| ESPAGNOL, OLE, adj. et subst. A.− [En parlant d'une pers., parfois d'un ensemble de pers. ou d'un animal] (Celui, celle) qui est né(e), qui habite en Espagne, qui est originaire de ce pays. Gentilhomme, mendiant espagnol. Dame Léonarde, la mère noble de la troupe, était vêtue tout de noir comme une duègne espagnole (Gautier, Fracasse,1863, p. 27). − Emploi subst. masc. sing. ayant une valeur de coll. : 1. La Cité se débarrasse maintenant des étrangers dont elle n'a plus besoin; après avoir chassé l'Espagnol des mers, elle chasse de Londres les Hanséatiques.
Morand, Londres,1933, p. 18. − Expr. Parler le français comme une vache espagnole. Le parler mal, en faisant des fautes. Jacques Collin parlait le français comme une vache espagnole (Balzac, Splend. et mis.,1846, p. 419). Rem. Noter les var. de cette expr. : Parler le français comme un Basque (vasco) espagnol, comme une Basque (vasca) espagnole. Vache serait une altération de Basque. ♦ Il grandira, car il est Espagnol (Meilhac, Halévy, Théâtre,t. 5, La Périchole, Paris, Calmann-Lévy, 1900 [1868], I, 5, p. 206). B.− [En parlant d'un inanimé concr. ou abstr.] 1. Emploi adj. a) Relatif à l'Espagne, à ses habitants ou à leurs caractéristiques. Danse, inquisition, junte, peinture espagnole; des airs espagnols. Le silence hautain et espagnol de ma tante Élisabeth (Stendhal, H. Brulard,t. 1, 1836, p. 188).Tout l'art espagnol est dans cette sécheresse et cette âpreté (T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p. 24): 2. Or, quand les champs sont au supplice,
Brûlés par un ciel espagnol,
Il [le liseron] tend toujours son petit bol
Afin que l'averse l'emplisse...
Rollinat, Névroses,1883, p. 164. b) Spécialement − Auberge espagnole. Auberge caractéristique de l'Espagne dans laquelle on pouvait autrefois apporter ce qu'on voulait manger; p. compar., endroit, création humaine dans laquelle on apporte, on met ce qu'on veut y trouver, où l'on ne trouve que ce qu'on y apporte (cf. auberge ex. 6). − PATHOL. Grippe espagnole. Grippe apparue, semble-t-il, en différents points du globe, en particulier en Espagne, et qui toucha presque toute la terre dans les années 1918-1919, faisant des millions de victimes. Le frère de maman mourut, à peine démobilisé, de la grippe espagnole (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 67). c) P. ell. du subst. manière. À l'espagnole. L'antique jardin à l'espagnole, fait de buis, de portiques et d'eaux (Toulet, Mar. Don Quichotte,1902, p. 119). 2. Emploi subst. a) ART CULIN., subst. fém. Sauce brune obtenue à partir de jambon, de veau, de perdrix et pouvant servir, en tant que sauce-mère, à la préparation de diverses autres sauces. Tu passes les trois quarts de la cuisson à la serviette pour la réduire avec une bonne espagnole (Goncourt, Man. Salomon,1867, p. 113). − Espagnole travaillée. Une de ces sauces obtenues à partir d'un mélange de cette sauce-mère, d'un consommé et de champignons (cf. Gdes heures cuis. fr., Carême, 1833, p. 141). b) LING., subst. masc. Langue parlée en Espagne et en Amérique latine. Apprendre l'espagnol. Il lisait en espagnol les ouvrages de sainte Thérèse (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 4, 1859, p. 193). Rem. Ac. Compl. 1842 enregistre l'adj. espagnolé, ée. [En parlant d'une pers.] Qui a l'allure d'un(e) Espagnol(e), mince. Madame de Tourville était une grande femme, très espagnolée, fine, et fausse maigre (La Varende, Tourville, 1943, p. 134). Prononc. : [εspaɳ
ɔl]. Étymol. et Hist. 1181-91 adj. (Chr. de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 4793 : cheval espaignol). Prob. empr. à l'a. languedocien espa(i)nol (ethnique utilisé comme nom propre dans des doc. de la 1remoitié du xiies. cités par P. Aebischer ds Estudios de toponomia y lexicografía románica, Barcelone, 1948, p. 22), d'un lat. médiév. *hispaniolus, dér. de Hispania « Espagne ». V. P. Aebischer, loc. cit., pp. 15-48. Fréq. abs. littér. : 2 994. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 6 264, b) 4 032; xxes. : a) 2 487, b) 3 731. DÉR. 1. Espagnolade, subst. fém.,souvent péj.
Œuvre artistique ou littéraire présentant l'Espagne sous un jour inexact, éloigné de sa réalité profonde. Dans l'espagnolade typique tout est faux, invraisemblable (Larbaud, Vice impuni,1941, p. 173).On rencontre ds la docum. ce mot empl. dans unsens partic. « impression superficielle de l'Espagne donnée par quelque chose à quelqu'un ». Ce n'est pas cette espagnolade Qui pendant un instant vous a Lorsqu'on mord dans une grenade Ou qu'on respire un mimosa (Rostand, Musardises,1890, p. 192).Rem. Ce même aut. donne à la suite de ce texte un synon. néologique 2. espagnolerie, subst. fém.Ni la jeune espagnolerie Qui vous prend quand on lit Musset (Rostand, Musardises,1890, p. 192). − [εspaɳ
ɔlad]. − 1resattest. 1611 « fanfaronnade » (Cotgr.); 1890 « impression superficielle de l'Espagne » (Rostand, loc. cit.); de espagnol, suff. -ade*.Espagnoliser, verbe trans.Rendre espagnol (cf. S. Mercier, Néol., t. 1, 1801, p. 235). Part. passé en emploi adj. Devenu espagnol, qui présente des caractéristiques propres aux Espagnols. Costume espagnolisé (Goncourt, Journal, 1891, p. 154). Antoine Mor, le Hollandais espagnolisé (Faure, Hist. art,1921, p. 64).On rencontre ds la docum. le néol. 3. espagnolisant, subst. masc.Celui qui présente certains traits propres aux Espagnols. La « perfection » sublime (...) d'admirables van Dyck (presque un espagnolisant, hein?) (Verlaine,
Œuvres compl.,t. 5, Quinze jours en Holl., 1893, p. 239). − [εspaɳ
ɔlize]. − 1reattest. 1565 espagnolizé « mêlé d'éléments espagnols (en parlant d'une langue) » (H. Estienne, Conformité du langage françois avec le grec, préf., p. 20 ds Hug.); de espagnol, suff. -isé (-iser*). − Fréq. abs. littér. : 1.Espagnolisme, subst. masc.Attitude, tendance favorable aux Espagnols ou présentant certaines caractéristiques propres aux Espagnols. Je suis enchanté (...) de la portée que vous donnez à votre espagnolisme dont vous voulez qu'il agisse sur les âmes (Barrès, Cahiers,t. 1, 1896-98, p. 270).− [εspaɳ
ɔlism̥]. − 1reattest. 1836 « caractère, comportement analogue à celui des Espagnols » (Stendhal, H. Brulard, t. 1, p. 233); de espagnol, suff. -isme*. − Fréq. abs. littér. : 11. |