| ENTRAILLES, subst. fém. plur. A.− 1. Ensemble des organes contenus dans l'abdomen et dans la cage thoracique de l'homme et des animaux. Ils [les paysans] font bouillir ses entrailles [de la taupe tuée] dans du vin et en composent un remède contre l'épilepsie (Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 230): 1. On fit l'autopsie du dernier mort sans rien trouver. Les entrailles envoyées à Paris furent analysées et ne révélèrent la présence d'aucune substance toxique.
Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Moiron, 1887, p. 1145. − Spécialement ♦ ANTIQ. Consulter, examiner, interroger les entrailles des victimes (Ac. 1932). ♦ ART CULIN. Abats. On le [le « garum »] tirait par expression des entrailles marinées du scombre ou maquereau (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 92). − Vieilli. Viscères abdominaux et en partic. intestins. Douleurs d'entrailles; avoir, mourir d'une inflammation d'entrailles (cf. Sand, Mauprat, 1837, p. 371). Des maux d'entrailles se déclarèrent (Flaub., Bouvard,t. 1, 1880, p. 35): 2. Il fit encore quelques pas en avant et courbé en deux, les tempes glacées, ouvrit la bouche pour vomir. Ses entrailles en révolte se soulevèrent d'un coup.
Green, Moïra,1950, p. 43. − Poét. L'estomac, le ventre (considéré comme le siège de la faim). Entendre crier ses entrailles. C'est comme la faim naturelle qui vous prend aux entrailles. On laisse tout en place pour aller se mettre à table (Claudel, Soulier,1944, 4ejournée, 8, p. 907). ♦ Par brachylogie. Contenu de l'estomac : 3. Pendant la traversée, où mollement étendus dans l'entrepont, nous saurons distraire les nautonniers de Calais en expectorant, sous leurs yeux, nos entrailles, si nous daignons jouir du mal de mer.
Villiers de L'Isle-Adam, Corresp.,1879, p. 265. 2. Littér. Les organes de la gestation. Écouter le tressaillement de ses entrailles. Un désespoir obstiné de mère, qui achève de mettre au jour l'enfant mal venu de ses entrailles (Zola, Joie de vivre,1884, p. 1102).Madeleine confirma mes soupçons : les bébés se forment dans les entrailles de leur mère (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 86). − [P. allus. à l'Évangile St Luc I, 42-43] Fruit des entrailles. Enfant considéré par rapport à la mère. Et Jésus le fruit de vos entrailles est béni (Péguy, Myst. charité,1910, p. 7). − P. méton., vx. Les enfants : 4. Ses dix-sept ans mutins et maigres,
...
Captivèrent mon cœur et dictèrent mon choix
De lui pour fils, puisque, mon vrai fils, mes entrailles
On me le cache en manière de représailles.
Verlaine,
Œuvres complètes,t. 2, Amour, 1888, p. 99. B.− P. anal. [En parlant d'une chose] Partie la plus profonde. Les entrailles de la terre, du sol; les entrailles d'un bateau, d'une maison. Autour de la bombe, on voit pêle-mêle des briques brisées, des moellons, des plâtras, les entrailles de la voûte (Hugo, Rhin,1842, p. 44). − Littér. Partie essentielle et intime. Leurs œuvres [des grands écrivains] sont (...) les entrailles même de l'esprit humain (Chateaubr., Litt. angl.,t. 1, 1836, p. 278): 5. L'un [Hugo] commence par le détail, l'autre [Delacroix] par l'intelligence intime du sujet; d'où il arrive que celui-ci n'en prend que la peau, et que l'autre en arrache les entrailles.
Baudelaire, Curiosités esthétiques,1867, p. 76. C.− Au fig., littér. [En parlant d'une pers.] Partie profonde de l'être sensible, siège des émotions et des sentiments. Être ému jusqu'au fond des entrailles; prendre qqn aux entrailles. Belette elle-même (...) sentait ses entrailles tordues par la haine de l'ennemi héréditaire (Aymé, Vouivre,1943, p. 26). ♦ Avoir des entrailles. Être sensible. N'avoir pas d'entrailles, avoir des entrailles de fer. Être impitoyable. L'amour, voyez-vous, c'est dur, ça n'a pas d'entrailles, ça pourrait même rire de tout, comme une tête de mort (Bernanos, Joie,1929, p. 618): 6. − À vous entendre, clama-t-il amèrement, on pourrait croire que je ne l'aime pas, cet enfant; on pourrait croire que je n'ai pas d'entrailles, que je suis une brute et un bourreau.
Duhamel, Chronique des Pasquier,La Passion de Joseph Pasquier, 1945, p. 175. ♦ Avoir des entrailles (de père, de mère) pour qqn ou qqc. Aimer profondément. Annah est ma filleule : j'avais pour elle des entrailles de mère (Nodier, Fée Miettes,1831, p. 118).Il n'y a que moi qui, dans le roman peuple, ait eu de la tendresse, des entrailles pour la canaille (Goncourt, Journal,1879, p. 16). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃tʀ
ɑ:j]. [ɑ] post. dans la majorité des dict., mais [a] ant. ds DG et Dub. (cf. aille). Enq. : /ãtʀaj, (D)/. Le mot est admis ds Ac. 1694-1932. La docum. donne des ex. du mot employé au sing. (cf. Claudel, Art poét., 1907, p. 126; Barrès, Cahiers, t. 11, 1917-18, p. 372; Claudel, Poète regarde Croix, 1938, p. 213; Id., Guerre de 30 ans, 1945, p. 563). Étymol. et Hist. 1. 1remoitié xiies. fig. « partie la plus profonde (de l'être) » (Psautier Cambridge, éd. Fr. Michel, 102, 1, p. 185); 2. id. plur. entrailles « ensemble des organes abdominaux » (ibid., 108, 19, p. 206). Du lat. vulg. intralia (viiies. Gloss. Reichenau, éd. A. Labhardt, p. 197, 1691), issu par substitution de suff. du subst. plur. neutre interanea « les intestins » (d'où l'a. fr. entraigne « id. » xiies. A. de Paris, Alexandre, II, 956 ds Elliott Monographs, t. 2, p. 95) de l'adj. interaneus « intérieur, intestinal », dér. de inter « au milieu de » (entre*). Fréq. abs. littér. : 1 362. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 237, b) 2 905; xxes. : a) 1 993, b) 1 127. |