| ENGRAISSER, verbe. A.− Emploi trans. 1. Vx. Enduire ou souiller de graisse. Le vieux jeu de cartes de l'auberge, engraissé par cinq ans de frottement sur les tables mal essuyées (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Boule de suif, 1880, p. 151). 2. [Le compl. d'obj. dir. désigne un animal destiné à la consommation] Augmenter, par un régime approprié, la quantité et la qualité de la viande. Engraisser des cochons, des oies; engraisser du bétail pour la boucherie. Elle passait son temps à élever des poules dans une petite cour, derrière le cabaret, et elle était renommée pour la façon dont elle savait engraisser les volailles (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Toine, 1885, p. 178). ♦ Proverbe. L'œil du maître engraisse le cheval. ,,Quand on surveille soi-même ses affaires, elles en vont mieux`` (Ac. 1932). − P. anal. [Le compl. d'obj. dir. désigne une pers.] Faire grossir. Mais à présent nous allons vous voir grossir : une vraie fiancée juive de Tunisie, qu'on engraisse comme de la volaille (Montherl., Lépreuses,1939, p. 1397).La tournure des filles craonnaises, que les potées et le lard froid engraissent trop tôt (H. Bazin, Vipère,1948, p. 246). − Au fig. [Le compl. d'obj. dir. désigne une pers.] Rendre prospère, enrichir. Le travail ne peut faire vivre, les misérables et les imbéciles travaillent seuls, pour engraisser les autres (Zola, Argent,1891, p. 46).Je ne vais pas m'esquinter à travailler pour engraisser une bande de députés peut-être (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 88). 3. Engraisser une terre. L'enrichir au moyen d'engrais. Ce sont de pauvres femmes arabes (...) qui ramassent avec leurs mains des crottes de biques pour engraisser leur maigre champ (Flaub., Corresp.,1850, p. 186).Une moitié du terrain est en fourrage artificiel à enfouir à la seconde coupe pour assouplir et engraisser le fonds (Pesquidoux, Livre raison,1925, p. 138). − P. ext. Trois cent mille hommes étaient partis là-bas. Combien engraissaient à cette heure ces territoires infertiles? (Tharaud, Dingley,1906, p. 154). B.− Emploi intrans. et pronom. [Le suj. désigne un animal] Devenir gras. Les animaux carnivores ne s'engraissent jamais (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 220).− Balaye si ça te plaît, dit-il. Moins on nettoie l'auge des cochons, plus ils engraissent (Renard, Journal,1893, p. 149). − P. anal. [Le suj. désigne une pers.] Prendre de l'embonpoint. Engraisser à vue d'œil (fam.); il a engraissé; il est engraissé (rare). Adèle était simplement enceinte de neuf mois. Elle-même avait longtemps cru qu'elle engraissait, ce qui l'étonnait pourtant (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 366).Il a les mains blanches et grasses de ceux à qui on fait manger la soupe en leur laissant seulement la peine d'ouvrir la bouche et qui s'engraissent, sur la chaise, comme des sacs (Giono, Gd troupeau,1931, p. 226). − Au fig., fam. [Le suj. désigne une pers.] S'enrichir. S'engraisser dans une affaire, une entreprise. De l'inventeur mourant le parasite engraisse (Hugo, Contempl.,t. 2, 1856, p. 127).Ce ne serait pas avec ses mille francs d'appointements qu'il s'engraisserait, s'il ne vendait rien (Zola, Bonh. dames,1883, p. 483). ♦ Loc. S'engraisser de la substance, de la sueur du peuple. Partout l'oisiveté monacale s'engraissa de la substance des peuples (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 524). Rem. On rencontre ds la docum. a) Engraissage, subst. masc. Action d'engraisser un animal. Les régions où l'on se spécialise dans l'engraissage du bétail (Baudhuin, Crédit et banque, 1945, p. 226). b) Engraisseur, subst. masc. Celui dont la tâche est d'engraisser les animaux (cf. Baudel, Art romant., 1867, p. 551). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃gʀ
εse] ou, p. harmonis. vocalique, [ɑ
̃gʀese]; (j')engraisse [ɑ
̃gʀ
εs]. Enq. : /ãgʀes/ (il) engraisse. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 « rendre plus gras » cors engraisser (Alexis, éd. Ch. Storey, 51d); 2. 1requart xiiies. « fertiliser (la terre) » (Renclus de Molliens, Charité, 189, 12 ds T.-L.); 3. 1668 « s'enrichir » (Boileau, Satire, éd. A. Cahen, VIII, 194 : engraisse-toi, mon Fils, du suc des malheureux). Du lat. pop. *incrassiāre devenu *ingrassiare (v. aussi gras) issu du b. lat. incrassāre « engraisser » au propre et au fig. (lat. class. crassus « gras »). Fréq. abs. littér. : 553. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 666, b) 1 054; xxes. : a) 1 101, b) 551. Bbg. Chautard (É). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 677. − Sain. Lang. par. 1920, p. 17 (s.v. engraisseur). |