| ESPION, IONNE, subst. A.− Subst. masc. ou fém. 1. Personne chargée de recueillir clandestinement des renseignements au profit d'une puissance étrangère. Avoir des espions dans l'autre camp. Espion double. Synon. agent (secret); anton. contre-espion.À la guerre, on fusille les espions quand on les découvre (Ac.).Des femmes chez qui on allait en toute confiance avaient été reconnues être des filles publiques, des espionnes anglaises (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 520).Vous vous êtes étonnés, le 1eraoût 1914, de découvrir sur la France un réseau d'espions (Giraudoux, Siegfried et Limous.,1922, p. 39): 1. Il fallut donc prévenir de cette perte le directeur du laboratoire, (...) qui n'en fut pas spécialement ému, car il savait cet échantillon déjà à Moscou, après avoir été détourné par Alan Nunn May, un des physiciens anglais de l'équipe, le premier espion atomique...
Goldschmidt, Avent. atom.,1962, p. 48. 2. P. ext. Individu chargé d'épier les paroles, faits et gestes de quelqu'un pour en faire rapport à un tiers. Il peut y avoir des espions. (Quasi-)synon. cafard, délateur, dénonciateur, mouchard.M. le commissaire anglais n'était autre chose que l'espion de nos affaires (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 2, 1823, p. 244).Si le petit Tanbeau, qui s'était constitué espion volontaire des démarches de Julien, eût pu lui apprendre que toutes ces lettres (...) étaient jetées au hasard (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 416).Il faisait noir dans le cabinet. C'était là un poste de choix pour un espion. Car que faisais-je, là, sinon un métier d'espion? (G. Leroux, Myst. ch. jaune,1907, p. 105). − Spéc., vx, Personne rétribuée appartenant à une police secrète chargée de surveiller certaines personnes. Les espions de Richelieu. Synon. indicateur, limier, mouchard.− À partir d'aujourd'hui, vous le ferez épier (...) − Mes espions prendront note des moindres mots qu'il pourra prononcer (Ponson du Terr., Rocambole, t. 2, 1859, p. 343): 2. La police de Metternich avait ses listes noires, ses armées d'espions et d'agents provocateurs, qui poursuivaient sans pitié les émigrants...
Rolland, Beethoven,t. 2, 1928, p. 591. Rem. 1. Lorsque le compl. prép. de qui suit espion désigne un animé, celui-ci indique toujours la personne au profit de laquelle se fait l'espionnage. 2. La docum. atteste les composés navire(-) espion, satellite(-)espion, voiture(-)espion. Qui sert à espionner. Les futurs satellites-espions prendront des photographies selon un programme déterminé à l'avance (A. Ducrocq ds l'Express, 2 mai 1966, p. 91, col. 1). Les américains avaient eu un navire-espion analogue au « Pueblo », coulé au large d'Haïfa (Paris-Match, 3 févr. 1968, p. 24). B.− Subst. masc., p. méton. Miroir incliné qui sert à observer sans être vu. [Le libraire peut] munir sa porte (...) d'un espion, ou miroir penché, reflétant le trottoir et les faits et gestes des chalands (Hogier-Grison, Monde où l'on vole,1887, p. 239). − En appos. Aux croisées, miroirs espions où l'on voit de l'appartement ceux qui passent dans la rue (Michelet, Journal,1832, p. 107). Rem. La docum. atteste le subst. fém. espionnite. Attitude psychologique consistant à voir partout des espions, à se croire systématiquement espionné. Espionnite aiguë; épidémie d'espionnite. Dans cette atmosphère d'espionnite, de complots et de crise morale, l'immixtion grandissante des militaires dans la vie politique américaine en a amené certains à se poser cette question inquiétante : « Et si l'armée intervenait pour régler la crise provoquée par l'affaire du Watergate? » (J.-F. Merle ds Le Nouvel Observateur, 13 avr. 1974, p. 38, col. 3). Prononc. et Orth. : [εspjɔ
̃], fém. [-ɔn]. Ds Ac. dep. 1694. Ac. 1694-1878 : le masc. seulement. Étymol. et Hist. Ca 1200 « individu qui se mêle aux ennemis pour les épier » (Chevalier cygne, éd. C. Hippeau, 2980), attest. isolée; 1380 (Trad. fr. de Végèce, éd. J. Camus ds Romania t. 25, p. 397), id.; 1509 (J. Marot,
Œuvres, éd. Coustelier, p. 113 ds Barb. Misc. 9, no15). Dér. de l'a. fr. espier (épier*), suff. -on1*. Le s, disparu de la prononc. dès le xiiies., a été rétabli début xvies., prob., à l'occasion des campagnes d'Italie, sous l'infl. de l'ital. spione « espion », attesté dep. le xiiies. (Jacopone da Todi ds Tomm.-Bell.), dér., avec suff. augm. -one, de spia « id. », déverbal de spiare « épier ». Espion a supplanté l'a. fr. espie (1erquart xiies. ds T.-L.; encore attesté sous la forme épie aux xviie-xviiies., v. FEW t. 17, p. 175a), déverbal de espier. Fréq. abs. littér. : 657 (espionne : 39). Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 485, b) 658; xxes. : a) 876, b) 646. Bbg. Dub. Dér. 1962, p. 68 (s.v. espionnite). − Hope 1971, p. 38, 149. |