| ENNEMI, IE, subst. Personne qui n'aime pas (quelqu'un, quelque chose) ou personne, chose qui n'est pas aimée (de quelqu'un). Anton. ami.I.− Personne ou collectivité qui est (vis-à-vis d'une autre personne ou collectivité) un objet et/ou un agent de haine, d'actions nuisibles. L'ennemi des lois. Combien de philosophes ont trouvé que le plus cruel ennemi de l'homme était l'homme! (P. Leroux, Humanité,t. 1, 1840, p. 16).La seule estime qui vaille est l'estime d'un ennemi. Et l'estime des amis ne vaut que s'ils dominent leur reconnaissance et leurs remerciements (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 605). A.− Domaine des relations affectives 1. Personne qui éprouve ou suscite de l'inimitié, qui montre ou provoque une attitude inamicale, fortement défavorable et néfaste (par manque d'affinités psychologiques, parti-pris de méchanceté ou motifs particuliers de rancune). Un ennemi redoutable. Richelieu était aussi bon ami qu'ennemi cruel (Balzac, Cous. Pons,1847, p. 215).L'esprit de guerre et de haine est l'état normal de ces malheureux; le missionnaire exige qu'ils pardonnent à leurs ennemis et leur dit d'abord : « La paix soit avec vous » (Coppée, Bonne souffr.,1898, p. 70).Cf. aussi ami ex. 2, amical ex. 8 : 1. Qui dit voisins dit ennemis. Voyez le champ qui touche au mien. C'est celui de l'homme que je hais le plus au monde. Après lui mes pires ennemis sont les gens du village qui grimpe sur l'autre versant de la vallée, au pied de ce bois de bouleaux. Il n'y a dans cette étroite vallée, fermée de toutes parts, que ce village et le mien : ils sont ennemis. Chaque fois que nos gars rencontrent ceux d'en face, ils échangent des injures et des coups.
France, L'Île des pingouins,1908, p. 10. SYNT. a) Ennemi(s) + adj. : ennemi capital, commun, implacable, puissant; ennemis irréconciliables; (être) l'ennemi déclaré/ juré/né de (telle personne). b) Adj. + ennemi(s) : éternel, principal, vieil ennemi de; vrais ennemis de. c) Subst. + prép. + ennemis : haine des ennemis. d) Verbe + (prép.) + ennemi(s) : se déclarer/ devenir l'ennemi de; se faire des ennemis; traiter en ennemi(s). Rem. On rencontre ds la docum. des formules qui évoquent antithétiquement l'expr. les amis de mes amis sont mes amis. Comment voulez-vous que je vous reçoive et que je supporte seulement votre présence, si vous n'êtes pas l'ennemi de mes ennemis? Qui non est mecum, contra me est (Bloy, Journal, 1898, p. 274). − Emploi adj. (et souvent p. réf. à la tragédie de Racine La Thébaïde ou les frères ennemis). Ce n'est pas sans raison que Janus a deux visages. Le monde ne marche que par la haine de frères ennemis! (Renan, Drames philos.,Prêtre Némi, 1885, V, 5, p. 607). 2. Rare. [L'obj. et l'agent de l'inimitié correspondent à la même pers.] L'ennemi invisible; être l'ennemi de soi-même : 2. ... toujours coupées et toujours renaissantes, les racines secrètes de l'amour propre ne peuvent périr. Non qu'il doive non plus traiter son ennemi intérieur avec une sorte de colère et d'âpreté violente; car le sacrifice, loin d'endurcir le cœur, attendrit souvent les sentiments qu'il refoule.
