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FACILE, adj.
A.−
1. Qui se fait sans effort, sans peine. Créer, détruire, ce sont les deux ravissements de l'enfance : créer est long; détruire est court, facile (Michelet, Oiseau,1856, p. 307).Combattre ces préjugés n'est pas chose facile; mais c'est faire œuvre très utile (Sorel, Réflex. violence,1908, p. 52):
1. Ce n'est pas la première fois que je bute devant un diagnostic... facile − oui, c'était un diagnostic très facile, en somme, un cas classique nettement caractérisé... Martin du G., Thib.,Pénitenc., 1922, p. 756.
SYNT. Métier, travail, tâche facile; calcul, opération, version facile.
Impers. Il est plus facile de mourir pour la femme qu'on aime que de vivre avec elle (Maurois, Silences Bramble,1918, p. 77).C'est facile de vouloir aller rejoindre le maquis, mais le maquis ne voudrait peut-être pas de lui (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 280).
[Pour marquer la désapprobation] Il est trop facile de raisonner bien quand on n'a rien à gagner ni à perdre (Alain, Propos,1926, p. 686).Ne renverse pas les rôles. Il est trop facile de refuser de comprendre (Gracq, Syrtes,1951, p. 51).
Expr. C'est facile comme bonjour, c'est facile comme tout. C'est trop facile!
En partic.
Un parcours facile, une montagne d'accès facile. Qui n'offre pas d'obstacle. Nous sommes descendus par un chemin facile et très frayé qui serpente sur cette charmante côte (Maine de Biran, Journal,1816, p. 193).De vastes plaines crayeuses, faiblement ondulées, aux horizons étendus, d'un parcours très facile (Foch, Mém.,t. 1, 1929, p. 98).La forêt s'éclaircissait un peu, la route devenait plus facile, quoique glissante (Camus, Exil et Roy.,1957, p. 1659).
Au fig. Personne d'accès facile/de facile accès. Cf. accès1ex. 26 et 27.
Qui ne donne pas de soucis, qui demande peu d'efforts. Époque facile; avoir la vie facile; avoir des débuts faciles. Sabine (...) pensait à son existence dolente et facile, à ses puériles angoisses, au plaisir que lui donnaient le confort et le repos, à ses contentements de vanité (Noailles, Nouv. espér.,1903, p. 42):
2. Coucher de soleil. Grenadine. L'heure était facile comme l'asphalte. Un apaisement tombait, malgré la brûlure des amers. Morand, Ouv. la nuit,1922, p. 175.
Locutions
Avoir l'étonnement, le rire, la larme facile, etc. S'étonner, rire, pleurer aisément. De La Hourmerie avait l'agacement facile. Il eut un geste impatienté (Courteline, Ronds-de-cuir,1893, 3etabl., I, p. 96).Je suis un vieux soldat (...) c'est-à-dire un homme ayant la claque facile pour les petits jeunes gens impertinents (Bloy, Journal,1901, p. 64):
3. Il avait donc pleuré, et assez longuement, à cause de la peine qu'il causait à un être qu'il n'aimait que jusqu'à un certain point! Il en conclut qu'il avait la larme facile, ce que d'ailleurs il n'ignorait pas. Montherl., Démon bien,1937, p. 1306.
Avoir l'argent facile. Donner de l'argent aisément, être toujours prêt à payer. Byron avait le ducat facile (Maurois, Ariel,1923, p. 246).Bientôt il fut très populaire, d'autant plus qu'il avait toujours la main à la poche, avait l'argent facile (Cendrars, Main coupée,1946, p. 207).
Avoir le travail facile. Travailler avec aisance, vite et bien (cf. Ac.).
Fam. Avoir la gâchette facile. ,,Être porté à faire usage d'une arme à feu`` (Lar. Lang. fr.).
2. Emploi subst. masc. avec valeur de neutre. Ce qui se fait sans effort, sans peine. Le facile est lié à l'absence ou mieux à la cessation de l'obstacle ou de l'entrave (Ricœur, Philos. volonté,1949, p. 107).Les nations modernes courent au plus pressé et au plus facile (Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 343).
B.− Qui a de l'aisance; où l'on ne sent aucune gêne, libre, dégagé. Une démarche facile; des gestes, des mouvements faciles. Peyrony développe une foulée longue et facile (Montherl., Olymp.,1924, p. 314).Mon rapport avec les femmes était naturel, aisé, facile comme on dit. Il n'y entrait pas de ruse ou seulement celle, ostensible, qu'elles considèrent comme un hommage (Camus, Chute,1956, p. 1503):
4. ... Delestang, attaquant la polka, se mit à tourner la manivelle. Mais c'était autre chose. Il n'avait pas le jeu souple, le tour de poignet facile et moelleux du chambellan. Zola, E. Rougon,1876, p. 172.
