| * Dans l'article "ENTRER,, verbe intrans." ENTRER, verbe intrans. A.− [L'accent est mis sur le changement de lieu] 1. Passer de l'extérieur à l'intérieur. a) [Le suj. désigne un être animé, une chose pouvant se déplacer] Jean entre dans la pièce, dans la chambre, au café, dans la boutique, chez des amis, dans sa voiture, dans son bain, dans l'eau, etc.; le train entre en gare; le bateau entre dans le port : 1. Dans l'humide sol noir, les grosses racines tordues, toute une épaisseur de feuillage qu'il fallait écarter et ouvrir des deux mains : il entra dans cette ombre, il entra dans le bois.
Ramuz, Aimé Pache, peintre vaudois,1911, p. 89. 2. La boule entra dans un alvéole rouge, en ressortit, erra encore, entra dans celui du 9.
Malraux, La Condition humaine,1933, p. 360. ♦ S'engager dans ce qui donne accès. Entrer dans le chemin, dans l'allée, dans la passe; l'eau entre par les fentes; le soleil entre par la fenêtre. ♦ Franchir la frontière d'un pays, les limites d'une région, d'une ville. Nous sommes entrés en Italie; les armées allemandes sont entrées dans Paris : 3. Mais il me semble qu'il faut entrer dans mon pays par le chemin de fer (...) : le train donne l'impression d'une distance plus longue, ignorée surtout; une fois arrivé, on explore le pays comme une terre inconnue.
Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1907, p. 240. ♦ Entrer dans une femme. La pénétrer, la posséder. Soudain il fut couché sur moi, il entra en moi, et il me posséda sans un mot, sans un baiser (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 518). − [Très souvent employé sans compl. prép. de lieu] Marie entre discrètement; entrez; entrez sans frapper; le soleil entre à flots : 4. Et les grandes eaux du dehors, qui voulaient entrer, filtraient çà et là en filets, en gerbes sinistres.
Loti, Mon frère Yves,1883, p. 139. 5. jupiter. − Ouvre à ton époux...
alcmène. − Alors tu penses entrer ainsi, parce que tu es mon époux...
Giraudoux, Amphitryon 38,1929, I, 6, p. 68. ♦ Ne faire qu'entrer et sortir. Ne rester au domicile de quelqu'un, dans une pièce, qu'un moment : 6. ... et puis, mère, n'aie pas peur, c'est moi, je ne fais qu'entrer et sortir, j'ai seulement quelque chose à prendre dans ma chambre...
Ramuz, La Grande peur dans la montagne,1926, p. 212. b) [Le suj. désigne un inanimé quelconque] La clef entre dans la serrure; la malle n'entre pas dans le coffre; le couteau entre dans la gaine. − Entrer dans les chairs. Ces questions lui entraient dans la peau comme des épingles (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Hist. fille ferme, 1881, p. 30).Les sangles lui entrent dans les bras, dans les cuisses (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 753). ♦ Fam. Cela lui entre par une oreille et sort par l'autre. En parlant de quelqu'un qui n'écoute pas ou ne tient pas compte de ce qu'on lui dit. − Qqc. entre dans l'âme, le cœur, l'esprit de qqn. Il ne pouvait entrer dans l'esprit du jeune homme que Larsan eût laissé s'accomplir l'acte qui donnait Mathilde Stangerson à M. Darzac (G. Leroux, Parfum,1908, p. 13): 7. L'atroce désolation de ces espaces sans bornes entra tout à coup comme une lame froide dans mon cœur...
