| ENFOURNER, verbe trans. A.− Mettre dans un four. Anton. défourner.Ils voient le fort bras blanc qui tourne La pâte grise et qui l'enfourne Dans un trou clair (Rimbaud, Poés.,1871, p. 69): 1. Le foyer étant bien desséché et échauffé, on commence la marche régulière en enfournant des charges alternatives de combustibles (houille maigre) et de calcaire, dans les proportions de 100 kilos de combustible par tonne de calcaire. Toutes les deux ou trois heures, on défourne, ...
Bourde, Les Travaux publics,1928, p. 162. − Absol. Mettre la pâte (du pain, de la pâtisserie, etc.) à cuire dans le four. Je regarde en même temps (...) le grand four tout rouge, − on enfourne avec de grandes pelles, et ça sent la croûte et la braise! (Vallès, J. Vingtras,Enf., 1879, p. 4).Le four doit être allumé 10 à 15 minutes avant l'introduction des mets. Ne jamais enfourner dans un four froid (Lar. mén.1926, p. 620). − Loc. fig., vx. Bien, mal enfourner une affaire. Bien, mal engager une affaire. Le Tellier, (...) estimait l'affaire mal enfournée (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 4, 1859, p. 256). B.− P. anal. 1. [Le compl. d'obj. désigne une pers.] Faire entrer sans ménagement dans. Père Ubu [aux financiers]. − Vous vous fichez de moi! Dans la trappe, les financiers! (On enfourne les financiers) (Jarry, Ubu,1895, III, 2, p. 59).Un panier à salade s'arrêta devant la porte. Charles (...) vit enfourner de ses compagnons, le barman et M. Alexandre, plusieurs poufiasses (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 471). − Emploi pronom. réfl. Entrer dans un lieu bondé, obscur ou avec une idée de précipitation. La pluie a redoublé et le vent est devenu une trombe. (...) Il faut s'enfourner dans un café avec Mirbeau et prendre un grog (Goncourt, Journal,1890, p. 1268).Un car bourré comme un baril d'anchois stoppa! nous nous y enfournâmes à la force des coudes (Arnoux, Rêv. policier amat.,1945, p. 160): 2. À la porte, une enluminure représentait des funambules, et on lisait en grosses lettres : spectacle gratis. Je m'enfournai avec la foule dans cet antre perfide...
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 2, 1848, p. 16. ♦ Au fig. et vieilli. S'engager dans. Bonne-maman est à Paris qui s'enfourne dans les affaires de MmeSollier et de M. de Castran, qui définitivement s'enfournent dans le mariage (Balzac, Corresp.,1821, p. 95). 2. [Le compl. désigne une chose] Introduire (quelque chose) dans une large ouverture ou, en forçant, dans un lieu peu spacieux. Synon. fam. fourrer.Des bonnets de coton, dans lesquels quelques-uns enfournent leurs oreilles (Goncourt, Journal,1870, p. 629).Jean-Paul (...) se laissait donner la becquée par Daniel, dont l'adresse à enfourner, tout en causant, la cuiller pleine dans la bouche de l'enfant, témoignait qu'il n'en était pas à ses débuts dans ce rôle de père nourricier (Martin du G., Thib.,Épil., 1940, p. 830). 3. Au fig., fam. [Construit avec un compl. d'attribution; avec une intention ironique] Synon. donner, refiler (fam.).Je lui ai enfourné le conseil de se tenir coite et de faire encadrer ma lettre avec luxe (Bloy, Journal,1904, p. 65). C.− Fam. Avaler de façon gloutonne : 3. Vous connaissez ces robustes appétits de goujats, qui vous donnent faim par leur façon de se tailler un chiffon de pain, d'enfourner de côté, à la pointe du couteau, une bouchée de viande ou de fromage...
A. Daudet, La Petite paroisse,1895, p. 175. − Emploi pronom. [Il] mangea un rosbif aux pommes et s'enfourna deux pintes d'ale (Huysmans, À rebours,1884, p. 180). D.− MAR. [Le suj. désigne un navire] Plonger l'avant dans la lame et ne se relever que difficilement (d'apr. Barber. 1969). Rem. On rencontre ds la docum. qq. ex. de enfourneur, subst. masc. Ouvrier qui sert un four. Le chef enfourneur se rend compte de la marche du four [à porcelaine] en retirant de temps en temps des témoins ou montres (Ser, Phys. industr., 1890, p. 558). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃fuʀne], (j')enfourne [ɑ
̃fuʀn̥]. Ds Ac. 1718-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1200 « mettre au four » (Ogier le Danois, 8357 ds T.-L.); 2. 1849 spéc. et fam. « avaler gloutonnement, ingurgiter » (Flaub., Tentation, p. 436). Dér. de four*; préf. en-*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 71. Bbg. Bruneau (Ch.). Noms créés au moy. du suff. -ment... In : [Mél. Orr (J.)]. Manchester, 1953, p. 28. − Gottsch. Redens. 1930, p. 247. − Lire le dict. Actual. terminol. 1972, t. 5, no1, p. 2. |