| ERRANT1, ANTE, adj. Qui marche, qui voyage sans cesse. A.− Chevalier errant. Chevalier qui ne cesse de parcourir le monde à la recherche d'exploits à accomplir, de torts à redresser, notamment au service d'une dame ou d'une bonne cause. Jadis les chevaliers errants allaient, malgré les enchantements et les périls, à la conquête d'un talisman d'amour et d'immortalité (Du Camp, Mém. suic.,1853, p. 215): 1. le chevalier. − Je vois qu'on aime les chevaliers errants dans ces parages?
auguste. − Nous les aimons mieux que les armées. Un chevalier errant, c'est signe que la guerre est finie.
Giraudoux, Ondine,1939, I, 2, p. 20. ♦ Chevalerie errante. On n'en était déjà plus en effet au règne des fabliaux naïfs et de la chevalerie errante (Sainte-Beuve, Tabl. poés.,1828, p. 263). − P. métaph. 1. [En parlant d'un personnage, utopiste mais décidé à tout pour défendre une bonne cause] Le chevalier errant d'aujourd'hui, c'est Garibaldi. Sa dame, c'est l'Italie (Mérimée, Lettres Mmede La Rochejacquelein,1870, p. 309). 2. [En parlant d'un trait du tempérament] Fort jeune, sans doute, et d'humeur errante, comme alors beaucoup de moines mendiants, il avait le goût des choses merveilleuses (France, J. d'Arc,t. 1, 1908, p. 256): 2. Il [un ancien camarade] avait dans sa jeunesse des yeux bleus, toujours riants, perpétuellement mobiles, en quête évidemment de quelque chose à quoi je n'avais pensé et qui devait être fort désintéressé, la Vérité sans doute, poursuivie en perpétuelle incertitude, avec une sorte de gaminerie, de respect errant pour tous les amis de sa famille. Or, devenu homme politique influent, capable, despotique, ces yeux bleus qui d'ailleurs n'avaient pas trouvé ce qu'ils cherchaient, s'étaient immobilisés, ce qui leur donnait un regard pointu, comme sous un sourcil froncé. Aussi l'expression de gaîté, d'abandon, d'innocence s'était-elle changée en une expression de ruse et de dissimulation.
Proust, Temps retr.,1922, p. 941. B.− Juif errant. Personnage légendaire condamné à marcher éternellement pour avoir outragé le Christ portant la croix : 3. le christ. − Pourquoi l'as-tu-dit, Ahasvérus? C'est toi qui marcheras jusqu'au jugement dernier, pendant plus de mille ans. Va prendre tes sandales et tes habits de voyage; partout où tu passeras, on t'appellera : le Juif errant.
Quinet, Ahasvérus,1833, 2ejournée, p. 137. − P. compar. Il était comme le Juif errant : il ne pouvait demeurer en place (Rolland, J.-Chr.,Révolte, 1907, p. 588). ♦ Race errante. Juif(s) de la Diaspora. Race toujours errante, et de partout bannie par son indépendance et son inquiétude (Rolland, J.-Chr.,Révolte, 1907p. 628). Rem. 1. Sur le modèle de Chevalier errant et de Juif errant, errant sert à déterminer d'autres subst. évoquant des personnages que leur destin condamne à être itinérants, à voyager sans cesse. Antar, ce type de l'arabe errant (Lamart., Destinées poésie, 1834, p. 392). L'assassin errant, promenant sa misère (Ponsard, Lucrèce, 1843, V, 3, p. 94). Le métier peu récompensé d'écrivain errant, de batteur d'estrade littéraire sans compagnon (Bloy, Journal, 1904, p. 213). 2. Oiseau errant se rencontre avec le sens d'oiseau migrateur. Nous avions encore près d'une heure à attendre le réveil des oiseaux errants (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Amour, 1886, p. 739). Prononc. et Orth. : [ε
ʀ
ɑ
̃], fém. [-ɑ
̃:t]. Prononc. [rr] cf. errer. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 1170 chevalier errant (cf. chevalier1); 1648 juif errant (Scarron, Virgile travesti, livre 1 ds
Œuvres, éd. J. F. Bastien, t. 4, p. 16). Part. prés. adj. de l'a. fr. et m. fr. errer (edrer, esrer) « voyager; agir, se conduire » (2emoitié du xes. edrer « se conduire » [Saint-Léger, éd. J. Linskill, 114]), du b. lat. iterare « voyager » (fin du vies. ds Nierm.), par réfection (sur le rad. du nomin.-acc. iter « voyage ») du b. lat. itinerari (formé sur le rad. du génitif-datif itiner-), « id. » (Itala ds TLL). |