| EXPIATION, subst. fém. A.− RELIG. Rite effectué pour apaiser la colère divine. Fête des expiations; pain, victime d'expiation; immolé en expiation. Une expiation qui consistait dans un sacrifice offert aux dieux (Durkheim, Divis. trav.,1893, p. 135).L'holocauste destiné à l'expiation (Zola, Dr Pascal,1893, p. 114): 1. Les anciens héros, lorsqu'ils avaient commis un meurtre, avaient recours à l'expiation : après les sacrifices qu'elle exigeait, on répandait sur la main coupable l'eau destinée à la purifier, et dès ce moment ils rentraient dans la société et se préparaient à de nouveaux combats.
Dupuis, Abr. de l'orig. de tous les cultes,1796, p. 567. − Spéc. [Dans la relig. chrét.] ♦ Réparation faite à Dieu (pour un péché commis) sous forme de rite. Neuvaine pour l'expiation de mes péchés deux fois par an (Dupanloup, Journal,1851-76, p. 61). ♦ P. ext. Acceptation d'une infortune en signe de réparation. J'accepte la mort en expiation de tant de forfaits que j'ai commis et en union avec mon sauveur (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 359): 2. Il [M. Hamon] présente (...) l'oppression de Port-Royal, cette violence et cette spoliation qu'on y subit et auxquelles on doit se résigner avec soumission, avec joie, comme une amende honorable due à Dieu pour la cupidité de tant d'autres monastères, communautés et sociétés, comme une expiation éclatante et légitime payée au suprême vengeur pour les excès d'autrui et des Jésuites eux-mêmes.
Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 4, 1859, p. 203. B.− P. ext. 1. [Correspond à expier A] Réparation d'une faute par une peine jugée compensatoire. On pensa que de tels châtiments seraient trop doux pour l'expiation de ses crimes et qu'il fallait lui infliger l'humiliation et la honte (Sand, Lélia,1839, p. 534).J'ai lu souvent que la flagellation était l'expiation symbolique de nos péchés d'impureté (Claudel, Poète regarde Croix,1938, p. 48): 3. Ma grand'mère que j'avais, avec tant d'indifférence, vue agoniser et mourir près de moi! ô puissé-je, en expiation, quand mon œuvre serait terminée, blessé sans remède, souffrir de longues heures, abandonné de tous, avant de mourir!
Proust, Le Temps retrouvé,1922, p. 902. ♦ Titre d'un poème des Châtiments (v. 13) de V. Hugo. Notre amie m'écrit qu'elle vous a transmis « l'Expiation » (Hugo, Corresp.t. 2, 1854, p. 180). − [Suivi d'un compl. introduit par à, désignant ce qui est expié] Déjà il montre, comme expiation à ses fautes, toutes les provinces que son bras va remettre sous l'empire du Christ (Cottin, Mathilde,t. 5, 1805, p. 315). − P. méton. Peine subie (en signe de réparation pour une faute commise). Les bouleversements de l'Europe, (...) ne lui paraissaient que la vengeance divine et l'expiation méritée de l'abandon des doctrines antiques par l'esprit nouveau (Lamart., Nouv. Confid.,1851, p. 295).L'expiation terrestre, le bûcher, il l'appelait de toutes ses forces (Huysmans, Là-bas,t. 2, 1891, p. 144).Je n'admets pas plus la mort comme châtiment ou comme expiation au lâche que comme récompense aux vivants (Giraudoux, Guerre Troie,1935, II, 5, p. 129). ♦ L'expiation suprême. La peine capitale. L'accusé commence à entendre tomber le mot d'« expiation suprême » (Goncourt, Journal,1869, p. 510). − En partic. Compensation pour un dommage volontairement causé : 4. La cathédrale (...) fut, dit-on, bâtie par Robert, premier duc capétien de Bourgogne, en expiation des violences que l'église lui reprochait. Il essaya ainsi de dédommager la vieille ville ...
Michelet, Journal,1839, p. 798. 2. [Correspond à expier B] P. ext. Contrepartie fâcheuse d'une action, d'une attitude, d'un comportement. Quitter Madame de Nevers me semblait une expiation du bonheur que je trouvais près d'elle malgré moi (Duras, Édouard,1825, p. 133).La douleur et la mort sont l'expiation de la naissance (Ménard, Rêv. païen,1876, p. 122): 5. S'il avait beaucoup souffert à cause d'elle, cette souffrance n'était-elle point l'expiation des joies immenses qu'elle lui avait données? N'était-ce point la vengeance ordinaire de la destinée humaine, qui interdit le bonheur absolu comme une impiété?
Murger, Scènes de la vie de bohème,1851, p. 276. Prononc. et Orth. : [εksp(i)jasjɔ
̃]. Cf. é-1. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Ca 1175 (B. de Sainte-Maure, Chron. des Ducs de Normandie, éd. C. Fahlin, 9192). Empr. au lat. class. expiatio « expiation », lat. chrét. « expiation (des péchés); purification; propitiation ». Fréq. abs. littér. : 457. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 961, b) 849; xxes. : a) 643, b) 280. Bbg. Léon-Dufour (X.). Réflexions autour du mot expiation. Foi Lang. 1976, no1, pp. 9-12. |