| ESTIMABLE, adj. A.− [Correspond à estime B] Qui mérite, suscite l'estime. 1. [En parlant d'une pers.] Qui mérite, suscite l'estime pour ses qualités intellectuelles, ses vertus morales, etc. Un individu n'est estimable et aimable qu'à proportion que sa volonté est éclairée et bienveillante (Destutt de Tr., Idéol.,1801, p. 267).L'estimable rédacteur, l'un des économistes les plus distingués (Proudhon, Syst. contrad. écon.,t. 1, 1846, p. 71).Un homme de mérite, estimable pour ses talents, estimé pour son caractère (Guéhenno, Jean-Jacques,1952, p. 207).Cf. aussi affaissé ex. 9 : 1. Il faut tâcher, autant qu'on peut, de ne mépriser personne. Tout vieillit, même l'estime, si l'on n'y prend garde. Le respect est meilleur encore à éprouver qu'à inspirer, car le respectueux est toujours estimable. Ce sentiment a pour principe une opinion d'excellence qui ne peut se former dans ceux où rien n'est excellent.
Joubert, Pensées,t. 1, 1824, p. 198. − P. anal. [En parlant d'un animal] Cette estimable bête méritait bien qu'on eût des égards pour elle (Verne, Tour monde,1873, p. 58). − P. iron. [En assoc. avec des termes péj.] Une estimable gueuse (Cladel, Ompdrailles,1879, p. 362).Je crains que vous ne sachiez vous faire entendre de l'estimable gorille qui préside aux destinées de cet établissement (Camus, Chute,1956, p. 1475). 2. [En parlant d'une chose concr. ou abstr.] Qui mérite, suscite l'estime pour ses qualités, sa valeur. Ouvrage estimable. Nous aurons à dîner une poularde d'un fumet délicat. Donnez vos soins, ma fille, à cette estimable volaille (France, Bonnard,1881, p. 284).Cf. aussi chélonien ex. 2 : 2. Si c'est un crime de prendre le plus vif intérêt à un homme malheureux, que d'estimables qualités distinguent si avantageusement, je suis en vérité bien coupable...
Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1857. − Emploi subst. masc. sing. inv. à valeur de neutre (relatif à A 1 et A 2). ♦ En constr. partitive. Qqc., rien d'estimable. Moi, (...) qui ne vois rien de plus honorable et de plus estimable qu'un commerçant qui est commerçant! (Scribe, Bertrand,1833, II, 2, p. 149).Ce qu'il y avait de rêve et d'estimable dans les anciennes mœurs (Barrès, Cahiers,t. 4, 1904-06, p. 98). ♦ L'estimable. Ce qui est estimable. Une oscillation régulière de l'estimable au médiocre, de l'élégant au joli, de l'ennuyeux au pédant (Péladan, Salon,1883, p. 56). B.− [Correspond à estime C] Par affaiblissement. Qui mérite, suscite quelque estime pour certaines qualités (réelles, mais limitées, non exceptionnelles), dans un domaine donné (pratique, esthétique, intellectuel, moral, etc.). 1. [En parlant d'une pers.] Personnages plus estimables qu'éclairés (Cabanis, Rapp. phys. et mor.,t. 1, 1808, p. 27).Devenir orateur passable ou estimable professeur (Amiel, Journal,1866, p. 220).Des journaliers estimables quelconques (Frapié, Maternelle,1904, p. 86). 2. [En parlant d'une chose concr. ou abstr.] On peut unir certaines qualités estimables ou même éminentes (...) avec une absence complète de tact et de sentiment des relations humaines (Sainte-Beuve, Pensées,1868, p. 109).C'était une ample et estimable bâtisse, rien de plus (France, Bonnard,1881, p. 348): 3. − La littérature contemporaine se meurt d'habileté... Tu ne trouves pas? Presque tout ce qu'on écrit est estimable : c'est intelligent, mesuré, bien fait... C'est l'épanouissement normal de tout ce qui a été semé depuis cinquante ans; la valeur de la récolte prouve que le sol était bon... Et pourtant, pas une œuvre supérieure!
Martin du G., Devenir,1909, p. 125. Rem. Estimable tend à prendre parfois le sens de : assez considérable en raison de sa relative importance quantitative. (Quasi-) synon. appréciable. Un gain estimable de temps (Le Corbusier, Charte Ath., 1957, p. 102). Prononc. et Orth. : [εstimabl̥], [e-]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. xves. [ms.] « qu'on peut évaluer » (Eximenes, Liv. des anges, B.N. 1000, fo8dds Gdf. Compl.); av. 1560 « digne d'être estimé » (Du Bellay,
Œuvres, éd. H. Chamard, t. 2, p. 236). Dér. de estimer*; suff. -able*; cf. le lat. class. aestimabilis « que l'on peut apprécier; qui a de la valeur ». Fréq. abs. littér. : 322. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 971, b) 365; xxes. : a) 247, b) 195. |