Blondel, L'Action,1893, p. 383. 3. P. anal. a) [L'inimitié a pour obj. ou agent un être spirituel une figure allégorique] Être l'ennemi de Dieu. Le Dieu, source de tout esprit, et qui a la chair pour ennemie, comme le diable est son ennemi (Flaub., Tentation,1849, p. 251).Je dis que la nature est notre ennemie, qu'il faut toujours lutter contre la nature, car elle nous ramène sans cesse à l'animal (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Inutile beauté, 1890, p. 1157). ♦ L'ennemi du genre humain/des hommes ou absol. l'Ennemi. Le diable. L'ennemi du genre humain voyoit en frémissant de rage cette vierge innocente échapper à son pouvoir. Il en accuse Astarté (Chateaubr., Martyrs, t. 2, 1810, p. 190).Que Dieu vous reçoive au nombre de ses élus, (...) vous protège contre les embûches de l'ennemi (Huysmans, Oblat,t. 2, 1903, p. 36). − Emploi adj. Destins ennemis. Le sort ennemi m'assiège et me désole (Chénier, Élégies,1794, p. 153).Cf. aussi ami ex. 134 : 3. ... si ma naissance fut prodigieuse, mon étoile ne le fut pas moins. Tour à tour ennemie et charitable, elle m'accable et me préserve.
Camus, La Dévotion à la croix,1rejournée, 1953, p. 532. b) [L'inimitié a pour obj. ou agent un animal, un élément naturel ou une chose personnifié(e)] Ces redoutables ennemis sont des loups assez hardis pour oser, même en plein jour, attaquer les troupeaux (Dusaulx, Voy. Barège,t. 1, 1796, p. 166).Le froid!... Quel ennemi acharné et terrible (Ponson du Terr., Rocambole,t. 1, 1859, p. 10).L'homme est certainement l'ennemi le plus redoutable de la forêt. (...) Par des prélèvements abusifs et désordonnés il ruine les peuplements dans l'immédiat et en compromet l'avenir (Cochet, Bois,1963, p. 136).Cf. aussi ami ex. 158. − Emploi adj. Aussitôt que l'homme a conscience de lui-même, il se trouve dans un monde étranger, ennemi, dont les lois et les phénomènes semblent en contradiction avec sa propre existence (Cousin, Philos. mod.,t. 1, 1847, p. 5).Ma botte ennemie a réveillé mes cors (Rollinat, Névroses,1883, p. 302): 4. Le jardin, tout à coup ennemi, rebrousse, autour d'une petite fille dégrisée, ses feuilles froides de laurier, dresse ses sabres de yucca et ses chenilles d'araucaria barbelées.
Colette, La Maison de Claudine,1922, p. 38. B.− Domaine des relations amoureuses 1. Personne (généralement femme) qui répond à l'amour par de l'indifférence, des refus, des rigueurs et qui est considérée par l'être aimant comme un adversaire à vaincre ou personne dont l'amour est ressenti par l'être aimé comme une agression, une menace à sa vertu, à son indépendance, à sa prédominance, etc. Une belle ennemie. Qui de nous ne connaît, malgré l'institution du divorce, une foule de mauvais ménages dont les conjoints sont des ennemis? (Le Dantec, Savoir!1920, p. 67): 5. − Parfois (...) tous les enchantements sont vains et l'ennemi pénètre en la place (...).
− C'est que la princesse (...) favorisait l'ennemi de quelque complicité curieuse ou amoureuse, s'ennuyant d'être ainsi recluse...
Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 283. 6. ... jamais vous ne trouverez en moi l'ennemie féminine. Jamais, quoi que vous fassiez, vous ne me verrez retournée contre vous, ni vous faire un reproche. Je suis votre ami. Mais il ne peut plus y avoir en moi, pour vous, que cet ami.
Montherlant, Les Jeunes filles,1936, p. 1001. − Emploi adj. Comme une nation armée et forte désire assurer sa place dans le monde avant de renvoyer ses soldats, la femme veut traiter avec le sexe ennemi avant que l'envahissante lourdeur de la vieillesse vienne lui imposer une pacifique résignation (Maurois, Ariel,1923, p. 139). 2. Personne qui représente une rivalité amoureuse (réelle ou supposée). Ainsi se trouvèrent-elles, dès le premier instant, sur un plan où il n'y avait plus ni rivales ni ennemies, mais deux femmes, que la présence d'un enfant suffisait à lier. Pas une seconde, Laure ne douta que ce petit ne fût le fils de son mari : pas un instant, elle ne ressentit de la haine (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 440). C.− Domaine des relations pol. et idéol.Nous consentons des hécatombes de nos frères, amis, ennemis, à nos idéologies dures et vagues (Arnoux, Calendr. Fl.,1946, p. 309).Cf. aussi ami ex. 84 : 7. On fait des vœux pour les succès du tyran; on s'unit à lui pour repousser l'ennemi étranger; on oublie que le plus dangereux ennemi est celui qui restera pour nous dévorer, que les autres passeront; nous sommes un troupeau de moutons qui nous rallions en ce moment au tigre pour chasser les lions en guerre avec lui, sans penser qu'après s'être servi de nous pour chasser ses ennemis personnels, il tournera contre nous-mêmes ses griffes ensanglantées.
