| EXCLURE, verbe trans. A.− [Le verbe suppose l'action d'une volonté; l'agent est une pers. ou un groupe de pers.] Fréq. au passif. Exclure qqn ou qqc. (de qqc.). Rem. Dans la plupart des accept., l'obj. second. peut être omis si le cont. le suggère suffisamment. 1. Renvoyer, éliminer quelqu'un ou quelque chose (d'un lieu ou d'une position qu'il occupait antérieurement). a) [L'obj. désigne un humain ou un groupe humain] Exclu du sacerdoce par le père Anselme, Omer Héricourt inclina tout de suite vers les objections que l'oncle Edme éleva contre les dogmes (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 231).On se moqua de lui, on parla de l'exclure des délibérations de la commission (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 381): 1. Dès lors, il s'entêta, résolu à garder toujours le premier rang. On l'avait exclu des jeux de plein air; sa maladresse était une certitude de défaite pour son camp; les capitaines d'équipe eux-mêmes demandèrent qu'il fût dispensé de prendre part aux jeux.
Larbaud, F. Marquez,1911, p. 48. − Faire exclure. Provoquer l'éviction de quelqu'un en s'appuyant sur un droit. « Il n'en faudra pas davantage, mademoiselle, pour vous faire exclure de l'examen! » (Colette, Cl. école,1900, p. 211): 2. ... et, contre le vœu même de son frère mourant, il engage, dès le 28 novembre, un long, un laid, un cruel combat judiciaire de plusieurs années, pour arracher l'enfant à la mère, qu'il s'acharne à faire exclure de la tutelle, comme indigne.
Rolland, Beethoven,t. 1, 1928, p. 76. − Emploi pronom. réfl. Il suffit qu'un homme retranche un seul être de la société des vivants pour s'en exclure lui-même (Camus, Homme rév.,1951, p. 348): − P. ext. [L'agent est une manifestation de la volonté ou du pouvoir humain] Après la loi du 31 mai 1850, qui excluait trois millions d'électeurs, la politique du prince-président fut toute tracée (Bainville, Hist. Fr.,t. 2, 1924, p. 195).Ils insultaient Dormoy, qui présidait, parce qu'il escamotait le vote sur une décision excluant trois jeunes excités de leurs amis (Abellio, Pacifiques,1946, p. 236). b) [L'obj. désigne une chose matérielle ou abstr.] La plupart des catégories de la science exclues par les modernes correspondaient à des caractères extérieurs de la nature (Renan, Avenir sc.,1890, p. 517).Étant donné le caractère de représentation, et non point de direction, que je voulais voir prendre à ce futur conseil et qu'il prendrait, en effet, je ne comptais pas exclure les partis (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 234): 3. Nous y apercevons un vice originel et vraisemblablement fatal, qui est de se trouver aux mains d'un comité où l'élément latin domine et dont l'élément germanique a été systématiquement exclu.
Verne, 500 millions,1879, p. 166. 2. Empêcher l'accès de quelqu'un ou de quelque chose (à un lieu ou à une position). a) [L'obj. désigne un humain ou un groupe humain] On m'avait montré la place où dormaient plusieurs de mes ancêtres, exclus des cimetières pour avoir voulu mourir dans la religion protestante (Loti, Rom. enf.,1890, p. 122).Il se sentait, pour les êtres qui lui parlaient, une miraculeuse fraternité dont seule était exclue MmeEterlin (Druon, Gdes fam.,t. 2, 1948, p. 68): 4. Ce bohème, ce petit bourgeois qu'elle avait distingué, elle était obligée de lui adresser ses invitations, dont il ne pouvait pas apprécier la valeur, avec une insistance qui la dépréciait peu à peu aux yeux des snobs habitués à coter un salon d'après les gens que la maîtresse de maison exclut plutôt que d'après ceux qu'elle reçoit.
Proust, Guermantes 1,1920, p. 187. ♦ P. métaph. De même que les murs du temple excluent le profane, et ceux de la ville l'ennemi et l'étranger, les limites du champ, sans murailles, mais gardées par les dieux, excluent le vagabond (Michelet, Hist. romaine,t. 1, 1831, p. 53). − Spéc., DR. Empêcher quelqu'un d'obtenir un héritage en s'appuyant sur un fait juridique. Les lois ont consacré un principe de morale publique et universelle, en excluant de la succession d'un défunt l'héritier qui s'est porté contre lui à des violences ou à d'autres offenses capitales (Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 404).Au XIIIesiècle la femme a déjà conquis, aux côtés mêmes de son mari, des droits de plus en plus étendus. D'abord exclue des successions, elle a été admise à l'héritage (Faral, Vie temps st Louis,1942, p. 143). b) [L'obj. désigne une chose matérielle ou abstr.] Ils excluent de leur analyse des formes musicales tous les éléments psychologiques et historiques, comme étrangers (Rolland, Beethoven,t. 1, 1937, p. 16): 5. Mantegazza, en 1852, annonce que des animalcules ont apparu dans des infusions préparées de façon à exclure incontestablement tout apport extérieur de germes : non seulement, le matériel d'expérience avait été, en entier, soigneusement bouilli, mais l'eau utilisée avait été obtenue par voie de synthèse chimique...
