Police de caractères:

Surligner les objets textuels
Colorer les objets :
 
 
 
 
 
 

Entrez une forme

options d'affichagecatégorie :
ENNUI, subst. masc.
A.− Vieilli ou région. Abattement causé par une grave peine, une profonde douleur. Il est tombé dans un ennui et dans une faiblesse qui ont donné frayeur pour sa vie (Maîtres sonneurs) (Vincent, Lang. et style rust. Sand,1916, p. 184).
En partic. Nostalgie, regret de quelqu'un ou quelque chose et, absol., mal du pays. Que l'ennui de toi me prenne (Flaub., Corresp.,1849, p. 95).Il avait l'ennui... Il pleurait tout le temps (Ramuz, Gde peur mont.,1926, p. 86).
[Avec réf. à l'emploi cour. dans la lang. class.; en partic. cf. Racine, Bérénice, I, 4 : Dans l'Orient désert quel devint mon ennui!] :
1. Aussi comprend-on que Françoise avait pu dépérir, les premiers jours, en proie (...) à un mal qu'elle appelait elle-même l'ennui, l'ennui dans ce sens énergique qu'il a chez Corneille ou sous la plume des soldats qui finissent par se suicider parce qu'ils s'« ennuient » trop après leur fiancée, leur village. Proust, Le Côté de Guermantes 1,1920, p. 19.
B.− Moderne
1. Sentiment de lassitude.
a) Sentiment de lassitude coïncidant avec une impression plus ou moins profonde de vide, d'inutilité qui ronge l'âme sans cause précise ou qui est inspiré par des considérations de caractère métaphysique ou moral. Ennui incurable; accablé, rongé d'ennui, languir d'ennui. [Emma] sentait l'ennui plus lourd qui retombait sur elle (Flaub., MmeBovary,t. 1, 1857, p. 73).Je suis l'ennui et la navrance en personne! (Valéry, Corresp. [avec Gide], 1891, p. 125).La promenade est une invention de l'ennui; on promène l'ennui (Alain, Propos,1932, p. 1088):
2. Tout me lasse : je remorque avec peine mon ennui avec mes jours, et je vais partout baîllant ma vie. Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 1, 1848, p. 337.
Rem. 1. Dans ce sens, le mot est souvent associé à abattement, langueur, mélancolie, tristesse. 2. Le mot apparaît avec majuscule pour désigner l'ennui personnifié. C'est l'Ennui! − l'œil chargé d'un pleur involontaire (Baudel., Fl. du Mal, Paris, Gallimard, 1857-61, p. 6).
b) Sentiment de fatigue, de découragement provoqué par l'inaction ou le manque total d'intérêt de quelqu'un ou quelque chose. Ennui mortel, sans nom; air d'ennui; baîller d'ennui. Tout ici respire un ennui mortel! (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 522).Le concert s'acheva dans l'atmosphère d'ennui spéciale à ces sortes d'assemblées (Vogüé, Morts,1899, p. 407).Je reproche à la politique quelle qu'elle soit, l'énorme ennui qu'elle dégage (Green, Journal,1949, p. 314).
SYNT. Ennui écrasant, féroce, profond; geste, impression, moment d'ennui; crever, mourir d'ennui; tromper l'ennui; avec/ sans ennui.
[Avec compl. prép. de désignant ce qui cause l'ennui] L'ennui de transcrire des pièces secrètes (Stendhal, L. Leuwen,t. 2, 1835, p. 260).Ennui de ces longues conversations où rien n'avance (Renard, Journal,1906, p. 1095).
Rem. Dans ce sens, le mot apparaît souvent en assoc. avec dégoût, désœuvrement, fatigue, oisiveté.