Gracq, Au château d'Argol,1938, p. 170. − Qqc. entre dans qqn. Comme autrefois entraient en moi et devenaient moi les places de village, traversées en voiture, au mois d'avril, le soir, quand les enfants jouent après la soupe (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière]1906, p. 70). Rem. Cette constr. b du verbe dérive probablement de la constr. factitive qqn fait entrer qqc. dans. On fait entrer la gorge de la boîte sur un mandrin spécial (P. Rousset, Trav. pts matér., 1928, p. 114). c) Emploi trans., rare. Le foin coupé tout épandu sans qu'on songe à le tourner et à l'entrer (Giono, Colline,1929, p. 67). − [Dans des constr. avec un compl. marquant que l'action s'applique à une pers.] Ses ongles m'entraient dans la chair leurs tenailles (Dierx, Poèmes,1864, p. 83).Il faudrait un maillet pour lui entrer ça dans le crâne (Zola, Assommoir,1877, p. 670).La mienne [la lame] est plus pointue que la vôtre... et je vais vous l'entrer dans le cœur (Apoll., Casanova,1918, III, p. 1010).Des goulots [de bouteille] se fendaient en longueur et entraient leur biseau dans la main de l'homme (Hamp, Champagne,1909, p. 155). Rem. Les constr. trans. se font avec le verbe rentrer : rentrer les foins, la voiture au garage, la tête dans les épaules, etc. Rentrer est beaucoup plus usuel que entrer dans des constr. signalées supra c : rentrer dans un obstacle, dans qqn « percuter » semblent avoir supplanté entrer dans un obstacle, dans qqn signalés par les dict. s.v. entrer (cf. A. Doppagne, Trois aspects du fr. contemp., Paris, Larousse, 1966, pp. 90-92). 2. Au fig. [Avec maintien du sens local de « pénétrer dans »] a) [Le suj. désigne une pers.] − Devenir, être admis comme membre d'une institution, d'une communauté. Entrer à l'Académie, au Parti, au lycée, au couvent, en sixième, en usine, dans l'Administration, dans la carrière militaire : 8. Tous devaient succéder à leurs pères. Ils entraient dans la vie sans vocation : ils s'engageaient dans l'ornière qu'un grand-père avait tracée, qu'un père avait suivie, sans regarder au-delà.
Martin du Gard, Devenir,1909, p. 121. ♦ Entrer dans une famille. En devenir membre en épousant quelqu'un de cette famille. − S'engager dans un état, une activité. Entrer en religion, dans les ordres, en ménage; entrer au service de qqn. Et Marie continua de jouer avec les petits Justamonde, et de paresser, en attendant qu'elle eût l'âge d'entrer en apprentissage (R. Bazin, Blé,1907, p. 74). ♦ Entrer + subst. fonctionnant comme attribut du suj.J'entrai apprenti parmi les charpentiers de la grande coignée (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 121).Alors, il paraît que tu veux entrer professeur, à ce que dit ta mère (Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 188). − Donner son adhésion aux idées de quelqu'un, sympathiser avec quelqu'un. Entrer dans les vues de qqn, les sentiments de qqn. Quand un poète me lit ses vers, je puis m'intéresser assez à lui pour entrer dans sa pensée, m'insérer dans ses sentiments (Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 210).Descartes s'aperçut qu'Élisabeth était hantée (par l'idée) d'un trône, et il entra dans ses vues (Barrès, Cahiers,t. 14, 1923, p. 235).Commencer à se familiariser avec un personnage, à entrer dans ses soucis, dans son petit univers (Romains, Hommes bonne vol.,1932, p. XVII). − Pénétrer comme par force, s'engager en forçant des obstacles. M. Rambaud avait fini par entrer dans l'intimité des Deberle (Zola, Page amour,1878, p. 884).Alors, il entra dans la voie terrible des usures (Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, p. 78).Les musiciens professionnels (...) n'entrent jamais dans le secret de l'art d'un Beethoven, chez qui le fond psychique imprègne toujours la forme (Rolland, Beeth.,t. 1, 1937, p. 272). b) [Le suj. désigne un inanimé] Intervenir dans, jouer un rôle dans : 9. Ce rire-là ne fait rien à l'affaire, ne doit pas entrer dans notre analyse...
