| EXCITER, verbe trans. I.− Emploi trans. A.− [Le compl. d'obj. dir. désigne une chose] 1. Susciter, provoquer (une réaction d'ordre physique ou moral); mettre en branle (un processus physique ou psychique). a) [En parlant d'un phénomène physiologique] Exciter un désir, une sensation. La sueur est-elle une sécrétion comme les autres? La section du grand sympathique l'excite, mais elle n'excite pas la sécrétion salivaire (C. Bernard, Notes,1860, p. 107).Un temps d'or poudreux (...) excitait chez Antoinette une petite toux facile (Colette, Chambre d'Hôtel,1940, p. 96): 1. Lorsque l'humeur rhumatismale est fixée sur ces parties, le malade ne peut se ployer, ni se baisser; la toux, l'éternument, la moindre secousse excite une douleur vive et lancinante, qui répond tout le long du dos, depuis le bas de la poitrine jusqu'à l'os sacrum.
Geoffroy, Méd. prat.,1800, p. 417. SYNT. Exciter l'appétit, la soif; exciter les larmes, le rire; exciter des battements de cœur. ♦ Loc. fig. Exciter la bile. Mettre en colère, irriter fortement. Nulle philosophie n'était mieux faite [que celle de Spencer] pour exciter la bile du vieux dyspeptique [Carlyle] (Thibaudet, Réflex. litt.,1936, p. 98). − Spéc. [Le compl. d'obj. désigne un système organique excitable, le « support » de l'excitation] Soumettre à une excitation, mettre en activité. Exciter un muscle, un nerf, un organe. Ce sont les terminaisons nerveuses sensitives du muscle qui ont été excitées par son étirement brusque, sous l'action du coup porté sur son tendon (Camefort, Gama, Sc. nat.,1960, p. 253). b) [En parlant d'un phénomène ou d'un processus psychique] Exciter l'âme, le cœur; exciter l'émulation; exciter la joie, le plaisir. Toute charge, quelque haute qu'elle soit, sera, dès lors, placée entre le mépris qu'elle inspire, et la convoitise qu'elle excite, à cause de ce qu'elle vaut d'argent (Lamennais, Religion,1825, p. 43).L'évidence excite le doute; l'affirmation est excitée par la négation; et l'impossible, perçu d'abord bien nettement, irrite aussitôt toutes les ressources imaginaires (Valéry, Regards sur monde,1931, p. 103): 2. Les procédés de narration destinés à exciter la curiosité ou l'attendrissement, certaines façons de dire qui éveillent l'inquiétude et la mélancolie (...) me paraissaient simplement (...) une émanation troublante de l'essence particulière à François Le Champi.
Proust, Swann,1913, p. 41. SYNT. Exciter l'admiration, l'attention, l'enthousiasme, l'intérêt; exciter l'amour, la passion, la pitié, la sympathie; exciter l'antipathie, la colère, la fureur, la haine; exciter l'envie, la jalousie; exciter des craintes, des regrets. c) [En parlant d'une réaction collective] Exciter les applaudissements, des rumeurs, le scandale; exciter une émeute, une révolte, des séditions. Il excita des troubles dans les Provinces-Unies, il souleva une faction puissante contre le Stadhouder (Marat, Pamphlets,Offrande à la Patrie, 1789, p. 18). d) [En parlant d'un phénomène naturel extérieur à l'homme] Les fées gauloises (...) ont le pouvoir d'exciter les tempêtes, de les conjurer (Chateaubr., Martyrs,t. 2, 1810, p. 84). 2. Accroître, renforcer l'intensité d'un phénomène, augmenter l'activité d'un processus physique, moral ou mental. Exciter un instinct; exciter l'ardeur; exciter l'esprit, l'imagination. L'effet d'un froid médiocre est donc d'imprimer une plus grande activité à tous les organes, et particulièrement aux organes musculaires; d'exciter toutes les fonctions, sans en gêner aucune (Cabanis, Rapp. phys. et mor., t. 2, 1808, p. 28).Une fois de plus son courage, qu'il excitait pour le faire durer, lui manque au bon moment (Renard, Poil carotte,1894, p. 73).Un homme, sans jamais quitter la France, connaît les climats les plus opposés, − mais tous, brûlants ou brumeux, (...) ils sont accordés à notre esprit et à notre chair : qu'ils excitent la pensée ou l'apaisent, ils la tiennent en éveil (Mauriac, Bloc-notes,1958, p. 348): 3. ... elle pensait qu'au lieu de calmer ces accès d'irritation maladive, ma mère, excitant trop ma sensibilité, me soumettait sans me corriger. C'est bien probable. L'enfant trop secoué dans son système nerveux revient d'autant plus vite à son débordement d'impétuosité qu'on l'a plus ébranlé en le matant tout d'un coup.
