| ENVERS1, prép. A.− [Uniquement ds les loc. fig., coordonné à contre] En face de, vis-à-vis de (quelqu'un). 1. Loc. vieillie. Envers et contre tous a) [Contre glose envers] À l'égard de tous. Ils s'engagèrent par serment à agir en bonne union et fraternité envers et contre tous, sauf le roi (Barante, Hist. ducs Bourg.,t. 3, 1821-24, p. 165). b) [Envers glose contre] Contre tout le monde, en s'opposant à tous (après des verbes comme aider, défendre, protéger, soutenir [qqn ou qqc.]). L'armée (...) doit (...) défendre envers et contre tous la constitution légalement établie (Staël, Consid. Révol. fr.,t. 2, 1817, p. 108).Je ressens dans les plus mauvais moments, le désir de priver volontairement les autres de moi et de vivre envers et contre tous (Éluard, Donner,1939, p. 65). − P. anal. Envers et contre, loc. prépositive
α) [Suivie de tout adj. ou pron.] Ce fut M. de Chateaubriand, qui, envers et contre tout le Conseil, et surtout Villèle qui n'en voulait pas, fit nommer M. de Damas (Mmede Chateaubriand, Mém. et Lettres,1847, p. 113).La lutte pour l'homme, pour les hommes, envers et contre tout ce qui n'est pas les hommes (Guéhenno, Journal Révol.,1938, p. 182).
β) [Sans tout] Sa politique envers et contre le protestantisme (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 5, 1859, p. 162).Sans doute même cette expérience voulait-elle être tentée, envers et contre mon cœur (Duhamel, Terre promise,1934, p. 62). c) En dépit de l'opposition générale. Ils me nomment colonel de la garde nationale de Mâcon, envers et contre tous (Lamart., Corresp.,1832, p. 252).Sa femme d'ailleurs l'avait épousé envers et contre tous parce que c'était un « être de charme » (Proust, J. Filles en fleurs,1918, p. 512). d) En dépit de tous les obstacles réels ou possibles, quoi qu'il arrive. Synon. à toute force, contre vents et marées, malgré tout, coûte que coûte.Il se cramponnait, envers et contre tous, au plan positif, au plan des intérêts en jeu! (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 485). 2. Mod. Envers et contre tout. Synon. de A 1 d.Tenir bon, envers et contre tout. Raoul Ponchon, resté homme de café envers et contre tout (Fargue, Piéton Paris,1939, p. 37): 1. ... il conta brièvement les manifestations de Paris, de Bruxelles, et quels transports l'avaient saisi devant l'unanime élan de ces foules qui, envers et contre tout, clamaient, par toute l'Europe, leur volonté de paix.
Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 466. Rem. On rencontre ds la docum. des var. d'aut. (envers et...). La vengeance de Lisée (...) allait le suivre impitoyablement, empoisonner ses jours, et accomplir envers et malgré tout son œuvre fatale (Pergaud, De Goupil, 1910, p. 44). D'accord avec sa conscience... envers et quand même! Au sein des pires calamités! (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 235). B.− Usuel. À l'égard de. 1. [Le compl. prép. désigne une pers., une collectivité; pour exprimer un sentiment, une disposition, une attitude, un comportement ou une action au moral] Synon. à l'endroit de (littér.), vis-à-vis de. a) Verbe ou loc. verbale + envers qqn.S'engager, s'acquitter envers qqn; remplir un devoir, une obligation envers qqn; agir, se conduire (de telle manière) envers qqn; user de (tel procédé) envers qqn. − [Sentiment, disposition] L'énorme dette que j'ai contractée envers vous qui avez été si bon, si complaisant et affectueux pour moi (Balzac, Corresp.,1837, p. 340).Renée la tenait pour folle, et se défendait mal envers elle d'une certaine aversion (Arland, Ordre,1929, p. 220). − [Conduite, action, comportement] Il redoubla de prévenance et d'attention envers Madame de Serpierre et cinq ou six de ses bonnes amies (Stendhal, L. Leuwen, t. 1, 1835, p. 256).Cette mobilisation forcerait la France à tenir les engagements qu'elle a pris envers la Russie (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 356): 2. Dès ce moment (50), il changea de conduite à l'égard des Gaulois : il fit montre envers eux d'une extrême douceur; il les ménagea pour les tributs au point d'exciter la jalousie de la province.
Michelet, Hist. romaine,t. 2, 1831, p. 250. − [Action morale (dans certains cas, l'action portant atteinte à la pers. morale, envers est synon. de contre)] Commettre un crime, une injustice envers qqn; j'ai des torts envers vous. Dieu me fit la grâce de comprendre combien je péchais envers lui, envers mes enfants, envers mon mari, reprit Mmede Rênal (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 218): 3. Lord Londonderry n'était pas homme à se repentir d'avoir péché contre l'humanité, dont il ne se souciait guère, ni envers les lumières du siècle, pour lesquelles il avait un profond mépris : la folie était entrée par les femmes dans la famille Castlereagh.
