| ESCALADER, verbe trans. A.− [Le but est de s'introduire dans un lieu enclos] 1. Prendre d'assaut par escalade. Fous de rage, ils escaladent la barricade pour se jeter au combat, mais ils sont cueillis au sommet (Camus, Révolte Asturies,1936, p. 429).J'ai rêvé d'escalader le ciel et me voici, dans la boue, vieillard écrasé (Camus, Possédés,1959, 3epart., 17etabl., p. 1094). − Au fig. On peut s'en servir [d'une tradition] pour escalader le pouvoir, elle est inutile pour l'exercer (Proudhon, Révol. soc.,1852, p. 63).Le déluge des journaux n'a pas encore escaladé leur solitude [des Chartreux] (Bloy, Désesp.,1886, p. 124).Dans l'année 1648 s'ouvrit la tranchée dans laquelle sauta la France, pour escalader la liberté (Gracq, Beau tén.,1945, p. 134). 2. P. ext. Pénétrer dans un lieu enclos par-dessus un obstacle, s'introduire par une ouverture élevée, non prévue à cet effet. S'il s'agit d'un cambrioleur, au lieu de passer par la porte, il escaladera peut-être le mur (Ruyer, Esq. philos. struct.,1930, p. 216).Après avoir escaladé le mur du potager voisin, il a été poursuivi par les chiens et contraint de se réfugier ici de nouveau (Bernanos, Dialog. Carm.,1948, 4etabl., 2, p. 1682): 1. Pour communiquer plus facilement, comme je ne peux tout de même pas escalader ta fenêtre toutes les nuits, je vais percer un trou dans la cloison qui sépare les deux chambres.
H. Bazin, Vipère,1948, p. 170. B.− [Le but est d'atteindre un sommet] 1. Grimper, monter sur, le long de (quelque chose). Escalader un arbre, une colline. Sans un mot, l'homme fonce droit devant lui, escalade un tas de pierres, traverse le fossé (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 740).Pour mieux voir, à quatre pattes, il escalada le talus (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1411).J'escaladais la nuit les escaliers du Sacré-Cœur (Beauvoir, Mém. jeune fille,1958, p. 262). − P. hypallage. [Le suj. désigne ce qui permet de monter] Être disposé de bas en haut, en pente abrupte, comme en forme d'échelle. La ville s'abrite à ses pieds et le faubourg escalade, de maisons en grappes, sa pente la plus rude (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 549).Ses longs bâtiments de pierre escaladant la pente comme de grosses marches grises (Gracq, Syrtes,1951, p. 204).On grimpe au château par un sentier qui escalade les roches (T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p. 92). 2. Spéc., ALPINISME. Grimper le long de parois rocheuses en s'aidant de quatre membres et en utilisant au mieux tous les points d'appui possibles. Escalader des rochers. Plus d'une heure durant, nous escaladons des roches et parvenons assez péniblement à un col très étroit (Gide, Journal,1923, p. 768).Marchant, sans piolet, sans cordes, sans vivres, escaladant des cols de quatre mille cinq cents mètres, ou progressant le long des parois verticales (Saint-Exup., Terre hommes,1939, p. 163): 2. Pendant cinq heures, il monta, escaladant des rochers au moyen de ses crampons, taillant la glace, avançant toujours et parfois halant, au bout de sa corde, le chien resté au bas d'un escarpement trop rapide.
Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Aub., 1886, p. 1080. Prononc. et Orth. : [εskalade], (j')escalade [εskalad]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Av. 1610 « prendre d'assaut » ici, au fig. (De Champ-Repus, Poésies, 60, éd. de 1864 d'apr. A. Delboulle ds R. Hist. litt. Fr., t. 12, p. 139); 2. 1617 « pénétrer dans un lieu en franchissant la clôture » (J. Crespin, Thresor des trois langues, esp., fr. et ital. d'apr. FEW t. 11, p. 266b); 3. 1638 « gravir une hauteur » (Desmarets de Saint-Sorlin, Les Visionnaires, acte 5, sc. 1 ds Rich. 1680 : escalader les monts). Dér. du rad. de escalade*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 501. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 536, b) 1 205; xxes. : a) 733, b) 581. DÉR. Escaladeur, euse, subst.Personne qui escalade. a) [Correspond à escalader A] Fatigué d'être un coureur de champs et un escaladeur de murailles (Dumas père, Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 738).Au fig. Que la môme Odette soit une escaladeuse de braguettes, on pouvait pas en rendre l'univers responsable (Simonnin, Cave se rebiffe,1954, p. 227).b) [Correspond à escalader B] Des escaladeurs d'occasion crispés sur les saillies des prises (Peyré, Matterhorn,1939, p. 112).− [εskaladœ:ʀ] fém. [-ø:z]. − 1resattest. av. 1846 escaladeur de cerisiers (R. Töpffer, Nouv. Voyages en zigzag ds Littré Suppl.), 1846 escaladeur de murailles (Dumas père, loc. cit.); du rad. de escalader, suff. -eur2*. − Fréq. abs. littér. : 3. BBG. − Henschel (B.). Qq. dat. nouv. du 18es. Fr. mod. 1969, t. 37, pp. 113-131. |