| FACTION, subst. fém. A.− [Désigne un ensemble de pers.] 1. ANTIQ. ROMAINE. Groupe de concurrents appartenant aux différentes écuries qui s'opposaient les unes aux autres lors des jeux du cirque. Faction blanche, rouge; factions du cirque. La passion pour les différentes factions et les diverses couleurs du cirque dans l'histoire romaine (Ampère, Corresp.,1856, p. 300): 1. À droite est la tribune de la faction bleue, à gauche celle de la verte (...). Les courses vont commencer, les chevaux s'alignent (...); et ils secouent, dans leurs bonds, des chars en forme de coquille...
Flaub., Tentation,1874, p. 25. − P. ext. Groupe qui encourageait, soutenait les différentes factions du cirque. Justinien fit rétablir l'église de Sainte-Sophie, détruite par les factions du cirque (Lenoir, Archit. monast.,1852, p. 266). 2. a) Dans le domaine pol.
α) Groupe se livrant à une activité fractionnelle subversive pour faire prévaloir ses intérêts. Faction clérico-militaire; factions qui déchirent, divisent un pays, une ville. Entre le parti et la faction, il y a toute la différence qui existe entre les intérêts généraux et les intérêts particuliers (Balzac,
Œuvres div.,t. 2, 1832, p. 527): 2. On sait l'admiration de toute une armée de « penseurs » de tous pays pour le gouvernement italien qui met simplement hors la loi tous ses concitoyens qui ne l'approuvent pas. Jusqu'à nos jours, les éducateurs de l'âme humaine (...) conviaient l'homme à flétrir un état qui serait une faction organisée; les élèves de MM. Mussolini et Maurras apprennent à révérer un tel état.
Benda, Trahis. clercs,1927, p. 143.
β) Machination subversive visant à faire prévaloir les intérêts d'un petit groupe. Synon. complot, conspiration, intrigue, sédition.Les chefs réunis dans les villes (...) y excitaient les factions et les guerres civiles, opprimaient le peuple par des jugements iniques (Condorcet, Esq. tabl. hist.,1794, p. 32). b) Petit groupe de personnes unies par des idées, des goûts, des intérêts communs et qui mènent à l'intérieur d'un groupe plus important une action pour imposer leurs conceptions. Faction musicale. Une petite faction militaire qui s'arroge le droit de parler au nom de l'armée était en train d'englober tous les pouvoirs publics dans d'inextricables complicités (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 133).Deux factions divisaient la classe et divisaient tout le lycée : il y avait le parti des catholiques et le parti des protestants (Gide, Si le grain,1924, p. 419).Il se forme des factions dans la poésie, qui prennent les façons rudes et âpres des partis politiques (Valéry, Variété II,1929, p. 111). Rem. On relève ds la docum. des attest. sans idée péj. Il ne risquait sa jambe gauche, et tout ce qui en dépendait, qu'après avoir assuré la droite et tout son système. Il appartenait à la faction des binaires (Balzac, Théor. démarche, 1833, p. 632). B.− [Désigne une action] 1. Dans le lang. milit. Surveillance exercée par un homme en armes aux abords d'un poste, dans un lieu déterminé. Être de, en faction; mettre, placer un soldat, une sentinelle en faction; monter, prendre la faction; relever de faction. Synon. garde, guet, quart (mar.).Trois gendarmes de faction se promenaient en faisant retentir leurs sabres sur le plancher (Balzac, Chabert,1832, p. 137).Il y a aussi les nuits de garde dans Paris, les postes dans les boutiques à louer, (...) les factions monotones aux postes des mairies devant la place mouillée (A. Daudet, Contes lundi,1873, p. 165): 3. ... il [Polyte] avait essayé de vendre deux paires de draps presque neufs (...). Le brocanteur, feignant d'accepter, avait alerté l'agent en faction au coin de la rue et Polyte avait été appréhendé alors qu'il n'avait pas parcouru deux cents mètres.
Simenon, Maigret,1948, p. 29. 2. P. ext. Attente, surveillance prolongée en un même lieu. Faction assidue, longue; monter la faction. Si on le voyoit faire faction à l'un des guichets des Tuileries, il répondoit : « J'attends la sortie de tel ou tel prince » (Balzac, Annette,t. 1, 1824, p. 44).Remi (...) ne quitta pas son poste d'observation et surveilla les abords de la place. Au bout de deux heures de faction, il vit le portier chargé d'une pyramide de malles (France, Chat maigre,1879, p. 267).Toute la vie de cette femme lui passait [à Jean] en fuite d'égout sous les yeux (...) les factions de nuit devant les bouges ou sur le paillasson du poète (A. Daudet, Sapho,1884, p. 64). Rem. 1. La docum. atteste des ex. où faction désigne le groupe de personnes qui montent la garde ou qui attendent dans un lieu. Des amants attendaient à la porte; c'était (...) le long de la rue de la Michodière (...) toute une faction d'hommes immobiles, guettant du coin de l'œil (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 515). La faction indolente des douaniers arpente le quai (Lorrain, Heures Corse, 1905, p. 42). 2. On rencontre ds la docum. un emploi arch., synon. de action. Il ne manque pas d'esprits sérieux, (...) qui (...) voudraient (...) imposer à chaque écrivain une mission, une faction dans l'œuvre commune (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 5, 1852, p. 24). Prononc. et Orth. : [faksjɔ
̃]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1355 [ms.] faccion « parti séditieux dans un état, une société » (P. Bersuire, Tite-Live, ms. Ste-Gen., fo2a ds Gdf. Compl.); 2. 1616 faction « fonction d'un soldat armé qui surveille les abords d'un poste » (A. d'Aubigné, Hist. universelle, t. 2, p. 385). 1 empr. au lat. class. factio « action ou manière de faire » (v. façon), également attesté au sens de « groupe de gens qui agissent ensemble; ligue, parti ». Le sens 2 semble avoir été empr. à l'ital. fazione attesté dep. la fin xve-début xvies. avec le sens de « service, tour de garde » (cf. Batt.). Fréq. abs. littér. : 607. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 848, b) 635; xxes. : a) 409, b) 416. Bbg. Quem. DDL t. 11. − Wind 1928, p. 82, 133. |