Maine de Biran, Journal,1814, p. 7. 1. Domaine de la pol. intérieure.Personne dont les conceptions idéologiques, les actions politiques s'opposent fortement à celles de telle(s) personne(s), telle institution ou sont considérées comme nocives et devant être combattues. Ennemis politiques; ennemi de l'État, de la patrie, du peuple, de la révolution, du roi. Il n'était point infidèle à la règle qui fait du général l'ennemi naturel et instinctif du préfet qui fait tout dans le pays, tandis que le général n'a à vexer qu'une douzaine d'officiers supérieurs au plus (Stendhal, L. Leuwen,t. 3, 1835, p. 115).Les uns disaient qu'il fallait le fusiller [le roi] sans jugement, comme ennemi de la république et du genre humain; (...) d'autres qu'il méritait d'être guillotiné pour avoir trahi la patrie (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 88): 8. ... quel est l'homme assez généreux ou assez impassible pour sacrifier son repos au désir d'être utile, à celui de servir sa patrie, lorsqu'il voit, en imagination, cette lice remplie d'agresseurs et d'ennemis cachés, prêts à l'attaquer et à le harceler?
Crèvecœur, Voyage dans la Haute Pensylvanie,t. 2, 1801, p. 329. 9. Le système politique chargé de faire vivre la nation contient donc un ennemi de cette nation? Il lui faut vaincre l'ennemi intérieur pour remplir le premier de tous ses devoirs, qui est de repousser l'ennemi du dehors...
Maurras, Kiel et Tanger,1914, p. XCV. ♦ L'ennemi public (numéro un), l'ennemi numéro un. Individu (considéré comme) très dangereux pour l'ordre social. Luc n'était-il pas l'ennemi public, l'étranger venu on ne savait d'où pour corrompre Beauclair, pour y ruiner le commerce, y souffler la guerre civile, en ameutant les ouvriers contre les patrons? (Zola, Travail,t. 1, 1901, p. 278): 10. L'autorité n'est possible qu'à la condition qu'on se taise. Qui parle, sous prétexte qu'il pense, est un ennemi public.
Clemenceau, Vers la réparation,1899, p. 391. P. métaph. On se tournait désormais contre moi, l'ennemi numéro un, contre qui toutes les armes allaient devenir bonnes (H. Bazin, Vipère,1948, p. 177).− Emploi adj. D'anciennes idées, de vieilles méfiances, l'habitude de se considérer comme politiquement ennemis, séparent encore les hommes dont le concours est indispensable pour préserver la France des plus extrêmes calamités (Lamennais, L'Avenir,1831, p. 172).La société entière se partage en deux grands camps ennemis, en deux classes diamétralement opposées : la bourgeoisie et le prolétariat (Univ. écon. et soc.,1960, p. 5011). 2. Domaine de la pol. extérieure.Chez les Anciens, étranger étoit synonyme d'ennemi (Bonald, Législ. primit.,t. 2, 1802, p. 107). a) Emploi subst., gén. au plur. ou au sing. collectif, le plus souvent en emploi abs. (Membre d'une) nation qui est objet et/ou agent d'hostilité, d'attaque armée, d'asservissement matériel et moral vis-à-vis (d'un membre) d'une autre nation (généralement pour des motifs de domination impérialiste et de profit). Ennemi héréditaire; haïr, rejeter, l'ennemi. Les Européens tuent leurs ennemis et les enterrent. Les sauvages tuent leurs ennemis et les mangent (Verne, Enf. cap. Grant,t. 3, 1868, p. 59).Le mieux encore est de frapper sur l'ennemi. Celui qu'on tue ne vous tuera pas (Renan, Drames philos., Prêtre Némi, 1885, III, 3, p. 580).C'est la victoire de la France! L'ennemi allemand vient de capituler devant les armées alliées (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 497): 11. Je t'écris un mot, mon amie, afin que tu ne sois pas inquiète. L'ennemi a perdu la bataille, 40 pièces de canon, 10 drapeaux, 12 000 prisonniers; il a horriblement souffert. J'ai perdu du monde, 1 600 tués, 3 à 4 000 blessés.
