| EXCLUSIF, IVE, adj. et subst. fém. I.− Adjectif A.− Qui exclut (une personne, une chose, un ensemble de choses). 1. Vieilli, DR. CANON. Qui a force ou pouvoir d'exclure. Avoir voix exclusive. Avoir le droit d'exclure le candidat présenté. Il y a des couronnes qui ont voix exclusive dans l'élection des papes (Ac.1835, 1878). 2. Qui exclut quelque chose comme incompatible. a) [En parlant d'idées, de sentiments] Exclusif de + subst.Mais si la passion revenait, chaleureuse comme aux premiers jours, elle n'était plus aussi exclusive de tout calcul (Vogüé, Morts,1899, p. 325).Il faut, enfin, que l'initiative se déploie du haut en bas. Cela n'est pas exclusif de la discipline, bien au contraire (De Gaulle, Mém. guerre1954, p. 408): 1. Cette iniquité, à son tour, est manifeste, soit que les richesses viennent d'un hasard aveugle, ou qu'elles aient été le prix de manœuvres coupables, soit qu'elles procèdent de travaux intéressés, et, par conséquent, exclusifs de toute pensée généreuse ...
Ozanam, Philos. Dante,1838, p. 180. b) [En parlant de deux choses, deux phénomènes qui ne peuvent coexister] Exclusifs l'un de l'autre. Deux qualités qui, ordinairement, sont exclusives l'une de l'autre : l'érudition de l'esprit et la fougue de l'imagination (Lamart., Nouv. Confid.,1851, p. 89).Les éléments d'une tendance ne sont pas comparables, en effet, à des objets juxtaposés dans l'espace et exclusifs les uns des autres (Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 119).La peur et l'angoisse sont exclusives l'une de l'autre (Sartre, Être et Néant,1943, p. 67). B.− Qui exclut toute autre personne, toute autre chose. 1. Qui est fermé à toute pénétration extérieure. Ils éclairent de leur passion un monde exclusif où ils retrouvent leur climat (Camus, Sisyphe,1942, p. 24): 2. ... les préjugés que l'on conserve en province contre les Juifs ne lui permettaient pas, malgré sa fortune et celle de son tuteur, d'être reçue dans cette société tout exclusive qui s'appelle, à tort ou à raison, la noblesse.
Balzac, Lambert,1832, p. 140. 2. Qui n'appartient qu'à une personne ou à un groupe de personnes. a) [En parlant d'un droit ou d'un privilège] Accordé à certaines personnes seulement. Droit exclusif. Réfléchissez à ce que vous désirez pour le nombre d'exemplaires à tirer et pour le temps pendant lequel vous garderez l'usage exclusif de l'ouvrage (Claudel, Corresp.[avec Gide], 1911, p. 171).Marinette regardait ce lit comme sa propriété exclusive (Pesquidoux, Livre raison,1932, p. 23): 3. ... Jos-Mari Tannenwalder était le candidat le mieux désigné, le plus capable de conduire en montagne MmeBergen. À Jos-Mari donc la fortune. Car il ne s'agissait de rien moins que d'un engagement exclusif d'un mois.
Peyré, Matterhorn,1939, p. 50. b) COMMERCE − [En parlant d'un produit] Qui est fabriqué ou vendu par une seule personne, par une seule société. Bonne-maman m'avait fait cadeau d'une coquille nacrée, d'un modèle exclusif, comme nos capotes bleu horizon (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 49). − [En parlant d'une pers.] Qui a seul le droit de prospecter ou de vendre dans une région déterminée. Le concessionnaire exclusif d'une marque d'automobiles (J. Girodet, Logos,Paris, Bordas, 1976). 3. Dans le domaine des sentiments ou des idées.Qui s'attache à un seul objet, qui concerne un seul être ou une seule chose à l'exclusion des autres. Un amour exclusif. On écrivait sur les murs les noms de ceux qui devenaient des inséparables; les amitiés trop exclusives étaient tournées en ridicule (Larbaud, F. Marquez,1911, p. 146).Je demeurais étranger à tout ce qui ne touchait pas à la reine Nitocris. Jamais amour ne fut plus exclusif (France, Vie fleur,1922, p. 358). − [Avec une valeur intensive, en parlant de pers.] Qui est absolu, intolérant dans ses sentiments ou ses opinions. J'ai le malheureux défaut d'être très exclusif (Balzac, Corresp.,1834, p. 472).C'est même là un bel exemple que nous donnerons à Nanterre. Ne soyons pas exclusifs, accueillons tous les mérites (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Rosier Mme Husson, 1887, p. 689): 4. ... les opinions changeaient avec les personnes, la vérité paraissait moins rigoureuse, la vie plus ample et légère, et Berthe se sentait un peu dégagée de cette gêne attristante où vous tient la domination d'un esprit exclusif...
