| ENGUIRLANDER, verbe trans. A.− Entourer (quelqu'un ou quelque chose) d'une ou de plusieurs guirlandes ou à la façon d'une guirlande. 1. [Le suj. désigne une pers.] Enguirlander un autel, une porte (Ac. 1932). Je voudrais, à mon tour, comme les bons orfèvres, Enguirlander la coupe où j'ai trempé mes lèvres (Régnier, Prem. poèmes,Lendemains, 1885, p. 11). − Enguirlander de + subst., désignant la nature de la guirlande.On avait enguirlandé de lierre le fronton de la mairie (Flaub., MmeBovary,t. 1, 1857, p. 151).Les Bacchantes, d'un pampre à l'ample frondaison, Enguirlandent le joug des taureaux qu'on dételle (Heredia, Trophées,1893, p. 25). ♦ Emploi pronom. à sens passif. Au centre de la grande terre il y a un champ, Et celui, qui des éperons jusqu'au cimier S'enguirlandera de ses bluets et de ses fumeterres, (...) Sera appelé roi (Claudel, Tête d'Or,1890, p. 109). 2. P. ext. [Le suj. désigne un inanimé concr. (élément décoratif, fleur, etc.)] La petite Mathilde (...) raide sous sa toilette de clématite sauvage à fleurs blanches. (...) La clématite, d'abord nattée en couronne sur la tête, descend par flots sous le menton, derrière le dos, le long des bras, volubile, enguirlande la taille (Renard, Poil Carotte,1894, p. 206).Les grappes blondes du houblon, mêlées à des festons de roses, enguirlandaient le fronton des chalets rustiques (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 241). − Emploi pronom. à sens passif. Une table où (...) s'enguirlandent autour des surtouts les plus belles orchidées du monde (Goncourt, Journal,1889, p. 983). ♦ P. anal. : ... plus haut, sur des tiges de cuivre, s'enguirlandait une autre floraison, des fichus jetés, des rubans déroulés, tout un cordon éclatant qui se prolongeait, montait, autour des colonnes, se multipliait dans les glaces.
Zola, Au Bonheur des dames,1883, p. 621. B.− Au fig. [Le suj. désigne une pers.] 1. Vieilli a) [L'obj. désigne une pers. ou un ensemble de pers.] Couvrir d'éloges, souvent excessifs, en vue de plaire. (Quasi-)synon. allécher, circonvenir, séduire.Il vous peint la façon dont il enguirlande une chambre, séduit des députés (Goncourt, Journal,1863, p. 1326).J'ai pour ainsi dire horreur d'entraîner et d'enguirlander un auditoire; je ne puis me résoudre à plaire et même à essayer de plaire (Amiel, Journal,1866, p. 235). − P. métaph. Il est curieux de voir ce qu'ils ont bientôt fait d'un jeune général [Joubert] en renom qui leur arrive, comme ils l'enlacent et l'enguirlandent dans leur tourbillon de coteries, dans leurs flatteries et leurs intrigues (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t. 15, 1851-62, p. 183). b) [L'obj. désigne un inanimé abstr. (discours, récit, etc.)] Orner d'éléments flatteurs en vue de plaire et parfois d'abuser. (Quasi-)synon. enjoliver.Je fais aux impatients grâce des innombrables digressions (...) dont il enguirlandait sa causerie (Richepin, Aimé,1893, p. 201).Il aimait à se bercer encore des légendes populaires qui enguirlandent la foi (Rolland, J.-Chr.,Antoinette, 1908, p. 840). − P. métaph. L'homme qui a toujours capitulé devant toutes les démagogies. Et non seulement qui a capitulé, mais qui a toujours enguirlandé toutes les capitulations des festonnements de ses airs de bravoure (Péguy, Argent,1913, p. 1112). 2. Usuel, par antiphrase, fam. Faire des reproches (à quelqu'un). Synon. disputer (fam.), engueuler (pop.), réprimander.L'autre s'emporte et l'enguirlande. Il descend enfin, mais, de la rive, invective encore (Gide, Voy. Congo,1927, p. 702).Ce fut la huée des vieilles diablesses qui se foutaient de nous pendant (...) que le patron nous enguirlandait (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 201). Rem. On rencontre ds la docum. a) Enguirlandage, subst. masc., rare. Synon. enguirlandement. Les enguirlandages fleuris d'épis, de rosaces et de trèfles des potences d'enseignes (Lorrain, Sens et souv., 1895, p. 286). b) Enguirlandé, ée, part. passé et adj. [En parlant d'un inanimé concr.] Qui est orné de guirlandes. Une double file d'équipages enguirlandés (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Rose, 1884, p. 923). Des colonnades enguirlandées (T'Serstevens, Itinér. esp., 1963, p. 43). P. anal. [En parlant d'une pers., avec une nuance iron.] Qui est vêtu d'une manière recherchée et compliquée. Des messieurs en gants frais, auprès de dames enguirlandées (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Dimanches bourg., 1880, p. 324). c) Enguirlandeur, euse, adj. rare. Qui enguirlande. Gestes enguirlandeurs (Verlaine,
Œuvres complètes, t. 4, Mém. veuf, 1886, p. 245). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃giʀlɑ
̃de], (j')enguirlande [ɑ
̃giʀlɑ
̃:d]. Ds Ac. 1932. Étymol. et Hist. 1. 1555 « orner de guirlandes » (Vauquelin de la Fresnaye ds Delb. Rec. d'apr. DG); 2. 1846 fig. « tromper par de belles paroles » (Balzac, Cous. Bette, p. 331). Dér. de guirlande*; préf. en-*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 114. DÉR. Enguirlandement, subst. masc.a) [Correspond à enguirlander A] Décoration de guirlandes. Les chandeliers et le lustre où brûlaient ces bougies se perdaient dans un enguirlandement de fleurs (Bourget, Pastels,1889, p. 24).P. ext. MmeBarrès, en costume de Marguerite de Bourgogne, dans sa robe blanche de mariage, arrangée en surcot moyenâgeux, avec des enguirlandements de velours bleu (Goncourt, Journal,1893, p. 346).b) Au fig., péj. [Correspond à enguirlander B] Ornement, flatterie destinée à plaire et parfois à abuser. Synon. enjolivement.Il n'y a rien dans son livre... Oui, mais c'est plein d'enguirlandements, de fioritures, de jolie sauce autour de ce qu'il dit... (Goncourt, Journal,1892, p. 195).Ils ne veulent pas renoncer aux grandeurs du fonctionnaire. Et aux solennités, et aux encensements, et aux grandeurs des cérémonies en Sorbonne. Et aux appareils, et aux apparats, et à tous les enguirlandements des grandeurs politiques, des grandeurs universitaires (Péguy, Argent,1913, p. 1288).− [ɑ
̃giʀlɑ
̃dmɑ
̃]. − 1reattest. 1879 (A. Daudet, Rois en exil, p. 189); du rad. de enguirlander, suff. -(e)ment1*. − Fréq. abs. littér. : 5. BBG. − Baldensperger (F.). Notes lexicol. Fr. mod. 1938, t. 6, p. 254. |