Napoléon, Ier, Lettres à Joséphine,1807, p. 131. SYNT. a) Ennemi(s) + adj. : ennemi(s) extérieurs, vaincu(s). b) Subst. + prép. + ennemi(s) : défense, lutte, résistance contre l'ennemi, les ennemis; approche, entreprises, marche, nombre, offensive, poursuite, pression, résistance, retraite de l'ennemi, des ennemis. c) Ennemi + verbe : l'ennemi approche, occupe (un pays, une ville); être entouré d'ennemis. d) Verbe + ennemi(s) : arrêter, attaquer, battre, charger, combattre, contenir, empêcher (de), fuir, poursuivre, rejeter l'ennemi, les ennemis. e) Verbe ou loc. verbale + prép. + ennemi : être face à l'ennemi, être tué à l'ennemi; se livrer/marcher/passer à l'ennemi (au fig. « trahir une cause quelconque »); demeurer/être/livrer/rester/tomber aux mains de l'ennemi; être aux prises/en intelligence avec l'ennemi; se défendre/lutter contre l'ennemi; être en présence de/sous le feu de l'ennemi; travailler pour l'ennemi. ♦ Expr. C'est toujours autant/cela de pris sur l'ennemi. [À propos d'une chose que l'on soustrait à la mainmise de l'ennemi, ou au fig., d'une pers., d'une entité quelconque, considérée comme adversaire] :
12. L'étranger envahit la France,
Et je maudis tous ses succès.
Mais, bien que la douleur honore,
Que servira d'avoir gémi?
Puisqu'ici nous rions encore,
Autant de pris sur l'ennemi
! (...)
Buvons gaîment, buvons encore :
Autant de pris sur l'ennemi!
Béranger, Chansons,t. 1, Ma dernière chanson peut-être, 1829, pp. 100-101. Au fig. (avec une var. adj.). Si les enfants ont l'âme bien faite, la tendresse qu'on leur montre ne leur nuira jamais. Elle les soutiendra plus tard, dans les heures mauvaises. C'est toujours cela de pris sur l'existence ennemie (L. Daudet, A. Daudet,1898, p. 191).b) Emploi adj. Qui est constitué de membres d'une nation objet ou agent d'hostilité pour une autre nation, qui appartient ou se rapporte à ceux-ci. L'artillerie ennemie, les lignes ennemies. Une violente attaque ennemie dans la région de Vaux qui échoua sous nos feux (Bordeaux, Fort de Vaux,1916, p. 287).Que seulement, sur un seul point des lignes, les troupes ennemies fraternisent, et la contagion gagnera aussitôt comme une traînée de poudre! (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 682).Dans les métros et les tramways on lisait : « Taisez-vous, méfiez-vous, les oreilles ennemies vous écoutent » (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 31). SYNT. Armée, avance, bataillons, batteries, canon, cavalerie, détachements, front, mitrailleuses, nations, offensive, pays, peuples, positions, races, rangs, terre, territoire ennemi(e) (s). − P. métaph. Sous chaque mot qu'il [Gide] a écrit se poursuit un travail de sape contre la cité ennemie : celle où la nature est combattue, où l'assouvissement des passions s'appelle le mal (Mauriac, Mém. int.,1959, p. 184): 13. L'île, comme une place forte, lance une sortie à chaque marée basse : elle récupère ses douves, elle pille le camp ennemi...
