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ERREUR, subst. fém.
I.− Vx ou littér. [P. réf. à errer « aller çà et là »]
A.− Action d'errer çà et là; parcours sinueux et imprévisible. Ce ruisseau sinueux a d'aimables erreurs (Sainte-Beuve, Portr. littér.,t. 1, 1844-64, p. 27):
1. Ici, du labyrinthe habilement tissu, Dédale a retracé le piège inaperçu : On le voit, d'Ariane écoutant la tendresse, Lui-même en révéler l'insidieuse adresse; Et, débrouillant l'erreur de ses mille chemins, Du fil libérateur armer ses jeunes mains. Delille, Énéide,1804, p. 217.
Les erreurs d'Ulysse. Les pérégrinations du héros grec sur le chemin du retour vers Ithaque retracées dans l'Odyssée. Il aimait les beaux voyages et, comme on dit d'Ulysse, les longues erreurs (...), il s'amusait à prendre le plus long (France, Rabelais,1924, p. 26).
B.− Illusion, méprise. Tout est erreur ici bas. Pensers amoureux, imaginations vaines et douces (Delacroix, Journal,1849, p. 268).
II.− Cour. [P. réf. à errer « s'écarter, s'éloigner de la vérité »]
A.− Action, fait de se tromper, de tenir pour vrai ce qui est faux et inversement. Mais ils ne sont pas plus convaincus de mon erreur, que je ne suis convaincu qu'ils se trompent (Gide, Feuillets,1937, p. 1285):
2. L'obstination de la dame d'honneur de la princesse de Parme à voir en moi un neveu de l'amiral Jurien de La Gravière avait en soi quelque chose de vulgairement risible. Mais l'erreur qu'elle commettait n'était que le type excessif et desséché de tant d'erreurs plus légères, mieux nuancées, involontaires ou voulues, qui accompagnent notre nom dans la « fiche » que le monde établit relativement à nous. Proust, Guermantes 2,1921, p. 498.
Locutions
Faire erreur. Se tromper. Je vous dis que vous faites erreur (Duhamel, Jard. bêtes sauv.,1934, p. 79).
Il y a erreur (fam.). C'est une erreur, vous vous trompez. Il y a erreur, dit une voix. C'est Archambaud, l'ingénieur de l'usine (Aymé, Uranus,1948, p. 29).
Il n'y a pas d'erreur. Indiscutablement, sans possibilité de se tromper. Pour ce qui est de ça, il n'y a pas d'erreur, c'est bien votre tour, oh là, là! (Courteline, Train 8 h 47,1888, 1repart., 7, p. 77).
Sauf erreur. Sauf si j'ai fait erreur. Grosso modo et sauf erreur, car je n'ai pas sous les yeux les règles d'ordres (Huysmans, Oblat,t. 2, 1903, p. 48).
Convaincre qqn d'erreur. Lui donner la preuve irréfutable qu'il se trompe. Le peu d'extériorisation que tu donnes à tes résultats n'est pas fait pour les convaincre d'erreur (Gide, Corresp.[avec Valéry], 1899, p. 358).
SYNT. Combattre, commettre, découvrir, démontrer, éviter, reconnaître, réparer une erreur; une erreur d'appréciation, de jugement, d'optique, de perspective; une erreur commune, complète, déplorable, fondamentale, grossière, profonde; être une cause, une source d'erreur; être sujet à l'erreur.
B.− État de celui qui se trompe. Supposons que nous soyons en erreur; cela peut être (Volney, Ruines,1791, p. 205).Elle se décida sans balancer à confirmer Gérold dans son erreur (Genlis, Chev. Cygne,t. 3, 1795, p. 96).Cette petite part de vérité que, sombrés à pic dans l'erreur, ils détenaient encore (Psichari, Voy. centur.,1914, p. 43):
3. ... je (...) demeurai persuadée que j'étais née à Madrid et que j'avais un an ou deux de plus que mon âge présumé. (...) je lus rapidement la correspondance de mon père avec ma grand'mère, et une lettre mal datée, intercalée mal à propos dans le recueil de 1803, me confirma dans mon erreur. Cette lettre, qu'on trouvera à sa place véritable, ne m'abusa plus, lorsqu'au moment de transcrire cette correspondance, je pus y porter un examen plus attentif. Sand, Hist. vie,t. 2, 1855, p. 77.
SYNT. Être, tomber, s'entêter, persévérer dans l'erreur; tirer qqn de l'erreur.