Stendhal, Racine et Shakspeare,t. 1, 1823, p. 30. ♦ [Avec un suj. impers.] Cela n'entre pour rien dans ma décision : 10. ... cela entrait dans mes habitudes d'enfant d'aller ainsi travailler ou faire ma correspondance en plein air...
Loti, Le Roman d'un enfant,1890, p. 304. 11. Je m'étais bien toujours « douté que » tu voulais faire quelque chose de « pas ordinaire » où il entrerait de la musique et de la philo.
Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1905, p. 44. ♦ Entrer comme élément dans. L'ombre entrait comme élément dans cette lumière fantôme (Hugo, Travaill. mer,1866, p. 315). ♦ Entrer dans la composition de, dans la genèse de. Quant aux substances qui entrent dans la composition du verre, ce sont uniquement du sable, de la craie et de la soude (Verne, Île myst.,1874, p. 284).On est contraint de faire appel à des éléments qui entrent nécessairement dans la genèse de tout acte (Gaultier, Bovarysme,1902, p. 158). ♦ (Faire) entrer en (ligne de) compte. Les deux « stimuli » ne se distinguent vraiment que si l'on fait entrer en compte leur valeur affective ou leur sens biologique (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception,1945, p. 142). ♦ Entrer dans le cadre de. Être contenu dans. Les réalités que nous avons appelées les mécanismes proprement dits ne peuvent déjà entrer dans le cadre d'un tel conceptualisme (Ruyer, Esq. philos. struct.,1930, p. 83). B.− [L'accent est mis sur le commencement d'un procès ou d'un état] Commencer. 1. [Le suj. est ordinairement une pers., un collectif de l'animé] − [Le compl. exprime l'état physique ou psychol. d'une pers.] Entrer en agonie, en convalescence, en fureur, en rage, en transe(s); entrer dans une colère noire, dans une rage folle, dans une rêverie profonde : 12. Dès les premiers mots, la vertueuse dame entra dans une colère rouge contre Marius...
Theuriet, Le Mariage de Gérard,1875, p. 204. − [Le compl. exprime une action milit., une oppos.] Entrer en campagne, en conflit, en concurrence, en guerre, en lutte, en révolte, etc. Aussi firent-ils entrer en ligne des troupes fraîches (Zola, Débâcle,1892, p. 289). − [Le compl. exprime un acte de commun.] Entrer en communication, en conversation, en correspondance, en pourparlers, en rapport(s), en relation(s), etc.; [Le compl. exprime le début d'une situation juridique : ] entrer en jouissance de, en possession de. − [Le compl. exprime un procès qui dure] Puis, les coudes sur la table, elle entrait dans des calculs compliqués (Zola, Joie de vivre,1884, p. 929).Il entrera dans une guérilla sans fin (Malraux, Espoir,1937, p. 855). ♦ Entrer dans le vif du sujet. Aborder le plus difficile, le plus important d'un sujet : 13. Petit à petit, les pages s'ajoutent aux pages, et ces détails, ces attrayants souvenirs de famille s'épuisent. Encore quelques paragraphes, et ils seront achevés, et nous entrerons dans le vif du sujet, si ce mot n'est pas exagéré quand il s'agit d'un mort.
Léautaud, In memoriam,1905, p. 203. − [Le compl. exprime un espace de temps] Elle entrait dans sa quinzième année quand on la maria (Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 44). 2. [Le suj. est indifféremment de l'animé ou de l'inanimé] Entrer en action, en fonction(s), en conflit, en exercice, en service. Soudain, je m'apercevais que l'imagination entrait en danse (Duhamel, Confess. min.,1920, p. 89).Chez moi dès que l'esprit intervient le cœur entre aussitôt en jeu (Du Bos, Journal,1927, p. 292).Aristote lui-même (...) n'allait entrer en scène qu'au XIIIesiècle (Gilson, Espr. philos. médiév.,1932, p. 65): 14. Quant à moi, toutes mes idées s'envolent et je suis tout de suite vaincu quand je vois les passions et les intérêts entrer dans la lice.
