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ENGOUFFRER, verbe trans.
A.− Emploi trans.
1. Rare et littér. [Le suj. désigne la mer, un abîme, etc.] Attirer, précipiter dans un abîme, faire disparaître dans un gouffre. La mer boursouflait ses flots comme des monts dans le canal où nous nous trouvions engouffrés (Chateaubr., Mém.,t. 1, 1848, p. 357).Sainte mer de Rimini, sainte Adriatique, vous engouffreriez plutôt ma ville que de la laisser prendre par quiconque! (Montherl., Malatesta,1946, II, 4, p. 468).
2. P. anal. [Avec l'idée de précipiter comme dans un gouffre]
a) [Le compl. désigne des choses concr.] Introduire, faire disparaître; absorber. Engouffrer les bagages dans la cale. [Des alambics] fonctionnent là, engouffrant du vin comme des abîmes (Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 55).Un jupon sale qu'Angélique n'avait pas eu le temps d'engouffrer dans son placard (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 13):
1. La descente commençait, (...) les bobines tournaient, déroulaient les câbles, (...) il retrouvait le monstre avalant sa ration de chair humaine, les cages émergeant, replongeant, engouffrant des charges d'hommes, sans un arrêt, avec le coup de gosier facile d'un géant vorace. Zola, Germinal,1885, p. 1583.
b) En partic., fam. [Le compl. désigne des aliments] Avaler, manger avec avidité, engloutir. Pendant tout un repas, muet, engouffrant les copieuses portions qu'exigeait son estomac de lutteur (Martin du G., Thib.,Belle sais., 1923, p. 905).Il engouffra un déjeuner sans pain (Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 136).
Emploi abs. Ce qu'elle pouvait engouffrer! (...) il la tentait : « Vous prendriez bien encore une pêche melba?... » (Montherl., Lépreuses,1939, p. 1409).
3. P. métaph. ou au fig.
a) [Avec l'idée de précipiter, perdre dans qqc. d'insondable, d'infini] Entraîner, précipiter; absorber. Les métaphysiciens nous ont engouffrés dans une controverse frivole, nommée idéologie (Fourier, Nouv. monde industr.,1830, p. 15).Engouffrer ma force, mon temps, mon argent dans un sac troué où il n'y aura jamais rien? (Montherl., Fils personne,1943, p. 324):
2. Quand la campagne de Rome fut ruinée par l'égout romain, Rome épuisa l'Italie, et quand elle eut mis l'Italie dans son cloaque, elle y versa la Sicile, puis la Sardaigne, puis l'Afrique. L'égout de Rome a engouffré le monde. Ce cloaque offrait son engloutissement à la cité et à l'univers. Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 508.
b) [Le compl. désigne de l'argent, un bien matériel] Engloutir en dépensant, en dilapidant. Je te remercie fraternellement des vingt-cinq francs que je n'accepte que parce que tu as engouffré les vingt-cinq tiens (Mallarmé, Corresp.,1867, p. 253).[Ils] auraient bientôt fait d'anéantir ma fortune, de l'engouffrer dans leurs affaires (Mauriac, Nœud vip.,1932, p. 43).
B.− Emploi pronom.
1. À sens passif, rare et littér. Se perdre, disparaître dans un gouffre, un abîme. Le navire en détresse (...) sombre avec lenteur... (...). La coquille de noix s'est engouffrée complètement (Lautréam., Chants Maldoror,1869, p. 206).
2. P. ext. ou p. anal.
a) [Le suj. désigne un être animé, pers. ou animal ou un véhicule en mouvement] Entrer, pénétrer précipitamment (dans un passage, dans un lieu). S'engouffrer dans un escalier, dans une rue, dans une voiture. Un essaim (...) s'était engouffré dans la cheminée de la salle à manger (Gide, Journal,1906, p. 217).Le fracas de l'omnibus qui s'engouffrait dans la petite rue Guichard... (Green, Journal,1934, p. 237).Un flot ininterrompu de prisonniers s'engouffre dans la caserne (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 232):
3. ... chaque soir, une partie de la population du xviiietraînait jusqu'à minuit, heure du couvre-feu, autour des bouches de métro du quartier, pour s'y engouffrer plus vite, en cas d'alerte. (...). − J'ai honte, murmura Caracalla, pour ces hommes jeunes tout prêts à se précipiter dans leur trou au moindre bruit. Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 50.
b) [Le suj. désigne l'eau, le vent, la lumière, etc.] Pénétrer violemment (dans un lieu par une ouverture). Vent qui s'engouffre dans un couloir, une rue. Les deux fenêtres ouvertes par où s'engouffre la tiède joie du soleil (Gide, Journal,1906, p. 215).Chemins de ronde, où les eaux s'engouffraient en cascades par des fissures béantes (Gracq, Syrtes,1951, p. 136).La locomotive siffle, un tourbillon de fumée s'engouffre dans le wagon (Sartre, Mort ds âme,1949p. 283).
Rem. La docum. atteste un emploi p. ext. avec un suj. désignant un bruit. Le vacarme rythmé des cloches (...) leurs vibrations assourdissantes, (...) s'engouffraient par toutes les fenêtres dans la maison (Martin du G., Souv. autobiogr., 1955, p. LXXX).
3. Au fig. ou p. métaph.
a) À sens passif. [Le suj. désigne de l'argent, un bien matériel] Être englouti par dépense, dilapidation. Ma fortune, qui depuis un mois ou deux s'est engouffrée dans des abîmes creusés sous mes pas (Dumas père, Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 501).Une nation, dont le tiers du budget s'engouffre dans les dépenses militaires, ne peut pas vivre : la ruine ou la guerre (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 929).
b) Dans le domaine de la vie spirituelle.Se perdre, se précipiter dans. L'esprit souffle où il veut. Il ne s'engouffrera pas dans ces grandes constructions vides que vous prétendez lui imposer (Mauriac, Journal 1,1934, p. 95).Je me jetais à corps perdu dans l'imaginaire et j'ai pensé plus d'une fois m'y engouffrer tout entier (Sartre, Mots,1964, p. 121):
4. Le Dieu qu'ils [les chrétiens] servent, ce Dieu qui leur a donné un cœur capable de le connaître et de l'aimer, s'est si peu détourné de la sanglante histoire des hommes qu'il s'y est engouffré : « Et le Verbe s'est fait chair et Il a habité parmi nous. » Mauriac, Le Bâillon dénoué,1945, p. 461.
Prononc. et Orth. : [ɑ ̃gufʀe], (j')engouffre [ɑ ̃gu:fʀ ̥]. Ds Ac. 1835-1932. Étymol. et Hist. 1. xiiies. engoufer « faire disparaître comme dans un gouffre, dévorer » (Tournoiement d'enfer, éd. A. Långfors ds Romania t. 44, p. 544, 1369); 2. 1541 pronom. « pénétrer rapidement dans un endroit profond » s'engouffrer ... en cest abyme (Calv., Instit., 761 ds Littré); 3. 1694 fig. « absorber comme ferait un gouffre (de biens, d'argent) » (Ac.). Dér. de gouffre*; préf. en-*, dés. -er. Fréq. abs. littér. : 469. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 451, b) 681; xxes. : a) 981, b) 650.