Queffélec, Un Recteur de l'île de Sein,1944, p. 113. II.− Par affaiblissement A.− Personne qui éprouve, manifeste une antipathie prononcée pour quelqu'un ou quelque chose représentant une valeur ou (plus rarement) personne, chose représentant une valeur et qui suscite une aversion marquée (de la part de quelqu'un). 1. [En parlant d'un certain type de personne, notamment d'un écrivain, d'un artiste et, p. ext., de sa pensée, de son œuvre] Je sentais que ce compagnon méprisait d'une belle ardeur toutes les idées qu'il ne partageait pas, et c'est un plaisir de séduire des ennemis de cette sorte jusqu'à jeter ainsi le désarroi dans leur esprit catégorique (Barrès, Jard. Bérén.,1891, p. 77).Une tolérance générale atténue [aujourd'hui] les rivalités de ces anciens ennemis [les artistes des différentes écoles]; (...) la complexité de la société répond à celle des styles; il y a des admirateurs pour tout (Hourticq, Hist. art,Fr., 1914, p. 439).S'ils [les régimes de dictature] mènent contre la liberté de la presse une lutte sans merci, c'est parce qu'ils voient dans la pensée indépendante leur ennemie peut-être la plus grande et la plus menaçante (Civilis. écr.,1939, p. 4407).Cf. aussi adversaire ex. 12. 2. [En parlant d'une chose] Ennemi de a) [concr.] Adj. Cet autre, partisan du clair-obscur d'école, est ennemi de la teinte plate (Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 130). b) [abstr.] Ennemi de la foi, de la liberté, de la philosophie. L'Ennemi des Lois (ouvrage de Barrès, 1893). Ce Rousseau malheureux par son propre génie (...) Triste ennemi des arts, et célèbre par eux (Michaud, Printemps proscrit,1803, p. 73).Il est positiviste et ennemi acharné du catholicisme (Amiel, Journal,1866, p. 530).Cf. aussi ami ex. 111 et 115. − Emploi adj. Je vois que vous personnellement, vous êtes ennemie du mariage, et que vous pensez qu'il ne faut jamais se marier (Duranty, Malh. H. Gérard,1860, p. 32).Ennemi de la débauche, portant un cœur sentimental qui emplissait ses yeux songeurs et magnifiques, il détestait et méprisait les filles (Pesquidoux, Livre raison,1925, p. 211). B.− P. anal. Chose qui, par sa nature, est en opposition avec une autre chose et peut nuire à celle-ci. 1. [À propos de choses concr.] Les rides, ces redoutables ennemies de la beauté (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 146).On ne peut se figurer avec quelle rage l'eau attaque son ennemi [le brasier] (Hugo, Rhin,1842, p. 150).À côté de la force centripète, se dresse une force antagoniste, une ennemie née : la force centrifuge (Maeterl., Gde loi,1933, p. 77). − Emploi adj. Les couleurs opposées sont souvent moins ennemies que les nuances d'une même couleur (Michelet, Journal,1821, p. 169).Les savants conflits de sons ennemis qui se combattent d'abord pour s'embrasser ensuite (Berlioz, À travers chants,1862, p. 42).Une sombre toison ennemie du peigne (Bloy, Femme pauvre,1897, p. 247). 2. [À propos de choses abstr.] Les catholiques, et j'en ai connu de très-sincères, m'ont crié que, dans ces trois termes, il y en avait un qui tuerait les deux autres. La soif de connaître est suivant eux, l'ennemi et le destructeur impitoyable du besoin de croire et du plaisir d'aimer (Sand, Hist. vie,t. 4, 1855, p. 304).L'ennemi mortel de l'âme, c'est l'usure des jours (Rolland, J.-Chr.,Adolesc., 1905, p. 343).L'Église a (...) fort bien pressenti le redoutable ennemi que devait être pour elle (et devenir de plus en plus) la science (Gide, Feuillets,1937, p. 1287). ♦ Loc. proverbiale. Le mieux est l'ennemi du bien. On gâche une chose assez réussie en voulant l'améliorer. Rem. Attesté ds Ac. 1878, 1932. − Emploi adj. La répression et le mal constituent, au sein de notre société, deux puissances ennemies qui (...) luttent de ruse, et nous condamnent à assister sans fin ni trève aux péripéties de leur combat éternel (L. Blanc, Organ. trav.,1845, p. 26).La terre et le ciel, l'esprit et l'apparence, l'amour et la peine, le temps et l'éternité, ces quatre couples ennemis, vivent, par la magie poétique, dans une miraculeuse concorde (Béguin, Âme romant.,1939, p. 285): 14. Les Anciens se servaient ordinairement du mot vague le plus voisin du mot précis, afin de causer plus de plaisir à l'attention. Ils interdisaient le style ennemi de l'ampleur, les traits vifs qui disent tout, et qui rendent ainsi une longue éloquence impossible.