Loc. Avoir la parole, l'élocution, la plume facile. Parler, écrire avec aisance :
5. Il [M. de Pontmartin] avait la plume facile, distinguée, élégante, de cette élégance courante, qui ne se donne pas le temps d'approfondir... Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 2, 1862, p. 3.
En partic.
α) Vieilli. Qui produit, qui exécute sans effort, sans peine. Un esprit, un génie facile :
6. ... plus d'un écrivain qu'on lit non sans plaisir et qui vous paraît facile, vous avouera, s'il l'ose, qu'il corrige, qu'il rature et qu'il recopie beaucoup. Sainte-Beuve, Prem. lundis,t. 2, 1869, p. 203.
[P. méton. du déterminé] Un crayon, un pinceau, un ciseau facile (Ac.). Crois-tu que les grandes œuvres naissent des plumes faciles? (Sartre, Mots,1964, p. 155):
7. ... il arrive (...) qu'un modèle est plus clairement exprimé par le pinceau abondant et facile d'un coloriste que par le crayon d'un dessinateur. Baudel., Salon,1846, p. 159.
β) Qui donne l'impression d'avoir été fait sans effort, sans peine. Un style naturel et facile. La musique de ce compositeur est facile (Ac.).L'art de faire difficilement des vers faciles (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 3, 1848, p. 37):
8. ... le public (...) s'imagine peut-être que peinture abstraite est synonyme de peinture facile. Il ne se doute pas que (...) la complication de la technique est en raison directe des sacrifices naturalistes. Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 68.
C.− Péj. Qui ne demande pas assez d'effort, de peine pour être de qualité; qui est fait sans recherche ou qui manque de subtilité. Argument, jeu de mots, plaisanterie facile. La littérature facile (Ac.1932).Tu abuses toujours des effets les plus faciles, cet œil qui grossit comme un boulet de verre tricolore, le nez ravagé par le phylloxéra (Claudel, Protée,1927, I, 4, p. 369):
9. Une armée de fonctionnaires (...) assidus en dépit de quelques exceptions (...), de quelques occupants de sinécure, cibles de brocards faciles... Arnoux, Roi,1956, p. 324.
D.−
1. Facile à + inf.
a) Qui se prête aisément à subir l'action exprimée par l'infinitif. Problème facile à résoudre. Cette phrase, ce passage est facile à traduire (Ac.).J'en suis venu à aimer les livres très courts, faciles à lire, d'une impression large, pleine d'éclaircies (Renard, Journal,1890, p. 52).Facile à conduire, mais sujet aux paniques, prompt aux débandades, ce troupeau soutient mollement les chefs, qu'il lâche aux tournants de la route (Vogüé, Morts,1899, p. 243):
10. ... deux équipes sont là. Entre elles, le rapport apparent des forces est facile à établir. D'un côté, tout; de l'autre, rien. De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 104.
Rem. L'inf. introduit par à est parfois sous-entendu. Cible facile (à atteindre). Sortie sur un petit escalier, portes battantes assourdies, serrures faciles, gonds discrets (Balzac, Mais. Nucingen, 1838, p. 608).
Loc. (Personne) facile à vivre. (Personne) dont le caractère est conciliant, accommodant. Vous avez un très bon caractère et vous êtes très facile à vivre (France, Vie littér.,1888, p. 11).
[Pour marquer la désapprobation] C'est facile à dire; cela est plus facile à dire qu'à faire. Le médecin (...) a encore insisté pour qu'on m'envoye à la campagne... C'était bien facile à dire, mais on avait pas les moyens (Céline, Mort à crédit,1936, p. 111).Calmez-vous, calmez-vous! C'est facile à dire! (Camus, Cas intéress.,1955, 5etabl., p. 651).
b) Qui est naturellement porté à :
11. Il est pour les âmes faciles à s'épanouir une heure délicieuse qui survient au moment où la nuit n'est pas encore et où le jour n'est plus... Balzac, Bourse,1832, p. 391.
2. Facile à + subst.
a) Enclin à. Sa mélancolie n'avait rien d'atrabilaire, douce plutôt et facile aux attendrissements (Bremond, Hist. sent. relig.,t. 4, 1920, p. 132).Tous les hommes sont faciles au crime et retombent de nature dans le mal (Pourrat, Gaspard,1931, p. 152).
b) Sujet à, exposé à. Pendant la période apyrexique, Harbert demeurait comme brisé, ayant la tête lourde et facile aux étourdissements (Verne, Île myst.,1874, p. 508).