J. Rostand, Genèse vie,1943, p. 83. B.− [Le verbe marque une conséquence imposée par une situation] Exclure qqc.Marquer l'impossibilité d'une chose ou l'incompatibilité entre deux choses. 1. Rejeter quelque chose. Il se contentait de donner à chacune de ses phrases un tour indirect d'où, du moins, le « vous » était exclu, de sorte qu'il enlevait par cela même à Édouard l'occasion de solliciter un tutoiement qu'il souhaitait (Gide, Faux-monn.,1925, p. 993).Vous excluez le courage et vous excluez la grâce. Que vous reste-t-il? (Montherl., Port-Royal,1954, p. 1013). − C'est exclu. C'est impossible. Ils étaient absolument sûrs que je me débrouillerais jamais avec des façons semblables! c'était absolument exclu! (Céline, Mort à crédit,1936, p. 346).« Pouvez-vous tenir encore un mois? » Henri secoua la tête : « C'est exclu » (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 239). ♦ Il est exclu que... (fréq. à la forme négative, fonctionnant comme double négation), il n'est pas exclu que... Il est possible que... Il n'est pas exclu que je voie quelque chose à faire sur le terrain industriel grâce à mon polytechnicien de père (Nizan, Conspir.,1938, p. 69): 6. Il est probable que d'autres peintres m'aient croqué à mon insu, au café ou ailleurs, et il n'est pas exclu que tout comme Léon Bakst Paul Picasso ne m'ait peint, en cuistre, en singe, en amputé, en arlequin...
Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 188. − Emploi abs. Vous avez votre manière décidée d'être, de penser, de vouloir et d'exclure (Blondel, Action,1893, p. 15).Après tout, rien n'est vrai qui force à exclure (Camus, Été,1954, p. 150).On ne craint pas les contradictions à mon âge, on jouit d'une tolérance qui s'accommode de tout, qui hésite à exclure (Arnoux, Visite Mathus.,1961, p. 12). 2. Fréq. à la forme négative. Rendre impossible une chose par une autre chose. J'avais la naïveté des gens qui croient qu'un goût en exclut forcément un autre (Proust, Sodome,1922, p. 875).Le courage n'exclut pas la prudence; et même la circonspection, au contraire (Duhamel, Journal Salav.,1927, p. 18).Je regrette d'en parler selon une formule qui exclut le rêve, en principe (Breton, Manif. Surréal., 1erManif., 1924, p. 25): 7. Ils se donneraient volontiers pour les protecteurs de la bourgeoisie contre la violence prolétarienne et, dans le but de rehausser leur prestige d'humanitaires, ne manquent jamais de repousser tout contact avec les anarchistes; quelquefois même, ils repoussent ce contact avec un sans-façon qui n'exclut pas une certaine dose de lâcheté et d'hypocrisie.
Sorel, Réflex. violence,1908, p. 141. − En partic. dans le domaine intellectuel.La précision scolastique, ici comme toujours, exclut la critique (Renan, Avenir sc.,1890, p. 181).Une nonchalance qui exclut de notre colloque toute apparence de drame (Gracq, Beau tén.,1945, p. 141). − Emploi pronom. réciproque. En France, blason et robe s'excluaient presque (Hugo, Homme qui rit,t. 2, 1869, p. 185).Mais l'action et la pensée ne s'excluent-elles pas l'une l'autre? Elles ne s'excluaient pas à la Renaissance, et, plus près de nous, elles ne se sont pas exclues chez ce Gœthe qui a incarné en lui-même la double destinée de son Faust (Bourget, Disciple,1889, p. 118).Ces deux textes qui semblent s'exclure s'accordent, sans doute, au regard du mystique (Green, Journal,1937, p. 108). Prononc. et Orth. : [εkskly:ʀ], (j')exclus [εkskly]. Cf. é-1. Ds Ac. 1694-1740, s.v. exclurre; ds Ac. 1762-1932 sous la forme mod. Conjug. : au fut. et au cond. exclurai(s) sans e intermédiaire qui serait analogue à celui des verbes du 1ergroupe en -uer ou -ouer du type remuerai(s), nouerai(s); au subj. qu'il exclût et non excluât comme on rencontre ds Giraudoux (cf. Dupré 1972, p. 923); au part. passé fém. exclue [εkskly]; on rappelle que Fér. 1768 admet, en outre, excluse d'apr. diffus, diffuse, confus, confuse. Étymol. et Hist. 1. xiiie« ne pas admettre qqn, qqc.; chasser » (Dialogue Ame et Raison, éd. F. Bonnardot, IX ds Romania t. 3, p. 283, ligne 5 : esclou dolor [lat. exclude dolorem]); mil. xives. [ms.] (Bercheure, fo21, verso ds Littré); 2. 1559 « tenir qqn à l'écart de ce à quoi il pourrait avoir droit » exclus du traité de la paix (Amyot, Agés., 47, ibid.); 3. 1657-62 « rejeter une chose comme incompatible avec une autre » (Pascal, Pensées, 862 ds
Œuvres, éd. L. Brunschvicg, t. 14, p. 305). Empr. au lat. class. excludere « ne pas laisser entrer, ne pas admettre » (ex- marquant l'exclusion et claudere « fermer »). Fréq. abs. littér. : 1 071. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 444, b) 888; xxes. : a) 1 444, b) 2 156. Bbg. Le Fr. à la dér. Déf. Lang. fr. 1970, no54, pp. 26-27. |