Hugo, Corresp.,1824, p. 397. ♦ Entrer dans une phase de. Fernand entrait alors dans cette phase fébrile qui suit presque toujours l'évanouissement causé par une blessure (Ponson du Terr., Rocambole,t. 2, 1859, p. 147). 3. [Le suj. est gén. un subst. de l'inanimé] Entrer en circulation, en ébullition, en fusion, en mouvement, en vigueur, etc. La propriété dont jouit la quinine, d'entrer en combinaison avec les acides à la manière d'une base salifiable (Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 175). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃tʀe], (j')entre [ɑ
̃:tʀ
̥]. Enq. : /ãtʀ/ (il) entre. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. Trans. 1. a) 2emoitié xes. « venir dans, pénétrer » (St Léger, éd. J. Linskill, 141); b) 2emoitié xes. « se placer dans, devenir membre de (ici, un monastère) » (ibid., 66); c) 1605 « entrer dans la composition de, faire partie de » (Montchrestien, Hector, éd. Petit de Julleville, Tragédies, p. 57 ds IGLF); d) 1662 « prendre part à, partager (des projets, un dessein, une opinion) » (La Rochefoucault, Mémoires, éd. Ad. Régnier, t. 2, p. 163); 2. a) ca 1100 « aborder, entamer » (Roland, éd. J. Bédier, 660 : Pois est munted, entret en son veiage); b) ca 1165 au fig. « venir en l'état de, se mettre dans » ([Chr. de Troyes], Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 2556 : S'entre en un si tres grant penser); c) ca 1275 entrer en matière (Adenet Le Roi, Enfances Ogier, éd. A. Henry, 53); 3. ca 1119 a. fr. « commencer (temporel) » (Ph. de Thaon, Comput, 2924 ds T.-L.). B. Trans. xiiies. « faire entrer » (Renart, I, 2926 ms. A d'apr. G. Tilander, Lexique du Roman de Renart, 64), attest. isolée; 1615 (A. de Montchrétien, Traicté, 205 ds Kuhn, p. 31 : On les a entrées au Royaume). Du lat. class. intrare « entrer, pénétrer » au propre et au figuré. Fréq. abs. littér. : 32 919. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 42 747, b) 55 735; xxes. : a) 48 464, b) 44 508. DÉR. Entrance, subst. fém.,vx et région. a) Synon. de entrée (cf. entrée II).Vous donnerez un coup d'œil à la masure et regarderez bien les alentours, afin de pouvoir renseigner votre ami; et même il fera bien d'y venir secrètement la nuit prochaine pour connaître et les chemins et les entrances (Sand, Beaux MM. Bois-Doré,t. 2, 1858, p. 35).Ah! mon cousin, c'est fort bien fait de fortifier ses entrances, mais c'est fort mal commode lorsqu'il s'agit de rentrer chez soi (Sand, Beaux MM. Bois-Doré,t. 2, 1858p. 163).b) Synon. de entrée (cf. entrée I B).Commencement, début. Pris du délire sacré il [Morel] joue, il compose les premières mesures. Alors épuisé par un pareil effort d'entrance, il s'affaisse (Proust, Sodome,1922, p. 1010).− 1resattest. début xives. (Chanson, ms. Richel. 765, fo55 vods Gdf. : Cuer qui doit faire entrance de courtoisie fait oir jolif de douce acointance), 1465 « droit d'entrée » (Comptes du Roi René, p. 225, Lecoy, ibid.), attest. isolées, 1853 « entrée, lieu où l'on entre » (Sand, Maîtres sonneurs, p. 368); de entrer, suff. -ance*; dans certaines accept., peut-être empr. à l'angl. plus courant entrance issu de l'a. fr. BBG. − Ac. (L') des sc. prend de nouv. décisions rel. au lang. sc. Déf. Lang. fr. 1970, no55, p. 25. − Termes techn. fr. Paris, 1972, p. 53. |