| ENTORSE, subst. fém. A.− MÉD. et usuel. Lésion traumatique articulaire due à la distorsion brutale d'une articulation (sans qu'il y ait déplacement durable des surfaces articulaires) et qui s'accompagne d'une élongation ou d'un arrachement ligamentaire. Entorse simple; entorse au genou; se faire une entorse. Madame Grandet vient de se donner une entorse (Stendhal, L. Leuwen,t. 3, 1835, p. 404).Sa cheville toute disloquée par les entorses (Céline, Mort à crédit,1936, p. 348): 1. Wimbledon (...), c'est le lieu où le tennis prend une autre dimension. (...) Tous les faits et gestes des joueurs et des joueuses sont relatés avec force détails : une entorse, une foulure, une chute (...) prennent plus d'importance au sommaire des journaux qu'une crise politique...
Jeux et sp.,1967, p. 1379. SYNT. Entorse au pied, au poignet, au pouce; entorse compliquée, éclatée; avoir, prendre une entorse; souffrir d'une entorse; se faire une entorse; remettre une entorse. B.− Au fig. 1. Donner une entorse à qqn. Lui faire du tort. Cet homme se croyait bien établi dans son poste, mais on lui a donné une rude, une terrible entorse (Ac.1835, 1878). − Donner une entorse à un texte. L'altérer, en dévier le sens. Je ne vois pas encore une fois que tous les efforts qu'on a faits pour changer le texte et lui donner, à vrai dire, une entorse, aient abouti à rien de plus satisfaisant que ce premier sens tout naturel de l'ancienne version (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 11, 1863-69, p. 191). 2. [En parlant de ce qui règle, légifère la conduite d'une pers., d'un groupe ou d'une société] Action de détourner, de contourner (une règle, une loi, etc.) en y manquant ou en les faussant. Donner une entorse à la vérité; se permettre des entorses aux règlements; faire une entorse à ses principes. Un homme qui ne doit rien à l'intrigue, à la combinaison, à l'entorse et à la violence (Arnoux, Crimes innoc.,1952, p. 155).Apollinaire, coupable [dans les Mamelles de Tiresias] d'une entorse au dogme cubiste (Cocteau, Poés. crit. I,1959, p. 94): 2. Après tout le père n'avait pas commis un crime. Simplement il s'était caché de sa famille pour faire une entorse au régime végétarien.
Aymé, Le Bœuf clandestin,1939, p. 34. − [En parlant d'un raisonnement] Pourquoi imiter Tacite? On y parvient pendant quelques pages; il y a un tour, un procédé, une entorse vigoureuse de pensée qu'il s'agit de saisir (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 8, 1863-69, p. 229).Relu mon journal d'hier. De pauvres paradoxes d'écolier (on voit même très bien l'endroit où je donne au raisonnement l'entorse nécessaire) (Larbaud, Barnabooth,1913, p. 121). Rem. Selon Dupré 1972, ,,on entend couramment dire : (...) Il a fait une entorse à la vérité. Cet emploi de faire est à proscrire pour le sens figuré. Au propre et au figuré le bon usage exige donner``. Cf. cependant ex. 2 supra, ou encore : Bah! Si votre meilleur ami venait vous demander de faire une entorse à vos principes (Duhamel, Passion J. Pasquier, 1945, p. 84). Prononc. et Orth. : [ãtɔ
ʀs]. Enq. : /ãtoʀs/. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1543 « dommage » (Amadis, IV, 25 ds Hug.); 1555 « torsion » (Peletier du Mans, Vers lyriques, L'Hyver, p. 95, ibid.); 1564 jambe entorce; entorce subst. « distension des muscles » (Thierry). Forme fém. substantivée de entors part. passé de l'a. fr. entordre « tordre » (xiies. ds T.-L.), formé sur le part. passé *intorsus du lat. class. intorquēre « tordre » devenu *intorquĕre; cf. *torsus part. passé de torquēre (class. tortus), v. trousser. Fréq. abs. littér. : 75. Bbg. Rog. 1965, p. 110. |