| ENGONCER, verbe trans. A.− [Le suj. est un nom de vêtement, le compl. désigne une pers. ou une partie du corps hum.] Faire paraître le cou, comme enfoncé dans les épaules, de manière inélégante; p. ext. donner au buste, au corps, une apparence massive et raide. Le vêtement de prison qu'il a gardé l'engonce et le grossit encore (Gide, Souv. Cour d'ass.,1913, p. 639): 1. Sa boucle de ceinture était trop haute, sa collerette l'engonçait; ce peu d'élégance avait contribué sans doute au froid abord de Frédéric.
Flaubert, L'Éducation sentimentale,t. 2, 1869, p. 180. − Surtout au passif et au part. passé ♦ [Avec compl. circ. prép. dans] Le cou engoncé dans les épaules, elle se tassait, laide et grosse (Zola, Assommoir,1877, p. 776).Un factionnaire engoncé dans le vaste manteau (Courteline, Train 8 h 47,1888, 2epart., 4, p. 133).Les fantassins, debout, engoncés dans leurs équipements, paralysés par leurs fusils et leurs sacs (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 754). ♦ [Avec compl. circ. prép. de] Engoncée de dentelles jusqu'au bout de son petit nez pointu (A. Daudet, Immortel,1888, p. 100).Il s'approche trop bouffi, trop engoncé de vêtements chauds (Frapié, Maternelle,1904, p. 80). − Emploi pronom. réfl. Enfoncer son cou (et p. ext. le buste) dans un vêtement, de manière à paraître gêné. Il s'engonçait sans sa cravate en songeant à ses dettes (Musset, Le Temps,1831, p. 84): 2. Michel, qui vivait le plus souvent le col largement ouvert, s'était engoncé ce jour-là dans je ne sais quel col-carcan...
Gide, Journal,1917, p. 628. − P. métaph. Le tronc des arbres, que n'engonce plus le taillis, apparaît dans toute sa noblesse (Gide, Voy. Congo,1927, p. 715). B.− Au fig. 1. [Sans compl. circ.] Rendre gauche, contraindre. Les traits de caractère engoncent (Sartre, Mots,1964, p. 155). 2. Surtout au passif et au part. passé. [Avec compl. circ. dans] Être pris tout entier, sans pouvoir s'en dégager. Engoncé dans ses recherches, il passait du laboratoire à l'amphithéâtre et de l'amphithéâtre au laboratoire (Borel, Champavert,1833, p. 72).D'une nature beaucoup moins complexe que son mari, elle était engoncée dans sa bonne volonté morale (Rolland, J.-Chr.,Maison, 1909, p. 975): 3. ... [il] m'est apparu comme une sorte de monde gelé, avec des artistes engoncés dans des gestes qui ne leur serviront désormais plus à rien ...
Artaud, Le Théâtre et son double,1938, p. 54. − Emploi pronom. réfl. Il s'engonce dans son orgueil (Guéhenno, Jean-Jacques,1950, p. 51). Rem. La docum. atteste a) Le part. prés. en emploi adj. Un éreintement de ces manches engonçantes (Goncourt, Journal, 1895, p. 830). b) Engoncement, subst. masc. État d'une personne engoncée. L'engoncement solennel dans le satin noir de sa robe montante (Id., ibid., 1867, p. 361). Au fig. L'engoncement dans le sérieux (Mounier, Traité caract., 1946, p. 414). c) Engonçage, subst. masc. Action d'engoncer (supra A). Si des godets assurent encore l'aisance du vêtement, ils sont massés en arrière sous un empiècement (...) qui évite tout engonçage (Le Monde, 18 oct. 1951, p. 9, col. 1). d) Engonçure, subst. masc., rare. Vêtement ou partie de vêtement qui engonce. D'un mouvement des épaules, il dégage bien son cou de l'engonçure des vêtements (Romains ds Lar. Lang. fr.). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃gɔ
̃se], (j')engonce [ɑ
̃gɔ
̃:s]. Ds Ac. 1694-1932. Conjug. Prend une cédille devant a et o : j'engonçai(s), nous engonçons. Étymol. et Hist. [xives. ms. (Du chevalier qui fist les cons parler, éd. Montaiglon et Raynaud, VI, 181 : petitpié, gembes engoussees [T.-L. propose de corriger en engonssees])]; 1611 engoncé (Cotgr.); 1625-55 norm. [il] s'engonse (D. Ferrand, Muse norm., II, 78, 8 ds Héron). Dér. de gond* d'apr. le plur. gons; préf. en-*; dés. -er; p. compar. iron. entre une personne engoncée jusqu'au cou dans un vêtement et un pivot enfoncé dans un gond. Fréq. abs. littér. : 12. |