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 3, 1848, p. 122. SYNT. Avoir, manifester, garder (telle attitude) envers qqn; commettre une faute envers qqn. b) Adj. (ou loc. verbale avec adj.) + envers qqn.Être quitte envers qqn. Synon. avec, pour, à (non permutables dans tous les cas).Monsieur de Lessay était brusque avec les hommes et courtois envers les dames (France, Bonnard,1881, p. 389).Sois patient et doux envers toi-même. Il est infiniment probable que Dieu ne fera rien de ce que tu rêves. Il fera mieux (Bloy, Journal,1902, p. 138): 4. Ces heurts n'étaient jamais vulgaires : car Christophe avait le respect de Françoise. Et Françoise, qui pouvait être cruelle, était bonne pour ceux qui étaient bons envers elle; pour rien au monde, elle n'eût voulu leur faire de mal.
Rolland, Jean-Christophe,Les Amies, 1910, p. 1178. SYNT. (Être, se montrer) attentif, attentionné, bienveillant, compatissant, cruel, dévoué, dur, exigeant, froid, généreux, indifférent, indulgent, injuste, poli, sévère, traître envers qqn. c) Subst. + envers qqn
α) [Sentiment (souvent exprimé par un adj. substantivé) que l'on porte à qqn] Complaisance envers soi-même; sincérité envers soi-même, envers les autres; cruauté, dureté, reconnaissance envers qqn : 5. Et, exhalant le mépris de la patricienne pour le plébéien, la haine de Jacob contre Edom, elle lui reprocha son indifférence aux outrages, sa mollesse envers les Pharisiens qui le trahissaient, sa lâcheté pour le peuple qui la détestait.
Flaubert, Hérodias,1877, p. 152. − [Avec un subst. coll.] Dubois et la politique de complaisance envers l'Angleterre (Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 273).
β) [Attitude, position, comportement que l'on a visà-vis de qqn] (Manque d') égards, (de) délicatesse, réserve, tact envers qqn, l'un envers l'autre : 6. ... l'obéissance du fils envers le père, l'amour qu'il portait à sa mère, c'était de la piété, pietas erga parentes; l'attachement du père pour son enfant, la tendresse de la mère, c'était encore de la piété, pietas erga liberos.
Fustel de Coulanges, La Cité antique,1864, p. 119.
γ) Action morale ou résultat d'une obligation, d'un engagement. Crime, faute, injustice, tort envers qqn; dette, devoir, obligation envers qqn. Il vous sera aisé de pallier votre conduite envers moi, du moins vis-à-vis de ceux qui ne sont pas mes amis (Staël, Lettre. L. de Narbonne,1794, p. 241).Injures et sévices envers un soldat (Sardou, Patrie,1869, I, 1ertabl., 3, p. 22). 2. [Le compl. désigne une entité abstr.] a) Verbe, loc. verbale ou subst. déverbal + envers + subst.Elle sait parfaitement qu'elle a de plus grandes obligations à remplir envers les mille vanités dont se compose la vie (Balzac, Goriot,1835, p. 244): 7. C'est un devoir strict envers notre langue de n'ouvrir les portes sévères de son vocabulaire qu'à des termes nouveaux qui apportent avec eux une idée nouvelle et qui prennent au dépourvu nos propres ressources linguistiques.
Gourmont, Esthétique de la lang. fr.,1899, p. 101. b) Adj. + envers + subst.Traître envers la patrie. Incapable (...) de se montrer servile envers le pouvoir et dur pour le malheur (Staël, Consid. Révol. fr.,t. 2, 1817, p. 225).Il était extrêmement poli envers la religion plutôt que croyant (Stendhal, H. Brulard,t. 1, 1836, p. 120). c) Subst. + envers + subst.Tu es démoralisé par ta précoce rancune envers l'existence (Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 188).Beaucoup profitaient simplement de cette libération envers leur passé d'adulte pour retrouver des joies de collégien (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 166). 3. [Le compl. désigne une chose concr.] Pour ce qui concerne, regarde. Envers la plupart des astres, nos connaissances réelles se réduisent, au fond, à d'exacts dénombrements, sans que nous puissions seulement constater leur figure ou leur grandeur, qui d'ailleurs ne nous importent guère (Comte, Catéch. posit.,1852, p. 113). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃vε:ʀ]. D'apr. Littré l's ne se lie pas, bien qu'il observe que quelques-uns le lient. Ex. envers eux [ɑ
̃vε
ʀø], parfois [ɑ
̃vε
ʀzø]. La prép. est admise ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Fin xes. « dans la direction de, vers (avec mouvement) » (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 293 : Envers Jesum sos olz torned); 2. ca 1100 « à l'égard de, contre (hostilité) » (Roland, éd. J. Bédier, 1222); 3. 1remoitié xiies. « à l'égard de (sans idée d'hostilité) » (Lois Guillaume, éd. J. E. Matzke, § 42); 4. 1642 « auprès de, dans l'esprit de » (Corneille, Polyeucte, V, 6). Composé de la prép. en* et de la prép. vers*. Bbg. Archer (J.). Z. fr. Spr. Lit. 1912, t. 38, pp. 182-183. − Reyelt (R.). Über den Gebrauch und die begriffliche Entwicklung der fr. Präpositionen vers, envers, devers... Göttingen, 1912, 97 p. |