| ESPOIR, subst. masc. A.− Fait d'espérer, d'attendre avec confiance la réalisation dans l'avenir de quelque chose de favorable, généralement précis ou déterminé, que l'on souhaite, que l'on désire. Espoir de bonheur, de guérison, de succès. Il se mit en route sans espoir de fuite ou de délivrance (Thierry, Récits mérov.,t. 2, 1840, p. 83).Leur unique espoir était de gagner les tailles supérieures, où l'on viendrait peut-être les délivrer (Zola, Germinal,1885, p. 1564): 1. Ce n'est pas à vous, qui savez faire du courage un si noble et si utile emploi, qu'il faut rappeler que ce sentiment ne se doit qu'à l'espoir d'un succès et ne peut être prodigué pour une cause évidemment stérile.
Latouche, L'héritier, Lettres amans,1821, p. 87. − P. ext. ♦ Dans l'espoir de, que. Dans la pensée que; en ayant une opinion sur quelque chose à venir, non encore actualisé. Abeille des Clarides, princesse des Nains, je vous aime dans l'espoir que vous m'aimerez un jour (France, Balth., Ab., 1889, p. 227): 2. Bientôt, ce ne fut qu'à la nuit que nous descendions de voiture, souvent même que nous partions de Balbec si le temps était mauvais et que nous eussions retardé le moment de faire atteler, dans l'espoir d'une accalmie.
Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 808. ♦ Vieilli. En espoir (de). Dans la perspective (de); dans l'imagination de celui qui espère : 3. ... les petites chouettes noires du cloître sans moines et du clocher sans cloches, s'éjouissaient aux fenêtres brisées, en espoir du butin; elles interrompaient les discours.
Chateaubr., Mém.,t. 1, 1848, p. 375. B.− Absol. [Sans compl. prép.] 1. Sentiment qui incline l'homme, l'individu à espérer. Qu'est-ce que l'espoir? Une transaction du rêve avec la réalité (Augier, Beau mar.,1859, IV, p. 150).« Sala de espera ». Quelle belle langue que celle qui confond l'attente et l'espoir! (Gide, Journal,1932, p. 1128): 4. Il faudrait n'être pas triste; il faudrait espérer; on ne donne aux gens que l'espoir que l'on a. Il faudrait compter sur la nature, voir l'avenir en beau, et croire que la vie triomphera. C'est plus facile qu'on ne croit, parce que c'est naturel. Tout vivant croit que la vie triomphera, sans cela il mourrait tout de suite.
Alain, Propos,1909, p. 60. 5. Le « rêve » a atteint ainsi sa suprême signification; il est la porte qui s'ouvre sur le monde intemporel, la voie par où l'on atteint, hors de toute solitude, de tout désespoir, de toute existence séparée, à l'espoir infini. Dès lors, la cime gravie, le mystique peut se retourner vers le monde, dont il est arrivé à se détacher...
Béguin, Âme romant.,1939, p. 213. − Au plur., littér., rare. Peu à peu, le calme, le silence et l'obscurité s'établissent dans la grange et ensevelissent les soucis et les espoirs de ses habitants (Barbusse, Feu,1916, p. 203).Les immenses espoirs dont l'armistice nous souleva (Du Bos, Journal,1922, p. 138). 2. P. méton. La personne ou la chose sur qui se fonde l'espoir de quelqu'un. J'aimais votre frère, lorsqu'il était l'espoir de sa famille; je l'adore depuis qu'il en est banni (La Martelière, Robert,1793, I, 1, p. 1).Ma fille, enfin, c'est toi tout l'espoir de nos armes (Moréas, Iphigénie à Aulis,1903, p. 239). − Spéc. Personne que l'on présume réussir dans l'avenir dans un domaine déterminé, étant donné les qualités requises par cette spécialité et qu'elle réunit. L'annonce du crochet excite beaucoup les jeunes espoirs théâtraux de l'endroit (Queneau, Loin Rueil,1944, p. 130): 6. Les combats d'espoirs commencent. Les espoirs, ou débutants, qui combattent pour le plaisir, ont toujours à cœur de le prouver en se massacrant d'urgence, au mépris de toute technique.
Camus, Été,1954, p. 36. Prononc. et Orth. : [εspwa:ʀ]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1155 « sentiment qui porte à espérer » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 3068); 2. ca 1160 « espérance, attente » al mien espeir « à mon avis » (Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 8758). Déverbal de espérer* d'apr. les formes fortes de l'ind. prés. ([j'] espoir, [tu] espoires, etc.). Fréq. abs. littér. : 7 080. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 9 946, b) 8 073; xxes. : a) 9 244, b) 11 377. Bbg. Dainard (J.-A.). The Motif of hope in Le Cid. Fr. R. 1971, t. 44, pp. 687-694. − Gossen (C.-T.). Ma plus douce espérance est de perdre l'espoir. Z. rom. Philol. 1955, t. 71, pp. 337. 364. |