| ENFLER, verbe. A.− Emploi trans. 1. Vx. Remplir de gaz qu'on insuffle. Enfler un ballon, une cornemuse (Ac.). Synon. gonfler.Comme une outre enflant sa musette, Ce soir, le vieux ménétrier Fera, pour terminer la fête, Danser sous le grand marronnier (Murger, Nuits hiver,1861, p. 60). − P. anal. Le vent enfle les voiles. Soit que plus molle et sans secousse, N'enflant ma voile qu'à demi (Sain-te-Beuve, Poés.,1929, p. 53). 2. Faire augmenter le volume (de quelque chose). a) Emploi trans. Comme il enflait la poitrine d'un soupir, elle lui jeta d'une voix aigre (Aymé, Jument,1933, p. 302). − Au fig. Augmenter. Anton. diminuer.Mais les discours ont par eux-mêmes une puissance démesurée; ils enflent la tristesse (Alain, Propos,1912, p. 125).Les firmes (...) anticipent les demandes de leur clientèle et même qu'elles les suscitent et les enflent dans une large mesure (Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 402): 1. ... encore les chiffres manquent-ils pour la période du 15 novembre au 28 février, qui enfleraient ce résultat.
Ambrière, Les Grandes vacances,1946, p. 230. − Spéc. [Le compl. désigne une production phonique] Augmenter l'intensité (de quelque chose). Enfler un son, la voix. Synon. amplifier; anton. diminuer.Il se mettait debout, enflait le souffle, tournait la jambe (Duhamel, Désert Bièvres,1937, p. 69). b) Emploi pronom. à sens passif. Augmenter de volume. La houle s'enfle. Synon. grossir; anton. diminuer, se rétrécir, se rétracter.La vague s'enfle, roule et déferle (Green, Journal,1939, p. 166).Fernande, à mesure que son ventre s'enflait, en profitait pour accabler d'exigences sa compagne (Druon, Gdes fam.,t. 2, 1948, p. 141): 2. Que votre thyroïde s'enfle ou se rétrécisse et vous tomberez dans le gâtisme précoce...
Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 72. − Au fig. C'était là le perpétuel problème dans une période où les dépenses publiques s'enflaient inévitablement (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 246). − Spéc. [Le suj. désigne une production phonique] Augmenter d'intensité. Rumeur qui s'enfle. Synon. s'amplifier; anton. diminuer.La sonorité s'enfle graduellement (...) envahit l'orchestre comme un torrent (A. Lavignac, Voy. artist. Bayreuth,1897, p. 370).La voix s'enflait encore, mais commençait de s'enfoncer dans les entrailles de la maison (Duhamel, Notaire Havre,1933, p. 227).Un bruit grinçant, en vrille, qui s'enfle, s'enfle (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 753). − Loc. fig. (S')enfler d'orgueil. (S')enorgueillir. La charité n'est point envieuse, la charité n'est point inconsidérée, elle ne s'enfle point d'orgueil (Billy, Introïbo,1939, p. 214). 3. P. ext. Accroître anormalement le volume (de quelque chose). Les engelures enflent les doigts. Synon. boursoufler, distendre. ♦ Enfler la dépense, les comptes. Synon. gonfler, exagérer; anton. diminuer, restreindre.Une meute de politiciens assaillit les administrateurs du Panama pour qu'ils enflassent le budget de la corruption (Barrès, Leurs fig.,1901, p. 115): 3. Il y avait dix-sept ans qu'il servait M. Octave, et trois seulement qu'il le volait, enflant la dépense du manger de quatre cents francs par mois régulièrement.
Montherlant, Les Célibataires,1934, p. 909. − Au fig. Faire paraître qqc. plus important, qu'il ne l'est en réalité. L'imagination enfle tout. Synon. exagérer, grossir; anton. rapetisser.Ces chiffres allemands manquent de certitude. Selon que cela semble momentanément utile, les chancelleries auliques enflent ou désenflent le désastre (Hugo, Hist. crime,1877, p. 232). − Emploi pronom. réfl. [En parlant de pers.] Se donner de l'importance. Certains écrivains politiques s'exagèrent leur importance et s'enflent dans l'idée qu'ils ont d'eux-mêmes (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 7, 1863-69, p. 349). 4. Arg. Se faire enfler.Se faire voler, rouler. Je me suis laissé enfler il y a pas une semaine; j'ai eu le malheur de garder la marchandise quarante-huit heures : J'ai paumé tout ce que j'ai voulu (Simonin, Touchez pas au grisbi,1953, p. 203). B.− Emploi intrans. Augmenter anormalement de volume. Son pied a enflé; ma main enfle. Vint l'année où le torrent enfle (Giono, Solit. pitié,1932, p. 66).Où fuir, Oreste? Elles [les mouches] enflent, elles enflent, les voilà grosses comme des abeilles (Sartre, Mouches,1943, II, tabl. II, 8, p. 85).Les ganglions avaient cessé d'enfler (Camus, Peste,1947, p. 1455).Charlotte se gavait si gloutonnement qu'elle enflait comme une baudruche (Beauvoir, Mém. jeune fille,1958, p. 12). − Au fig. Prendre de l'ampleur. Les commérages enflaient. C'est au moment où le nom d'Henri avait commencé à enfler (...) que Paule avait réintégré sa peau d'amoureuse (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 176. − Spéc. [Le suj. désigne une production phonique] Augmenter d'intensité. Sa voix enfla tout à coup. Synon. s'enfler, s'accroître; anton. diminuer.Et puis, du fond du silence, du fond du ventre, un cri qui monte, enfle, dépassant toutes les limites, désespéré, désespérant (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 414). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃fle], (j')enfle [ɑ
̃:fl̥]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Fin xes. trans. « faire augmenter de volume » (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 100 : cui una sopa enflet lo cor); en partic. a) 1121-34 « grossir sous l'effet d'une cause morbide » (Ph. de Thaon, Bestiaire, 1665 ds T.-L.); 1160-74 « id. sous l'effet d'un état d'âme » de courout et d'angoisse ... enfler (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 4030); b) 1749 pop. enflé part. passé subst. « imbécile » (d'apr. Esn.); 2. a) 1532 « faire paraître plus important que la réalité » enfler son stile (Cl. Marot, Epitre, éd. Mayer, XXV, 122); b) 1723 « gonfler (un compte) » (Savary des Bruslons, Dict. universel de comm.); 3. 1538 « gonfler d'air » (Est.). Du lat. class. inflare « souffler dans; gonfler ». Fréq. abs. littér. : 637. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 771, b) 873; xxes. : a) 1 207, b) 854. Bbg. Chautard (É.). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 432. − Gir. 1834, pp. 37-38. − Gottsch. Redens. 1930, p. 111, 230. |