Chardonne, Épithal.,1921, p. 392. ♦ Emploi subst. masc. Et il dit (...) « Moi, j'aime tout ce qui est beau », se décernant un brevet de discernement du beau et infligeant aux exclusifs, comme nous autres, le blâme de gens de mauvaise foi et de mauvais goût (Goncourt, Journal,1860, p. 721). 4. P. ext. [En parlant d'un fait considéré dans ses rapports avec son environnement réel ou conceptuel] Qui domine seul, à l'exclusion de tout autre. Sur le toit sont couchées des courges allongées qui forment la nourriture presque exclusive de ces malheureux (Du Camp, Nil,1854, p. 18).C'est en Afrique qu'on peut le mieux suivre, avec l'appauvrissement graduel de la végétation, l'emploi de plus en plus exclusif de la terre pour les constructions (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 151).Cependant que les sensations, les passions, les intérêts matériels deviennent, au contraire, les objets exclusifs de la littérature, qui s'excuse assez bien sur l'observation des mœurs (Valéry, Variété IV,1938, p. 169): 5. Bien qu'aujourd'hui, il n'y ait pas de système exclusif régnant en médecine, la plupart des médecins cependant croient encore devoir se donner une autorité médicale soit en s'appuyant sur des vues théoriques à eux propres, soit en invoquant tel ou tel système.
C. Bernard, Princ. méd. exp.,1875, p. 28. II.− Subst. fém. A.− DR. CANON. Vote que le conclave peut utiliser pour écarter un candidat au pontificat : 6. Mais (...) il y aura des luttes personnelles entre les prétendants qui réunissent un certain nombre de voix (...) et comme il ne faut qu'un tiers des voix du conclave, plus une, pour donner l'« exclusive » qu'il ne faut pas confondre avec le droit d'« exclusion », le ballotage entre les candidats se pourra prolonger.
Chateaubr., Mém.,t. 3, 1848, p. 490. − P. ext. Jeter, lancer, prononcer l'exclusive contre qqn. C'est Ponchon qui est élu, malgré l'exclusive prononcée par Goncourt contre les poètes (Léautaud, Journal littér.,4, 1924, pp. 376-377).Dans ce milieu Guermantes où, en exceptant les Altesses et les Duchesses, on était d'une exigence infinie pour l'esprit et le charme, où on prononçait l'exclusive pour des hommes éminents qu'on trouvait ennuyeux ou vulgaires (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 513). B.− Action par laquelle on exclut (généralement) avec fermeté une personne, une idée, une solution. Je suis si las des polémiques, des exclusives, des fanatismes! (Saint-Exup., Lettre otage,1943, p. 404).L'autonomie ne détermine aucune exclusive (J. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 278). C.− COMM. Réserver l'exclusive à qqn. Lui en réserver l'exclusivité. (v. ce mot B). Mais si Grasset prend mes journaux et que je lui en réserve l'exclusive, (...) il y aurait avantage à donner quelque chose de déjà fait (Du Bos, Journal,1925, p. 380). Rem. On rencontre ds la docum. exclusif, subst. masc. Réputation qui ricocha jusqu'au triomphe, puis jusqu'au stade de ce qu'on appelle « l'exclusif » en argot hôtelier (Fargue, Piéton Paris, 1939, p. 204). Prononc. et Orth. : [εksklyzif], fém. [-i:v]. Cf. é-1. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1453 « qui est exclu » au supplice de mort exclusive (Cout. de Touraine, 224, D'Espinay ds R. Hist. litt. Fr. t. 12, p. 146). attest. isolée; 2. 1541 « qui exclut » diction [« arrêt, sentence »] exclusive (Calv., Instit., 588 ds Littré); d'où 1541 exclusive, fém. subst. « disposition exclusive » (Id., Consilia [X, 1 234] ds Hug.); 3. 1748 « qui appartient uniquement à qqn par privilège spécial » priviléges exclusifs (Montesq., Esp., XX, 20 ds Littré); 4. 1762 « qui n'admet aucun partage » plaisirs exclusifs (J.-J. Rousseau, Émile, IV, ibid.). Empr. au lat. médiév. exclusivus « qui exclut » (xiiies. ds Latham) formé sur le supin exclusum de excludere, exclure*. Fréq. abs. littér. : Exclusif : 502. Exclusive. : 486. Fréq. rel. littér. : Exclusif : xixes. : a) 1 215, b) 428; xxes. : a) 459, b) 591. Exclusive : xixes. : a) 931, b) 436; xxes. : a) 508, b) 731. Bbg. Gohin 1903, p. 295, 322. − Quem. DDL t. 11. |