E.−
1. Que l'on obtient, que l'on acquiert sans effort, sans peine.
[En parlant d'une chose concr.] Après une jeunesse si pauvre, j'éprouve une espèce d'ahurissement devant le facile et abondant argent qui me tombe entre mes mains (Goncourt, Journal,1892, p. 327):
12. Des volontaires sans discipline ne font pas vingt-cinq lieues à pied avec armes et bagages en huit jours, dans un pays où le vin est facile... Giono, Bonh. fou,1957, p. 309.
[En parlant d'une chose abstr.] Gloire facile; remporter une victoire facile. J'avais l'orgueil de ma candeur, de mon inexpérience, de ma facile égalité d'âme (Sand, Hist. vie,t. 3, 1855, p. 411):
13. Les chaleurs débilitantes de l'été énervent les vices eux-mêmes. Dans ces climats privilégiés, la vertu est aussi facile que la sobriété. About, Grèce,1854, p. 207.
Spéc. Qui peut être assumé aisément. Morale facile. La religion chez eux, douce et facile, n'y est pas, comme partout ailleurs, une sorte de gêne, une source de discordes (Dusaulx, Voy. Barège,t. 1, 1796, p. 75).La religion trop facile et trop séduisante que notre mère faisait aimer au lieu de la faire redouter de ses filles (Lamart., Nouv. Confid.,1851, p. 71).
2. Qui se prête à être saisi sans peine par l'esprit, qui se comprend aisément. Cet auteur (...) n'est pas facile (Ac.).Il ne reste, pour juillet, à l'oral, que de l'anglais, du français et un texte facile dans une deuxième langue (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1907, p. 221):
14. Si bonne-maman trichait aux cartes pour me faire gagner, si tante Lili me proposait une devinette trop facile, j'entrais en transes. Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 17.
F.− Sociable, arrangeant, accommodant. Un homme de caractère facile. Il est toujours de bonne humeur. Il est facile, jovial (Mérimée, Théâtre C. Gazul,1825, p. 342).François Ier. Ce roi chevalier, de sang chaud et de mince cervelle, bon compagnon, facile avec les siens (France, Génie lat.,1909, p. 14):
15. ... les gens bien élevés et très vicieux (...) ayant des crimes à racheter, (...) sollicitent par provision l'indulgence en se montrant faciles avec les défauts de leurs juges... Balzac, Cous. Bette,1846, p. 45.
Facile en.Tout le monde sait parfaitement que si ces gens-là travaillent dur, ils ne sont pas faciles en affaires (Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1085).
Vieilli. Qui accorde aisément ce que l'on attend de lui. C'est un homme trop facile, on lui fait faire tout ce qu'on veut (Ac.).Ce bon et trop facile Porsenna (Michelet, Hist. romaine,t. 1, 1831, p. 83):
16. J'ai vu des gens assez bêtes et assez faciles pour se laisser persuader qu'ils n'aiment pas une chose qu'ils aiment. Valéry, Tel quel I,1941, p. 86.
Femme facile. Dont on obtient sans peine les faveurs. Le gros Hornsby, séducteur pour bonniches faciles (Magnane, Bête à concours,1941, p. 223).
P. méton. Il essaya même de courtiser la jeune femme; il connaissait vaguement l'histoire de ses secrètes amours, ce qui la lui faisait juger de vertu facile (Zola, M. Férat,1868, p. 120).
Rem. On relève ds la lang. pop et arg. un emploi adv. avec le sens de « facilement ». Un petit coup fourré (...) qu'on croyait écraser facile (Simonin, Cave se rebiffe, 1954, p. 170).
Prononc. et Orth. : [fasil]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1441 « dont l'exécution, la réalisation n'offrent pas d'obstacles » (Livre de la vie active, ap. Coyecque, Hôtel-Dieu de Paris, I, 79 ds R. Hist. litt. Fr. t. 12, p. 694); 1559 « qui se prête sans peine à quelque chose » facile à pardonner (Amyot, Pyrrhus, 17 ds Littré); 1613 « qui crée, produit sans peine » (Régnier, Sat. IX ds Littré). Empr. au lat. class. facilis « qui se fait aisément; qui fait facilement; d'humeur facile ». Fréq. abs. littér. : 7 175. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 10 599, b) 9 478; xxes. : a) 8 008, b) 11 576. Bbg. De Gorog (R.). The Concepts difficult and easy in Old French. In : [Mélanges Pei (M.A.)]. Chapel Hill, 1972, pp. 115-126. − Grundt (L.-O.). Ét. sur l'adj. invarié en fr. Bergen-Oslo-Tromsø, 1972, p. 219, 231. − Kayne (R. S.). Synt. du fr. Paris, 1977, pp. 315-319.