État de celui qui est trompé. Induire qqn en erreur. Tromper quelqu'un volontairement ou non. Les autres [amies] m'accusaient d'une profonde hypocrisie qui les avait induites en erreur (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1781).Même s'il était prouvé que ces deux ministres ont été induits en erreur (Mauriac, Bâillon dén.,1945, p. 450).
C.− Faute commise en se trompant.
1. Assertion fausse, opinion qui s'écarte de la vérité généralement admise. Il est singulier qu'il faille lui [Montesquieu] tenir compte de n'avoir pas professé une erreur si grossière (Destutt de Tr., Comment. sur Espr. des lois,1807, p. 237).Y a-t-il pour chaque objet une forme idéale, hors de laquelle tout soit déviation ou erreur? (Taine, Philos. art,t. 2, 1865, p. 225):
4. Mon bizarre visiteur s'écria avec une grande véhémence : « Erreur, monsieur! erreur, erreur absolue! Nous sommes, nous autres, plus loin du soleil en été qu'en hiver. » Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Homme de mars, 1889, p. 1182.
Spéc. [En parlant du dogme d'une relig.] Erreur doctrinale. Cette erreur a été condamnée par l'Église (France, Orme,1897, p. 75).La grande erreur du protestantisme, de prétendre limiter aux seuls évangiles la révélation (Gide, Feuillets,1918, p. 676).
Faute commise, péché. Leur bec sublime (os sublime) n'est pas la moindre cause de l'erreur où tomba l'apôtre (France, Île ping.,1908, p. VIII):
5. La couronne d'épine est énorme et cruelle Sur le front inclinant sa pâleur fraternelle Vers l'ignorance humaine et l'erreur du pécheur... Verlaine, Œuvres compl.,t. 2, Amour, 1888, p. 26.
2. Chose fausse, erronée.
a) [L'erreur naît d'une transgression d'une règle gén. admise] Erreur de transcription, de référence. S'il s'était glissé quelques erreurs dans la narration d'Hermann! (About, Roi mont.,1857, p. 6).Cela fourmillait d'erreurs (Gide, Journal,1902, p. 121):
6. Même de jolies fautes de français, même d'adorables et rares, aussi bien, erreurs d'orthographe, mettaient un charme de plus dans ce courrier presque quotidien... Verlaine, Œuvres compl.,t. 5, Confessions, 1895, p. 130.
Spéc., DR. Vice du consentement qui rend le contrat annulable lorsqu'il porte sur des qualités substantielles.
Erreur judiciaire. Condamnation pénale prononcée à tort. Nous sommes décidés, en effet, à ne point laisser douze braves gens commettre une abominable erreur judiciaire (G. Leroux, Mystère ch. jaune,1907, p. 124).
Erreur de droit. Erreur portant sur l'existence ou sur l'interprétation d'une règle juridique. De plus, cette même possession est privée de « bonne foi », puisqu'elle a pour fondement une erreur de droit, et que l'erreur de droit empêche la prescription (Proudhon, Propriété,1840, p. 200).
Erreur de fait. ,,Erreur portant sur une circonstance matérielle`` (Lar. Lang. fr.).
Erreur de personne, erreur sur la personne. Erreur consistant à confondre une personne avec une autre. Un ennui gêné descendait maintenant dans la pièce : il y avait erreur sur la personne (Gracq, Syrtes,1951, p. 170).
b) [L'erreur naît d'une mauvaise mesure, d'une différence avec le réel] Erreur de date, de compte, de mesure. Il est impossible qu'il y ait une erreur en longitude de 10 minutes (Voy. La Pérouse,t. 2, 1797, p. 71).Une simple erreur de date (H. Bataille, Maman Colibri,1904, p. 31).Erreur n'est pas compte*. Cf. J.-F. Rolland, Dict. mauv. lang., 1813, p. 60.
Spécialement
COMPTAB. Il retombait toujours dans leur erreur de calcul (Vogüé, Morts,1899, p. 366).C'est comme si je corrigeais une erreur dans un livre de compte (Janet, Obsess. et psychasth.,1903, p. 138).
Sauf erreur ou omission. Formule accompagnant un compte bancaire, un rapport, un procès-verbal, par laquelle on admet implicitement que le compte ou le texte peuvent comporter erreur ou omission involontaires :
7. Le procès-verbal permet à l'autorité de tutelle de contrôler la validité des délibérations, il doit être porté à la connaissance des conseillers municipaux qui conservent le droit d'en demander la rectification, s'il contenait une erreur ou une omission. Fonteneau, Conseil munic.,1965, p. 111.
