| FALSIFIER, verbe trans. A.− Altérer (une substance quelconque) dans une intention frauduleuse. Falsifier du vin, des aliments. Le beurre de cacao est quelquefois falsifié par des graisses animales, telles que du suif ou de la moelle de bœuf (Kapeler, Caventou, Manuel pharm. et drog.,t. 1, 1821, p. 133).Un vin lourd et râpeux, qui ne valait pas cher sans doute, mais avec lequel on pouvait falsifier de meilleurs crus (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 90). ♦ Falsifier une monnaie, des métaux précieux. En altérer la valeur. Les autres, joailliers et bijoutiers, employaient mille stratagèmes pour falsifier les alliages (Tharaud, Fête arabe,1912, p. 189). − P. anal. Falsifier des comptes, un document, un contrat, un procès-verbal, un texte. Ils inventèrent des livres de commerce, ils falsifièrent des écritures, pour établir la vente des pianos sur un chiffre énorme (Zola, Curée,1872, p. 393).Un dossier tout entier fabriqué par les faussaires, où le fameux « petit bleu » lui-même a été « gratté et falsifié » par Henry (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 261).Falsifiant sans scrupule des documents, par exemple photographiques, on a cherché à majorer le rôle réel joué par Staline aux côtés de Lénine (Marrou, Connaiss. hist.,1954, p. 218). ♦ En partic. Falsifier un scrutin, des élections. En modifier le résultat. Il serait beaucoup plus difficile à Bonaparte de masquer une abstention se manifestant sur une grande échelle que de falsifier un scrutin (Hugo, Corresp.,1852, p. 131).Cf. biseauter ex. 4. B.− Au fig. Donner une fausse apparence à, dénaturer, modifier. Il y a donc deux manières de falsifier : l'une par le travail « d'embellir »; l'autre, par l'application à « faire vrai » (Valéry, Variété II,1929, p. 105).La publicité, un des plus grands maux de ce temps, insulte nos regards, falsifie toutes les épithètes, gâte les paysages (Valéry, Regards sur monde act.,1931, p. 74).Les idéologues finissent par tout dessécher et par tout falsifier (Abellio, Pacifiques,1946, p. 198): ... elle [MmeBovary] conçoit l'amour sous les formes d'une passion exorbitante et unique dans un décor de faste et parmi des péripéties de roman. Il lui faut donc, après avoir falsifié sa propre sensibilité, falsifier les conditions extérieures auxquelles elle est soumise; il lui faudra encore falsifier l'être intime de celui à qui elle décidera de faire tenir le rôle principal dans son rêve sentimental.
Gaultier, Bovarysme,1902, p. 23. Rem. 1. On rencontre ds la docum. a) Falsifiant, ante, part. prés. adj. Qui falsifie. Vous occuperez la matinée à voir seul un de ces musées (...) afin de pouvoir être le messager à son endroit de ce que les images qui les décorent [les salles] transmettent, les dégageant de la gangue déplaisante, falsifiante qui les recouvre (Butor, Modif., 1957, p. 71). b) Falsificatoire, adj. Qui falsifie, qui sert à falsifier. La « poucette » au baccara est analogue à un faux. (...) la mise déplacée et conduite par une main invisible sur le bon emplacement, appartient au translateur. Il s'agit donc d'une altération du contrat ludique de type falsificatoire (Jeux et sp., 1967, p. 489). 2. La plupart des dict. gén. enregistrent falsifiable, adj. Qui peut être falsifié. Denrées falsifiables, écriture falsifiable (Lar. 19e). Prononc. et Orth. : [falsifje], (je) falsifie [falsifi]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1495 (J. de Vignay, Mir. hist., III, 93, éd. 1531 ds R. Hist. litt. Fr. t. 12, p. 695). Empr. au lat. médiév. falsificare « fausser, falsifier » (1remoitié xiies. ds Nierm.). Fréq. abs. littér. : 95. |