| ENTERRER, verbe trans. I. A.− Mettre sous la terre, dans la terre. 1. [Le compl. désigne une chose] Enterrer un trésor, une conduite d'eau. Enterrer des oignons de tulipe (Ac.). Synon. enfouir.Ordre d'enterrer les armes, dit-il (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 325).Moi je résiste au vent et j'enterre la semence (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 515): 1. On se remit sérieusement aux paquets. On enterrait tout ce qu'on ne pouvait prendre. On faisait dans le jardin des trous.
Van der Meersch, Invasion 14,1936, p. 393. − [+ compl. de lieu] Un camarade prétendait qu'il avait enterré des carnets sous un arbre (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 27). 2. [Le compl. désigne un cadavre] Enterrer un mort, un cadavre. Synon. inhumer. ♦ Enterrer un animal. Et l'on sait que la terre tremble neuf jours là où l'on a enterré une bête morte de la rage (Pourrat, Gaspard,1930, p. 259).Je sais que les bûcherons étrangers qui l'occupent enterrent leurs chevaux (Mauriac, Journal occup.,1944, p. 343).Le limier enterré, je revins sur la véranda (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 358). − Spéc. Porter et mettre en terre le corps d'un homme mort. Enterrer dans un cimetière. Claude expirait, privée des secours de la religion, et on refusa de l'enterrer en terre chrétienne (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 36): 2. Tous crurent que l'enfant était mort de mort naturelle et que la mère l'avait enterré de ses propres mains.
Cocteau, La Machine infernale,1945, III, p. 118. ♦ P. ext. Mettre dans une sépulture. On l'a enterré sous la chapelle, dans un immense caveau (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 200). − P. méton. Faire mourir (quelqu'un) en (le) mettant en terre. Enterrer vif, vivant. On crut détourner ce malheur en enterrant tout vifs deux Gaulois (Michelet, Hist. romaine,t. 1, 1831, p. 199).[Elles] portent en elles jusqu'à leur dernier jour la peur d'être enterrées vivantes (J. Bousquet, Trad. du silence,1935-36, p. 97). ♦ Loc. [En parlant d'un médecin malhabile] Il enterre tous ses malades. Il les laisse ou les fait mourir. − Organiser les cérémonies funèbres, y participer. Enterrer civilement, religieusement, chrétiennement, décemment; enterrer selon les rites. Le désir d'être enterrée religieusement (Camus, Étranger,1942, p. 1127). ♦ P. ext. et ironiquement. Enterrer qqn.Voir sa mort, son enterrement, lui survivre. Des coquins qui m'enterrent (Montherl., Reine morte,1942, II, 1ertabl., 3, p. 181): 3. ... il [le duc de Guermantes] cria (...) à Swann qui était déjà dans la cour : « Et puis vous, ne vous laissez pas frapper par ces bêtises des médecins, que diable! Ce sont des ânes. Vous vous portez comme le Pont-Neuf. Vous nous enterrerez tous! »
Proust, Le Côté de Guermantes 2,1921, p. 597. 3. P. anal. Faire disparaître sous, dans (quelque chose); cacher à la vue. Au part. passé. Les domaines enterrés dans les arbres (Pourrat, Gaspard,1931, p. 179).Jacques enterré dans un fauteuil fumait une cigarette (Queneau, Loin Rueil,1944, p. 93). 4. P. ext. Recouvrir. Être enterré sous les décombres. Nous découvrons le portail d'entrée caché dans une cour de ferme, au fond d'une tranchée qui l'enterre jusqu'à mi-hauteur des colonnes (T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p. 317): 4. − Couche-toi donc, fourre-toi dans le lit, dit-elle en le renversant et en l'enterrant sous le drap, comme une ordure qu'on ne peut montrer.
Zola, Nana,1880, p. 1463. B.− P. métaph. ou au fig. 1. [Avec un compl. d'obj. désignant une pers. et un compl. de lieu] Faire disparaître (quelqu'un) en (l') éloignant de son entourage, de son milieu de vie (cf. infra II B).Sa femme, lasse de réfréner, dans le morne petit bourg où son mari l'avait enterrée, les instincts violents qui bouillonnaient en elle (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 7). 2. [Avec un compl. désignant une chose, et sans compl. de lieu] Faire disparaitre complètement, mettre un terme à, faire oublier. Enterrer des ambitions, des talents; enterrer une proposition, un projet; enterrer un secret, une affaire. Une fête rouge dont vous n'avez pu enterrer le souvenir (Sartre, Mouches,1943, I, 1, p. 17).Je crois savoir enterrer, le moment venu les vérités dangereuses (Abellio, Pacifiques,1946, p. 171). − Locutions ♦ Enterrer sa vie de garçon. [En parlant d'un jeune homme à la veille de son mariage] Passer joyeusement avec ses amis sa dernière soirée de célibataire. ♦ Enterrer le carnaval. ,,Faire les dernières réjouissances du carnaval`` (Ac.). II.− Emploi pronom. A.− Se cacher, se dissimuler dans, sous (la terre) (cf. supra I A 3).Il est absolument indispensable de ne pas reculer, et pour cela de tenir, en s'enterrant, le terrain sur lequel on se trouve (Gyp, Souv. pte fille,1928, p. 220). − [+ compl. de lieu] Notre victoire les contraignait à s'enterrer dans des tranchées (Joffre, Mém.,t. 1, 1931, p. 426). B.− Au fig. Quitter le monde pour vivre dans une retraite cachée. S'enterrer dans un couvent. C'est ce qui expliquerait qu'il ait tout quitté pour aller s'enterrer en Touraine (Martin du G., Thib.,Épil., 1940, p. 897).C'étaient des gens bien trop distingués pour s'enterrer dans un petit pays comme celui-là (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 227). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃teʀe] ou [ɑ
̃tε
ʀe], (j')enterre [ɑ
̃tε:ʀ]. Enq. : /ãteʀ/ (il) enterre. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Ca 1100 « mettre en terre le corps d'une personne décédée » d'où « assister à cette cérémonie » (Roland, éd. J. Bédier, 2960 : A grant honor pois les unt enterrez). II. 1. Ca 1140 « mettre dans le sol en recouvrant de terre » (Pèlerinage Charlemagne, 543 ds T.-L.); 2. 1680 « obliger à demeurer dans un lieu triste et ennuyeux » (Rich.); 3. 1690 « ensevelir sous un amoncellement » (Fur.). Dér. de terre*; préf. en-*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 840. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 060, b) 1 618; xxes. : a) 1 286, b) 1 025. |