Sand, Hist. vie,t. 2, 1855, p. 284. − Emplois partic. a) Vieilli, p. méton. Exciter une industrie, une manufacture. Favoriser son essor, lui donner de l'impulsion. Ce luxe, ce faste, étaient calculés pour exciter et payer nos manufactures et notre industrie nationale (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 397). b) Littér. Le temps était couvert, et ce vent du sud excitait toutes les vilaines odeurs des jardins ravagés et des prés desséchés (Rimbaud, Illumin.,1873, p. 272). c) PHYS., ÉLECTR. − Produire un courant d'excitation dans un champ magnétique. C'est le balancier lui-même qui entretient son mouvement par le déplacement d'un aimant dans une bobine, dont le courant est commandé par un transistor excité lui-même par une deuxième bobine (Decaux, Mesure temps,1959, p. 84). − Exciter un système corpusculaire (atome, molécule, etc.). Lui apporter une certaine quantité d'énergie qui fait passer un électron à un niveau d'énergie supérieur. Atome, ion, noyau excité. Le glucinium excité par les rayons alpha émettrait des neutrons, corpuscules pouvant être animés de grandes vitesses sans acquérir de charges électriques (Leprince-Ringuet, Transmut. artif.,1933, p. 33). ♦ État excité. État d'énergie autre que l'état fondamental et correspondant à un accroissement de l'énergie du système. Si l'énergie cinétique est supérieure à l'énergie de la transition, (...) l'atome d'hydrogène peut passer de l'état fondamental à l'état excité (E. Schatzman, Astrophys.,1963, p. 29). B.− [Le compl. d'obj. dir. désigne une pers. et qqf. un animal] 1. Exciter qqn a) En gén. Accroître fortement l'activité des fonctions psychiques, l'intensité des réactions de la sensibilité, le travail des facultés intellectuelles. La fraîcheur du matin m'excitait, me faisait sentir le bonheur de vivre, de sauter, d'agir, de courir (Dupanloup, Journal,1876, p. 15): 4. Il y a avec eux tous les prêtres, qui cherchent à vous exciter et à vous endormir, pour que rien ne change, avec la morphine de leur paradis.
Barbusse, Feu,1916, p. 375. b) Emplois partic. − Pousser à l'action, encourager, stimuler l'activité, l'énergie (d'une personne ou d'un animal). Je me dis : « tu as lutté, lutte encore. » Il faut exciter le cheval quand il tire la herse sur la pente du champ (Ramuz, A. Pache,1911, p. 173): 5. L'homme a besoin pour déployer toute son activité, de placer en avant de lui un but capable de l'exciter. À quoi bon travailler pour l'avenir, si l'avenir devait être pâle et médiocre?
Renan, Avenir sc.,1890, p. 409. ♦ Emploi abs. La circulation générale excite, fait agir; la circulation locale arrête, fait reposer, fait dormir (C. Bernard, Notes,1860, p. 143). − Mettre dans un état d'irritation violente. Exciter les esprits; exciter qqn contre qqn. Un jour, un enfant employé dans son palais excita les animaux à coups de pierre (Du Camp, Nil,1854, p. 314): 6. Je n'ai jamais pu m'accoutumer au système abêtissant des récompenses et des punitions qui abaisse les caractères et fausse les jugements. J'ai toujours considéré que créer l'émulation, c'est exciter les enfants les uns contre les autres...
France, Vie fleur,1922, p. 412. − Fam. Éveiller un vif intérêt ou un vif plaisir. Daudet déteste le voyeur, qui ne l'excite pas, mais il trouve du talent à l'auteur [Barbusse] (Renard, Journal,1908, p. 1208). ♦ [Souvent à la forme négative] Ça ne m'excite pas. L'idée de le rencontrer ici, de tomber sur lui dans une rue, un café, ne m'excite nullement (Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 180). − Éveiller le désir sexuel. Elle me provoque, m'excite comme une courtisane et se garde en même temps comme une vierge (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Yvette, 1884, p. 486).Son visage ne m'excite pas, les traits fins n'invitent pas à la sensualité (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 170). 2. Exciter qqn à qqc.Le pousser fortement (à une action, à un comportement). Exciter à l'action, à la vertu; exciter à la désobéissance, à l'émeute, à la révolte. L'amour-propre et la chaleur faisaient qu'on soutenait généralement sa véritable opinion, d'autant plus que l'Empereur excitait à la plus grande liberté (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 175).Il (...) nous accusa de corrompre les mœurs, d'exciter à la débauche (Goncourt, Journal,1853, p. 98): 7. Ces moyens [les matériaux français] excitent au beau travail, lequel n'est, après tout, qu'un combat qui s'achève en heureuse transformation de l'homme en artiste et de la chose en objet noble.