2. Sentiment de désagrément, de contrariété, voire d'inquiétude, motivé par une cause extérieure passagère plus ou moins grave. Cause d'ennui; pour comble d'ennui; avoir de l'ennui du côté de qqn ou qqc. Il laisse percer son ennui de ne pouvoir se faire jouer (Goncourt, Journal,1882, p. 208).Je m'en tire assez bien, au grand ennui des Jaubert qui espéraient sournoisement me voir grondée (Colette, Cl. école,1900, p. 150):
3. Avons-nous une destinée? Sommes-nous libres? Quel! ennui de ne pas savoir! Quels ennuis si l'on savait. Renard, Journal,1889, p. 26.
P. méton., au sing. et au plur. Ce qui cause le sentiment de contrariété ou d'inquiétude. Ennui mécanique; ennui d'argent, de chauffage, de santé; être assailli d'ennuis. (Quasi-)synon. accident, anicroche, pépin (fam.).Toujours des ennuis de ménage (Claudel, Corresp.[avec Gide], 1910, p. 125).Elle risquait de créer aux Van Bergen toute sorte d'ennuis et de difficultés (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 88).À cent kilomètres environ d'Hassetché nous eûmes un ennui de voiture (Tharaud, Alerte en Syrie!1937, p. 221).
Avoir des ennuis. Se trouver dans une situation difficile. Quelques-uns de mes confrères qui craignent d'avoir des ennuis à la Libération (Montherl., Demain,1949, II, 3, p. 724).
En partic. Avoir des démêlés avec quelqu'un. MlleEmma Siller a des ennuis avec son propriétaire (Gide, Journal,1911, p. 339).
L'ennui/le seul ennui, c'est que. (Quasi-)synon. le hic, c'est que.Le seul ennui est qu'il va falloir attendre (Zola, DrPascal,1893, p. 222).L'ennui c'est qu'il n'a pas pris l'argent (Claudel, Échange,1954, III, p. 788).
Rem. La docum. atteste ennuyance, subst. fém., lang. pop. région. Synon. de ennui. a) [Correspond à B 1 a] J'ai eu souvent de l'ennuyance, mais plus jamais (...) à partir du moment où cette petite main-là s'est nichée toute tiède dans la mienne (Genevoix, É. Charlebois, 1944, p. 43). b) [Correspond à B 2 b] Personne à qui compter mes ennuyances (Maupass., Contes et nouv., t. 2, R. Prudent, 1886, p. 645).
Prononc. et Orth. : [ɑ ̃nɥi]. Ds Ac. 1694-1932. Jusqu'au xviiies. on prononçait aussi bien [ɑ ̃nɥi], qui n'a prévalu qu'au xixes., que [anɥi]. Cette dernière prononc. est encore cour. dans le Midi de la France (cf. ennemi). La persistance de la nasale dans l'initiale s'explique p. anal. avec des mots du type enfermer, etc. Étymol. et Hist. 1. 1remoitié xiies. « tristesse profonde, chagrin, dégoût » (Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, CXVIII, 28 : Sermeilla la meie aneme pur ennui [prae taedio]); 1658 par affaiblissement « lassitude d'esprit, manque de goût, de plaisir » (Pascal, Pensées, éd. Ph. Sellier, Projet de 1658, IX Divertissement, § 168); 2. 1130-40 « contrariété très forte, tourment » tournera a grant enui (Wace, Conception ND, 448 ds Keller, p. 104b). Déverbal de ennuyer*. Fréq. abs. littér. : 5 415. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 8 008, b) 8 827; xxes. : a) 8 029, b) 6 636. Bbg. Arnold (W.). Ennui, spleen, nausée, tristesse. N. Spr. 1966, t. 15, pp. 159-173. − Bianchini (A.). Le Développement du mot ennui de la Pléiade jusqu'à Pascal. Cultura neolatina. 1952, t. 12, pp. 225-238. − Dumonceaux (P.). Lang. et sensibilité au 17es. Genève, 1975. − Johnston (O.M.). Old French enui, annui, anoi, enoi, ennui, ennuy, applied to persons. Mod. Lang. Notes. 1930, t. 45, pp. 32-34. − Sagnes (G.). L'Ennui ds la litt. fr. de Flaubert à Laforgue. Paris, 1969.