| ENFLAMMER, verbe trans. A.− [Le compl. d'obj. dir. désigne une matière combustible] Mettre en flammes. Enflammer une allumette. La lampe, violemment heurtée, chavira, roula en morceaux sur le sol, enflammant le pétrole, brûlant, le tapis, les chaises, la table, allumant un commencement d'incendie (Pergaud, De Goupil,1910, p. 257): 1. ... l'astre du jour brillait alors d'un vif éclat; (...) sa lentille aidant, il enflamma sans peine ces matières combustibles, qui furent déposées sur une couche de feuilles humides à la trifurcation des grosses branches de l'ombu. (...) Le bois s'enflamma, et bientôt une belle flamme ronflante s'éleva du brasero improvisé.
Verne, Les Enfants du capitaine Grant,t. 1, 1868, p. 220. − P. anal. [Le compl. d'obj. dir. désigne une chose quelconque] Donner (à quelque chose) les tons chauds et éclatants de la flamme. Le ciel, ensanglanté par le soleil couchant, jetait dans l'eau des figures de nuages écarlates, empourprait le fleuve entier, enflammait l'horizon, faisait rouges comme du feu les deux amis, et dorait les arbres roussis (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Deux amis, 1883, p. 188): 2. ... les derniers rayons qui passent par-dessus les sierras illuminent Tolède d'une flamme jaune où se mêlent de rares ombres. Bientôt les montagnes entrées dans le noir se découpent sur un ciel rouge qui enflamme la ville, puis en s'éteignant la laisse dans la nuit.
Barrès, Greco,1911, p. 66. ♦ Emploi pronom. passif. Être vivement coloré. Les fleurs des marronniers s'allumaient comme des candélabres, les torches gigantesques des peupliers s'enflammaient (France, Dieux ont soif,1912, p. 53). B.− P. ext. (Faire) devenir brûlant, (s')échauffer fortement. Mon sang s'enflammait jusqu'à la fièvre (Michelet, Mémorial,1822, p. 194). − Spéc., MÉD. [Le compl. d'obj. dir. désigne une partie du corps] Provoquer l'inflammation, l'irritation, la tuméfaction (de quelque chose). Le gonflement d'une région enflammée par l'afflux des globules blancs (Garcin, Guide vétér.,1944, p. 200). ♦ Emploi pronom. passif. Être affecté d'une inflammation. Squirrhe, qui, venant à s'échauffer et à s'enflammer, dégénère en cancer (...) léger tubercule, qui, étant irrité, rougit, s'enflamme, s'étend, devient violet, en un mot, carcinomateux (Geoffroy, Méd. prat.,1800, p. 329). C.− Au fig. 1. [Le compl. désigne une pers. ou un aspect physique de la pers.] Donner un vif éclat. Les joues enflammées par la rougeur de l'espérance et de la cupidité (Dumas père, Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 319).Les yeux étincelants, enflammés d'un ensoleillement radieux de gaîté (Proust, Swann,1913, p. 340): 3. Il y a tout au fond de notre âme une ferveur secrète que l'on sent brûler sourdement et qui ne change rien au vêtement possible du visage et au maintien, mais l'anime et quelquefois l'enflamme tout d'un coup, le colore de ses teintes, le brûle de ses chaleurs et donne aux paroles sa belle lumière et ses clartés idéales.
Vigny, Le Journal d'un poète,1853, p. 1307. ♦ Emploi pronom. subjectif. Prendre un vif éclat. Les yeux gris s'enflamment de colère, puis s'éteignent presque aussitôt (Bernanos, Mouchette,1937, p. 1289).Il commençait de rougir et de s'enflammer (Duhamel, Maîtres,1937, p. 49). − P. anal. [Le compl. d'obj. dir. désigne une chose abstr., une valeur hum.] Donner de la force, de la vivacité. Le sens de certains mots, amplifié et enflammé par l'espérance et l'ardeur passionnelle, acquit une puissance émotive (Lefebvre, Révol. fr.,1963, p. 594). 2. [Le compl. d'obj. dir. désigne une pers. ou un aspect moral de la pers.] Remplir d'ardeur, d'enthousiasme; accroître la vivacité, l'intensité de. Enflammer qqn, qqc. (de qqc.).Le cercle de montagnes (...), l'air vif et pur (...), tout exaltait, enflammait notre imagination (Dusaulx, Voy. Barège,t. 1, 1796, p. 199).Vous les villes (...) Qui concentrez en vous assez d'humanité, Assez de force rouge et de neuve clarté, Pour enflammer de fièvre et de rage fécondes Les cervelles patientes ou violentes (Verhaeren, Villes tentac.,1895, p. 211).Une Alsacienne bien jolie, bien frusquée, ça enflamme les cœurs, ça excite le patriotisme (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 378).Cf. aussi aiguiser ex. 28 : 4. N'y a-t-il pas dans toute âme humaine, n'y avait-il pas dans l'âme de Jean Valjean en particulier, une première étincelle, un élément divin, incorruptible dans ce monde, immortel dans l'autre, que le bien peut développer, attiser, allumer, enflammer et faire rayonner splendidement, et que le mal ne peut jamais entièrement éteindre?
Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 114. − Emploi pronom. subjectif. Devenir ardent, se passionner (pour quelque chose). Des instants de grand danger (...) où la conscience s'avivait, s'illuminait ainsi, et les facultés s'enflammaient à un point surnaturel (Pourrat, Gaspard,1930, p. 215).Ils vibrent, ils s'enflamment, ils confondent l'ébranlement de leur humeur avec le zèle communautaire (Mounier, Traité caract.,1946, p. 484). 3. [Le compl. d'obj. dir. désigne une pers. ou un aspect de son affectivité, de sa sensibilité] Inspirer une(plus) vive affection, tendresse, passion. Je donnerois la moitié de ma vie pour en être adorée quelques heures... Je voudrois l'enflammer, jouir de son délire (Genlis, Chev. Cygne,t. 3, 1795, p. 169).Te dire toute l'ardeur de mes rêves, te dévoiler la bouillante ambition de mes sens irrités par la solitude où j'ai vécu, toujours enflammés par l'attente du bonheur, et réveillés par toi, par toi si douce de formes (Balzac, L. Lambert,1832, p. 180).Elle l'enflammait de ses caresses (...) pour ne pas céder tout de suite, lui qui brûlait comme elle, il dut la retenir (Zola, Bête hum.,1890, p. 172). − Emploi pronom. réfl. [Le suj. désigne un animé] S'éprendre d'un vif amour. C'est alors que tous les animaux s'enflamment des feux de l'amour. J'attribue les ardeurs de cette passion, qui les embrase la plupart au printemps (...) à l'action même du soleil (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 82): 5. ... depuis que je la connais, je n'ai plus de désirs du tout. Moi qui (...) m'enflammais à la fois pour vingt femmes que je rencontrais dans la rue (...), à présent je crois que je ne puis plus être sensible, jamais plus, à une autre forme de beauté que la sienne; que je ne pourrai jamais aimer d'autre front que le sien, que ses lèvres, que son regard.
Gide, Les Faux-monnayeurs,1925, p. 1151. Rem. On rencontre ds la docum. enflammable, adj. Qui peut être enflammé. J'ai bien ri de ton excitation à propos du « Satyricon ». Il faut que tu sois fort enflammable (Flaub., Corresp., 1852, p. 468). Les petits « rats » des quadrilles, plus malléables et plus enflammables que, ces demoiselles, les sujets de l'Académie nationale (Levinson, Visages danse, 1933, p. 121). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃flɑme] ou [ɑ
̃flame], (j')enflamme [ɑ
̃flɑ:m] ou [ɑ
̃flam]. [ɑ] post. dans l'inf. s'explique p. anal. avec enflamme et flamme*. Étymol. et Hist. 1. Fin xes. trans. « mettre en flammes » (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 476 : si'ls enflament [Spiritus Sanctus] cum fugs ardenz); 2. 1690 « mettre dans un état inflammatoire » (Fur.). Dér. de flamme*; préf. en-*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 664. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 489, b) 991; xxes. : a) 918, b) 467. DÉR. Enflammement, subst. masc.Action d'enflammer; résultat de cette action. En partic. a) [En parlant d'une chose] Embrasement, éclat vif. L'accès de l'amour, le désert, la solitude infinie, où sous l'enflammement éperdu du ciel, vous pouvez dresser vos mirages et vivre dans votre création personnelle (Giono, Angelo,1958, p. 204).b) [En parlant d'une pers.] Exaltation, ardeur vive des sentiments, des impressions. Elle [la Faustin] déployait, à l'égard du premier venu, une coquetterie presque de fille, puis aussitôt il survenait, chez elle, de la réserve, une froideur glaciale qui congelait l'enflammement du monsieur (E. de Goncourt, Faustin,1882, p. 264).Rem. La docum. atteste enflammation, subst. fém. (Quasi-)synon. de inflammation. Une sourde enflammation gonflait la terre. Les peupliers s'allumaient sous une flamme froide mais plus étincelante que le soleil. Des serpentements de braises couraient dans les haies (Giono, Eau vive, 1943, p. 119). Hanse 1949 précise : ,,Enflammation n'est pas français. Dites : L'inflammation d'une masse de poudre, d'une plaie qui se sont enflammées``.− Seule transcr. ds Littré : an-fla-me-man. − 1reattest. début xiiies. « action d'enflammer » ici au fig. (Li Epistle saint Bernard a Mon Deu, ms. Verdun 72, fo66 rods Gdf.); du rad. de enflammer, suff. -(e)ment1*. BBG. − Arickx (I.). Les Orthoépistes sur la sellette. Trav. Ling. Gand. 1972, no3, p. 127. − Meillet (A.). Rech. sur la synt. comparée de l'Arménien. B. Soc. Ling. 1910-11, t. 16, p. 124. |