Valéry, Regards sur monde act.,1931, p. 185. − Exciter à + inf.Ce rocher perdu l'excitait moins à rêver que le tombeau de Disraëli à Westminster (Tharaud, Dingley,1906, p. 54).Un journaliste, qui voudrait de moi comme membre d'honneur d'un comité de propagande ayant pour but d'exciter les jeunes écrivains à produire (Gide, Journal,1916, p. 545). II.− Emploi pronom. A.− Rare. [Le suj. désigne une réaction physique ou morale, une sensation, un sentiment] 1. À valeur réfl. Devenir plus fort, plus intense. Son amour de la pauvreté [de Pascal], sa rigueur pour lui-même, et son soin de mater toute pensée trop fière ou trop tendre, s'excitaient et croissaient sans mesure (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 3, 1848, p. 253).Mon amour s'excite en même temps du désir que je porte à son corps et du respect que m'inspire sa robe (Camus, Dév. croix,1953, 2ejournée, p. 565). − [Avec un suj. impers.] Prendre naissance, se développer. Les animaux voisins de nous ont, comme nous, des sensations spontanées; il s'excite en eux des images, sans que des objets extérieurs aient besoin de les frapper (Cuvier, Anat. comp.,t. 2, 1805, p. 119). 2. À valeur réciproque. Il serait sur-tout très-curieux de rechercher comment la folie et certaines idées s'excitent ou se détruisent mutuellement (Cabanis, Rapp. phys. et mor., t. 2, 1808, p. 391). B.− [Le suj. désigne une pers.] 1. À valeur réfl. a) [Sans compl. prép.] Se laisser aller à un état d'exaltation des facultés, d'agitation nerveuse. Joanny s'excitait, dans ce bruit. Il lui venait un désir de combattre (Larbaud, F. Marquez,1911, p. 70). − En partic. Se laisser aller à la colère, s'emporter. Je ne devrais pas m'exciter ainsi... c'est idiot de céder à son tempérament (Céline, Voyage,1932, p. 162). b) [Avec un compl. prép.] − S'exciter à (+ subst. ou inf.).Stimuler son énergie en vue de (action à accomplir, état à réaliser). Morel n'avait pas besoin de s'exciter à l'émotion (Flaub., 1reÉduc. sentim.,1845, p. 186): 8. J'apporte, à insulter mon ami et moi-même, une ingéniosité crue, méchante; c'est une sorte de jeu où je m'excite à dire des choses vraies que je ne pense pas, − que je ne pense pas encore...
Colette, Vagab.,1910, p. 295. − S'exciter sur qqc.Y prendre un intérêt très vif. Je ne m'excite plus sur l'astrologie (Abellio, Pacifiques,1946, p. 137). 2. À valeur réciproque. Afin de s'exciter mutuellement à la course, ou pour accroître la terreur des fugitifs, (...) ils sonnaient, en courant, de leurs trompes et de leurs cornets de chasse (Thierry, Récits mérov.,t. 2, 1840, p. 17): 9. ... en présence de leur fille, ils se pinçaient, s'excitaient par des sous-entendus, des appels, et Hélène en avait conclu qu'il n'y a point d'amour, même conjugal, sans accord préalable.
Aymé, Jument,1933, p. 186. Prononc. et Orth. : [εksite] ou [e-], (j')excite [εksit] ou [e-]. Cf. é-1. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1180 « éveiller, réveiller » (G. de St-Pair, Mont-St-Michel, éd. P. Redlich, 173); 2. ca 1223 « pousser, stimuler (quelqu'un) » (G. de Coincy, Mir. Vierge, éd. König, I, Mir. 10, 570); 3. 1587 « provoquer un mouvement de l'âme » (Lanoue, 602 ds Littré : ils exciterent l'indignation); 4. 1613 « provoquer une réaction physique ou physiologique » (Louis Gruau ds Delb. Rec. ds DG : Rudes et roides et excitans). Empr. au lat. class. excitare « réveiller, faire sortir, exciter, animer, provoquer ». Fréq. abs. littér. : 2 434. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 5 686, b) 2 667; xxes. : a) 2 777, b) 2 399. Bbg. Défense (La) du fr. à l'O.R.T.F. Déf. Lang. fr. 1973, no66, p. 38. − Quem. DDL t. 12. |