. Travail ingrat, qui leur ensanglante les doigts et leur irrite les bronches, pour un salaire de famine (Martin du G., Vieille Fr.,1933, p. 1077). C.− Au fig. Manque cruellement ressenti de ce que l'on considère comme un bien nécessaire. Famine spirituelle. La « famine d'idées » me refroidit parfois dans nos sociétés élégantes (Amiel, Journal,1866, 155).Il existe une famine d'amour aussi dangereuse que la sous-alimentation (H. Bazin, Fin asiles,1959, p. 112). Prononc. et Orth. : [famin]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1130-40 famire [: sire; ms. T mil. xiiies.], famine [ms. C mil. xiiies.] (Wace, Conception Notre Dame, éd. W. Ray Ashford, 522); ca 1150 famire [: dire] (Id., St Nicholas, éd. E. Ronsjö, 276); 1155 famine (Id., Brut, éd. I. Arnold, 4680 [leçon ms. D début xiiies.] : Que famine ne face rendre). Dér. du rad. du lat. fames « faim »; suff. -ine*. Fréq. abs. littér. : 470. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 568, b) 857; xxes. : a) 629, b) 676. |