PHYS. Courbe d'erreur, erreurs individuelles d'observation.
Erreur absolue. Différence entre le résultat numérique d'une observation et la valeur réelle la plus probable. Le convaincre d'erreur absolue (Renan, Drames philos., préf., 1888, p. 371).
Erreur relative. ,,Rapport de l'erreur absolue à la valeur de la grandeur elle-même`` (Lar. Lang. fr.).
Erreur systématique. Dans les sciences expérimentales, erreur due à la méthode suivie ou à l'instrument d'observation ou d'analyse utilisé. Résistance dynamométrique. − (...) elle peut être entachée d'une erreur systématique due à l'imperfection de la méthode ou de l'appareil employé (Thiébaut, Fabric. tissus,1961, p. 79).
3. Action inconsidérée, contraire au bon sens, à la réflexion et imputable à l'ignorance ou à l'étourderie. Erreur de savoir-vivre, de bienséance, de tactique. Ce portrait de moi en gentleman revenu des erreurs de le jeunesse (Flaub., Corresp.,1857, p. 227).La Bataille d'Anghiari par suite d'une erreur de préparation est vouée à une perte certaine (Gille de La Tourette, L. de Vinci,1932, p. 97).« Incident technique » et non « erreur de parcours » (Vialar, Bon Dieu,1953, p. 166):
8. C'est la même erreur que l'on a commise au Louvre le jour où l'on a mis ensemble tous les Rembrandt, tous les Ruysdaël : on sort de ces cabinets avec une impression de dégoût et d'indigestion. Claudel, Corresp.[avec Gide], 1910, p. 150.
9. Ce soir-là, mes hôtes m'expliquèrent que cette guerre était une erreur, que nous avions toutes raisons de nous entendre avec le nazisme, et qu'ils espéraient une paix de compromis avant la fin de 1940. Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 21.
Loc. adv. Par erreur. En se trompant par ignorance ou par étourderie. Que c'était au contraire comme si on avait par erreur laissé tomber quelques épis, quelques grains de blé, dans une prairie naturelle, qui auraient poussé (Péguy, V.-M., comte Hugo,1910, p. 686).
Au plur. Dérèglements dans les mœurs. Dans le temps de ses erreurs, elle n'avait cessé d'adresser (...) une oraison à Notre-Dame (France, Vie littér.,1890, p. 268):
10. À cette époque, la comtesse (...) expiait par des larmes de sang les fautes de sa vie passée (...) Peut-être ne connut-elle le prix de la vertu qu'au moment où elle recueillit la triste moisson semée par ses erreurs... Balzac, Gobseck,1830, p. 427.
Prononc. et Orth. : [ε ʀ œ:ʀ]. [rr] ds Fér. 1768, Fér. Crit. t. 2 1787, Land. 1834, Nod. 1844, Littré, DG, Passy 1914. [ʀ] ou [rr] ds Barbeau-Rodhe 1930 et Warn. 1968. [ʀ] ds Dub. (qui transcrit [e] fermé à l'initiale), Pt Rob. et Lar. Lang. fr. Cf. errer. Enq. : /eʀøʀ/. Le mot est admis ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Fin du xes. error « tromperie, imposture » (Passion de Clermont, éd. D'Arco Silvio Avalle, 365); 2. a) ca 1125 « action de se tromper » (Grant mal fist Adam, éd. H. Suchier, 15 f); b) ca 1200 « action regrettable » (Jourdain de Blaye, éd. P. Dembowski, 3864); ca 1355 plur. (Bersuire, fo28 rods Littré : humaines erreurs); 3. a) ca 1200 « jugement, opinion, doctrine fausse » (Dialogue Grégoire, 10, 6 ds T.-L. : maistres d'error); b) 1549 dr. (Est.); c) 1585 « faute, inexactitude » (N. Du Fail, Contes et discours d'Eutrapel, t. 2, p. 12 ds IGLF : erreur de calcul). Du lat. class. error, erroris « erreur, illusion, méprise, faute » lat. chrét. « doctrine fausse, hérésie ». Fréq. abs. littér. : 6 626. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 12 647, b) 5 818; xxes. : a) 7 166, b) 9 959. Bbg. Jodogne (O.). Sur la doctrine de Vaugelas. Vie Lang. 1962, p. 521. − Marsaud (M.). L'Impr. des timbres-poste. Banque Mots. 1974, no8, p. 201.