| ESTOMAC, subst. masc. A.− [L'estomac en tant qu'organe de la digestion] Organe en forme de poche dans lequel les aliments sont brassés, transformés en chyme (cf. apologue ex. 2). Aigreurs, crampes d'estomac. La pilule que je viens d'avaler et qui navigue encore dans mon estomac sur le verre d'eau qui l'a suivie (Flaub., Corresp.,1844, p. 152).Le bétail cornu, les bêtes (...) aux quatre estomacs (Rolland, J.-Chr.,Buisson ard., 1911, p. 1280): 1. ... les aliments, en tombant dans l'estomac, l'excitent à la secrétion plus abondante du suc gastrique, et aux mouvements qui favorisent leur propre dissolution.
Cabanis, Rapp. phys. et mor.,t. 1, 1808, p. 128. − Avoir un estomac, un estomac d'acier, de fer, d'autruche. Être capable d'avaler les mets les plus divers, les plus lourds et les plus nombreux (cf. autruche B 1 b). Il avait un estomac de fer. Toute la force de l'homme est là... (Pesquidoux, Livre raison,1932, p. 249).Une santé florissante et (...) un estomac d'acier (Van der Meersch, Invas.14, 1935, p. 205). − [En parlant d'aliments] Peser, rester sur l'estomac. Ne pas être digéré, être digéré difficilement. ♦ Au fig. [En parlant de quelque chose de désagréable, plus rarement d'une pers.] Ne pas être supporté avec patience, avec résignation. Cette ferveur refroidie lui pesait sur l'estomac, il avait envie d'un bon coup de cynisme pour la balayer (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 143).Cf. ami ex. 23 : 2. L'article de Marault-Lambert me restait encore sur l'estomac quand a paru l'éditorial du Courrier. Celui-là m'a vraiment fait mal.
Duhamel, Combat ombres,1939, p. 190. [En parlant d'une pers.] Avoir sur l'estomac. Ne pas supporter quelque chose (plus rarement quelqu'un) avec patience, avec résignation. J'ai votre abbé sur l'estomac (Balzac, Langeais,1834, p. 269).Quand tu as quelque chose sur l'estomac, tu n'as qu'à parler (Valéry, Corresp. [avec Gide], 1898, p. 321).B.− [L'estomac en tant que siège de sensations] 1. [Sensation de faim] Avoir l'estomac creux, un creux dans l'estomac (cf. creux ex. 5, 15).Creuser l'estomac (cf. creuser I A 3).J'étais à jeun depuis vingt-quatre heures, et mon estomac criait famine (About, Roi mont.,1857, p. 269). − Loc fam. Avoir l'estomac dans les talons. Avoir très faim. Il me semble qu'il serait temps de se mettre à table, j'ai l'estomac dans les talons (Huysmans, À rebours,1884, p. 279). 2. [Sensations psychosomatiques] Spectacle qui soulève l'estomac. L'angoisse lui tordait l'estomac (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 181).Je suis de ces pleutres à qui la pitié retourne l'estomac (Vercel, Capit. Conan,1934, p. 178): 3. ... le vétérinaire ne put retenir son indignation devant ces cochonneries-là. Sa pudeur se tortilla dans son estomac.
Aymé, Jument,1933, p. 110. Fam. Avoir l'estomac bien accroché. ,,Supporter sans haut-le-cœur une odeur, une vue qui inspirent le dégoût`` (car. Argot 1977, s.v. estomac). − Au fig., fam. Courage, aplomb. Avoir de l'estomac, manquer d'estomac. Que la chose était crâne, correcte et qu'elle prouvait un estomac supérieur (Feuillet, Paris,1881, p. 165).Il y a une évidente fermeté d'âme, un indiscutable « estomac » à rouler sur des tripes humaines (Bloy, Journal,1930, p. 174).À l'estomac. Avec aplomb, en intimidant. La faire à l'estomac. ,,Crâner, payer d'audace`` (Esn. Poilu 1919, p. 227). Je me dis que c'est pour faire les honneurs. Il veut m'avoir à l'estomac (Céline, Mort à crédit,1936, p. 265). C.− P. méton. 1. Partie extérieure du tronc située au niveau de l'estomac. Il se tint le ventre pour rire à son aise : son chef en branlait; sa barbe allait et venait sur son estomac (France, Balth.,Ab., 1889, p. 247).Crochet gauche au corps, uppercut droit à l'estomac (R. Vuillemin, Éduc. phys.,1941, p. 168). ♦ Creux de l'estomac (cf. creux II B 1 en partic.). ♦ Vx. Pièce d'estomac. Pièce d'habillement qui se portait au niveau de l'estomac. Une pièce d'estomac de batiste, bien blanche et bien plissée, supplée à la chemise qui lui manque (Jouy, Hermite,t. 1, 1811, p. 203): 4. Madame Magloire avait (...) un tablier de toile de coton à carreaux rouges et verts, noué à la ceinture d'un ruban vert, avec pièce d'estomac pareille rattachée par deux épingles aux deux coins d'en haut...
Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 92. − En partic. Partie extérieure du tronc située au niveau de l'estomac et formant une proéminence. Mon père exécutait des mouvements de jambes compliqués pour faire disparaître un début d'estomac incompatible avec ses dispositions de Don Juan (Sagan, Bonjour tristesse,1954p. 15). − P. ext., vieilli. [Chez les volailles, le gibier à plumes] Partie extérieure, située au niveau du sternum, une fois cuite. Vous les dépècerez [des perdreaux] suivant la règle, c'est-à-dire en enlevant les cuisses, les ailes, l'estomac et le croupion (Gdes heures cuis. fr., Carême, 1833, p. 141).Ce qu'on voyait de sa peau était rissolé et doré comme l'estomac d'une dinde qui aurait rôti longtemps au feu des cuisines (Lorrain, Contes chandelle,1897, p. 105). 2. [Toujours déterminé] Personne considérée sous le rapport de son estomac. Il n'est point de subordination ni de crainte pour les estomacs vides (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 2, 1823, p. 342).Ce fut (...) un merveilleux refuge que la lecture à tant d'estomacs creux (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 51): 5. ... si quelque chose égale la sobriété des Arabes, c'est leur gloutonnerie. Admirables estomacs, qui tantôt ne mangent pas de quoi satisfaire un enfant, et tantôt se satisfont tout juste avec ce qui étoufferait un ogre.
Fromentin, Été Sahara,1867, p. 277. Prononc. et Orth. : [εstɔma]. Le c final est muet (cf. lettre C). D'apr. Littré on peut l'entendre devant voyelle : estomac affamé. Mais ,,les liaisons en [k] paraissent aujourd'hui bizarres et ridicules`` (Dupré 1972, p. 890). Enq. : /estoma/. Étymol. et Hist. Fin du xies. judéo-fr. estomaq(u)e « orifice, ouverture (de la panse)? » (Raschi Blondh., 1929, p. 58)]; a) mil. xiiies. anat. estomach (A. de Sienne, Regime du corps, éd. L. Landouzy, p. 14, 33); b) 1461-64 désigne p. ext. le cœur, siège des sentiments (G. Chastellain,
Œuvres, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 4, p. 48 : de plain estomac). Empr. au lat. class. stomachus (du gr. σ
τ
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ς) « œsophage, estomac; goût; humeur, irritation ». Fréq. abs. littér. : 2 478. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 5 491, b) 3 619; xxes. : a) 3215, b) 1978. Bbg. Quem. DDL t. 4, 8. |