| ENTHOUSIASTE, adj. et subst. I.− Emploi adj. A.− [En parlant d'une pers.] 1. Emploi abs. − Qui est possédé, fortement inspiré par l'enthousiasme religieux ou l'enthousiasme poétique. Hoffmann, dans la frénésie nerveuse de l'artiste enthousiaste (Nodier, Smarra,1821, p. II).Comme son âme enthousiaste, ivre d'inspiration, reculerait d'horreur, devant ma façon de travailler! Il est le poète lyrique dans tout son admirable épanchement (Mallarmé, Corresp.,1864, p. 104): 1. Chose étrange ou naturelle, jamais je ne fus plus religieuse, plus enthousiaste, plus absorbée en Dieu qu'au milieu de ce relâchement absolu de ma ferveur pour le culte.
Sand, Histoire de ma vie,t. 3, 1855, p. 329. − Qui est naturellement porté à l'enthousiasme, est prompt à se prendre d'admiration ou de passion. Homme, jeunesse, nature enthousiaste. La comtesse, qui portait en toutes choses son caractère enthousiaste (Stendhal, Chartreuse,1839, p. 13).− Il est nécessaire de trouver un jeune homme enthousiaste, ardent, un peu toqué (Ponson du Terr., Rocambole,t. 4, 1859, p. 332): 2. À quoi ce charme tenait-il? C'est peut-être qu'il ne faisait jamais de son être tout l'emploi qu'il en eût pu faire, exalté mais timide, violent mais paresseux, enthousiaste mais indolent, ...
Guéhenno, Jean-Jacques,1948, Préf., p. 38. − [L'objet de l'enthousiasme non explicitement formulé ressort du contexte] Cf. infra 2 déf.Un auditeur enthousiaste; la foule, le public enthousiaste. Ici la scène va changer, je le sens. On a pu me trouver jusqu'à présent un admirateur enthousiaste : bientôt peut-être je vais paraître un contempteur téméraire (Destutt de Tr., Idéol., 3, 1805, p. 78).L'agrégé était en admiration. Gaspard exultait. Il était redevenu ardent, enthousiaste, la proie d'une idée (Benjamin, Gaspard,1915, p. 121). 2. [Suivi d'un compl. introduit par de exprimant l'objet de l'enthousiasme] Qui éprouve une admiration passionnée, un goût très vif pour quelque chose ou quelqu'un. Enthousiaste de la liberté, des principes. Un marin anglais fort enthousiaste de l'Empereur (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 2, 1823, p. 272).Celui-ci, enthousiaste de grandes choses, se met au travail (Peisson, Parti Liverpool,1932, p. 107). B.− [En parlant d'une chose] Qui est marqué ou suscité par l'enthousiasme, qui exprime l'enthousiasme. Accueil, éloge enthousiaste; adhésion, passion, piété enthousiaste; applaudissements, assentiments, cris enthousiastes. Voilà ce qui donne à cette époque ce caractère d'exaltation, de profondeur enthousiaste et de fanatisme poétique qui n'appartient qu'à elle (Quinet, All. et Ital.,1836, p. 14).L'admiration enthousiaste et comme frénétique dont tous les jeunes ont été saisis (Sainte-Beuve, Cahiers,1869, p. 133): 3. Il y a, dans l'obéissance, quand elle est libre et enthousiaste, une sorte d'ivresse, d'élan, de don. Cela fait du bien. Cela rassure. Cela réchauffe le cœur.
Duhamel, Chronique des Pasquier,La Nuit de la Saint-Jean, 1935, p. 57. II.− Emploi subst., souvent péj. ou iron. A.− [Sans compl. prép.] 1. Personne qui se considère ou est considérée comme inspirée par la Divinité. Ces pratiques, plus propres à faire des enthousiastes que de vrais dévots (Voy. Pérouse,t. 2, 1797, p. 348): 4. L'effectivité enchanteresse, qui nous donne d'exister, guérit pour un instant notre incurable maladie métaphysique et fait de la créature un créateur. Aussi Plotin décèle-t-il chez les enthousiastes et les inspirés la présence d'une sorte de transcendance immanente; ...
Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 103. − Spéc., HIST. RELIG. Membres de diverses sectes religieuses (anabaptistes, quakers, etc.) se déclarant personnellement inspirés par Dieu, en particulier dans l'interprétation des Écritures. Il [Cromwell] tenta de faire un parlement avec les enthousiastes religieux, avec les républicains, avec les presbytériens, avec les officiers de l'armée (Guizot, Hist. civilisation,leçon 13, 1828, p. 25). 2. Personne prompte à s'enthousiasmer, à s'exalter, à se prendre d'admiration ou de passion. C'est une femme extraordinaire, une grande artiste lyrique, et une enthousiaste de chaque instant (Renard, Journal,1897, p. 380): 5. Tout enthousiaste contient un faux enthousiaste; tout amoureux contient un feint amoureux; tout homme de génie contient un faux homme de génie...
Valéry, Suite,1934, p. 77. 3. [L'objet de l'enthousiasme est implicite] Cf. infra B déf.Chanzy, battu, fiévreux, sublime, maintenant autour de lui un petit groupe d'enthousiastes qui ne dépose pas les armes (Maurois, Dialog. commandement,1924, p. 14). B.− [Suivi d'un compl. introduit par de exprimant l'objet de l'enthousiasme] Admirateur, partisan passionné, voire fanatique de quelque chose ou de quelqu'un. Ces enthousiastes et dévotes de Gœthe (Sainte-Beuve, Portr. femmes,1844, p. 357): 6. Philosophe, philanthrope, ami du progrès et de la civilisation, enthousiaste de la culture de la pomme de terre et de l'émancipation des nègres, il déclarait sans cesse que tous les hommes sont égaux, mais il eût été bien étonné, pourtant si son épicier ne l'eût pas salué le premier lorsqu'il passait devant sa boutique; ...
Flaubert, La Première Éducation sentimentale,1845, p. 182. Rem. 1. Les dict. (Littré, Guérin 1892, Lar. 19eSuppl. 1878-Lar. 20e, Quillet 1965) attestent enthousiastement, adv. D'une manière enthousiaste, avec enthousiasme. Blaireau appartenait à cette classe d'êtres difficilement catégorisables et qui semblent, d'ailleurs, ne pas tenir enthousiastement à occuper une case déterminée sur le damier social (Allais, L'Affaire Blaireau, 1899, p. 21 ds Rob. Suppl. 1970). 2. On rencontre ds la docum. enthousiastique, adj. [Appliqué à une chose abstr.] Qui est marqué par l'enthousiasme. L'harmonie enthousiastique qu'on trouve dans son style (Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p. 111). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃tuzjast]. Ds Ac. 1718-1932. Étymol. et Hist. 1. 1544 subst. « qui se dit inspiré par la divinité » (Mathée, Theodorite ds Delb. Rec. ds DG); 2. av. 1784 id. « qui manifeste une admiration excessive » (Diderot, Obs. sur la sculpt., Œuvres, t. XV, p. 314 ds Littré); 1786 adj. « id. » (Staël, Lettres jeun., p. 67). Empr. au gr. tardif
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ς (IIes. apr. J. C. ds Liddell-scott), formé sur le rad. de ε
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ς, v. enthousiasme. Fréq. abs. littér. : 734. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 852, b) 1 293; xxes. : a) 1 314, b) 910. Bbg. Gohin 1903, p. 232. − Lutaud (O.). Translation, traduction, tradition... In : COLLOQUE DU CENTRE DE LEXICOLOGIE POLITIQUE. 1968. 26-28 avr. Saint-Cloud. Cah. Lexicol. 1968, t. 13, p. 57. |