Joubert, Pensées,t. 1, 1824, p. 402. Rem. Ennemi, ie dans ses emplois comme attribut ou en appos. ne prend une valeur adj. vraiment nette que s'il est précédé d'adv. intensifs ou comparatifs. Mais le plus souvent dans ces emplois, il n'est guère possible de discerner s'il s'agit de l'adj. ou du subst. (cf. ami IV rem. finales). Prononc. et Orth. : [εnmi] ou, p. harmonis. vocalique, [enmi]. Warn. 1968 indique pour le parler très soutenu [enəmi] avec prononc. de l'e intérieur (en situation protonique) qui aurait, normalement, dû disparaître entièrement et dont la présence s'explique par l'orig. non pop. du mot. Pour figurer l'anc. prononc. avec une nasale à l'initiale : [ɑ
̃nəmi] on pouvait écrire ennemi ou annemi, car il y avait identité de son entre en- et an-. Dès le xiiies. il y avait confusion entre ces 2 graph. chez les copistes de Chrestien de Troyes et l'on note encore Les Avantures de Télémaque. Aujourd'hui on écrit de même sans (de sĭnu), dans (de de ĭntus), néant (de ne gente), dimanche (de die domĭnica), etc. (cf. Bourc.-Bourc. 1967, § 61, II). C'est ainsi que l'on rencontre souvent les 2 orth. annemi ou ennemi. Lorsqu'à partir du xvies. se produit la dénasalisation, la tendance est à donner à la voyelle dénasalisée le timbre correspondant à la voyelle choisie pour écrire l'initiale. [ɑ
̃nəmi] devient donc [anəmi] avec la graph. annemi écrite aussi anemi, la 2econsonne nasale n'ayant plus de raison d'exister puisque la nasalité disparaît. Lorsqu'elle est maintenue, c'est par réaction étymol. La prononc. et la graph. [anəmi] an(n)emi n'ont pas prévalu et elles sont considérées comme tout à fait arch. On les rencontre encore dans qq. provinces. [ɑ
̃nəmi] devient [εnmi] ou [enmi] avec la graph. ennemi qui sont la prononc. et la graph. actuelles. Fér. Crit. t. 2 1787 propose d'écrire énemi pour éviter le risque d'une renasalisation et Dupré 1972 met en garde contre la tendance à prononcer [εdmi] par dissimilation. Le mot est admis ds Ac. 1694-1932. Suivent la même évolution : gemme (a. fr. jamme de gemma), étrenne (a. fr. estreinte), géhenne, garenne et le subj. prés. prenne qui a hésité entre [a] et [ε] jusqu'au xviies. (cf. Buben 1935, § 91). Étymol. et Hist. A. 1. Ca 880 « personne qui déteste quelqu'un et cherche à lui nuire » (St Eulalie, 3 ds Henry Chrestomatie, p. 3 : li Deo inimi); 2. 1580 « qui est contraire à quelque chose » ici en emploi adj. (Montaigne, Essais, L. I, chap. 5, éd. A. Thibaudet, p. 45). B. Ca 1100 « celui qui fait la guerre contre quelqu'un » (Chanson de Roland, éd. Bédier, 144). Adaptation du lat. class. inimicus « ennemi particulier » (contraire de amicus p. oppos. à hostis) puis « ennemi public »; en lat. chrét. sert à désigner le démon. Fréq. abs. littér. : 12 826. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 22 793, b) 12 066; xxes. : a) 13 351, b) 20 314. Bbg. Arickx (I.). Les Orthoépistes sur la sellette. Trav. Ling. Gand. 1972, no3, p. 127. − La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 408. |