| ENFANT, subst. A.− [Être hum. du point de vue de son âge physique ou moral] 1. [Âge physique] Être humain, sans différenciation de sexe, dans les premières années de sa vie et avant l'adolescence. Bel, jeune, petit enfant; enfant blond, rose, au maillot, à la mamelle. Un joli enfant de dix ans, qui a, dans une figure pâle deux grands yeux tout noirs, qui vous regardent comme des diamants (Goncourt, Journal,1865, p. 217): 1. ... Car n'avons-nous point toute la vie devant nous. La seule qui compte. Toute la vie éternelle. Et le vieillard n'a-t-il pas autant de vie devant soi que l'enfant au berceau.
Sinon plus. Car pour l'enfant au berceau la vie éternelle, La seule qui compte est masquée par cette misérable vie
Qu'il a devant lui.
Péguy, Le Porche du Mystère de la 2evertu,1911, p. 286. − Expr. Innocent comme l'enfant qui vient de naître. Quoiqu'il écrive depuis quelque temps déjà, il est innocent comme l'enfant qui vient de naître (Veuillot, Odeurs de Paris,1866, p. 265).Il n'y a plus d'enfants. Les actrices embrassaient le néophyte, (...) le directeur l'invitait à dîner. − Il n'y a plus d'enfants, dit Blondet (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 350). a) [P. réf. à l'Évangile] − [P. réf. à la parabole de l'enfant prodigue (St Luc, 15, 11-32)] Un enfant prodigue du parlement (Marat, Pamphlets,Marat, l'ami du peuple, aux amis de la Patrie, 1792, p. 310).Eh bien, va comme l'enfant prodigue, va-t'en trouver ton père, et il sera touché de compassion (Martin du G., Thib.,Cah. gr., 1922, p. 672). − [P. réf. à la naissance de Jésus] Sage comme l'enfant Jésus. Comme l'étoile des Mages Si sages Parmi ceux de l'Orient, Qui les mena par des plaines Lointaines Aux pieds du divin enfant, Je vais marchant avec elle Fidèle Comme les trois couronnés (M. de Guérin, Poésies,1839, p. 111).Venez, fidèles, et adorons cet enfant nouveau-né (Claudel, Gdes odes,1910, p. 249). b) P. méton., B.-A. [L'enfant dans ses représentations plastiques] Cour encombrée de produits sculpturaux en plâtre (...), terre-neuve défendant un enfant nu contre un serpent (Goncourt, Journal,1856, p. 283).On peut voir une charmante fontaine, un enfant nu chevauchant un dauphin, presque à ras du sol (T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p. 176). − En partic. [À propos d'un suj. relig.] Dans le salon une belle madone avec son enfant Jésus (E. de Guérin, Journal,1840, p. 400).Un Jésus en plâtre colorié, un bel enfant blond que portait saint Joseph (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 11). c) En appos. ou attribut avec valeur d'adj. − Adj. à valeur qualificative. Gervaise (...) entrait à peine dans sa quatorzième année, lorsqu'elle était accouchée du premier, Claude; et aucun de ses deux frères, ni Claude, ni Étienne, né plus tard, ne semblait souffrir d'une mère si enfant et d'un père gamin comme elle (Zola, Bête hum.,1890, p. 43). ♦ P. anal. [En parlant d'un inanimé concr.] Qui n'a pas atteint son plein épanouissement. Un cyprès enfant, un de ces petits plumages effilés en pinceau (Colette, Pays. et portr.,1954, p. 264).Au fond un petit feu d'âtre, un feu jouet, un feu enfant tout gringalet, pas sérieux pour un sou (Giono, Eau vive,1943, p. 42). − Adj. à valeur déterminative. Le peuple enfant et fétichiste est doux, pieux, dévoué, inhumain, bestial selon l'humeur et l'occasion (Alain, Propos,1921, p. 229). d) Spéc., au fém. Petite fille et, p. ext., jeune fille. J'ai subi le charme de grâce et de délicatesse qui émanait de cette enfant de vingt ans (Bourget, Disciple,1889, p. 120).Cette enfant est l'innocence même (Martin du G., Thib.,Cah. gr., 1922p. 595). 2. En partic. a) [En parlant d'un être dans les premières années de sa vie] Enfant considéré dans son comportement caractéristique. Caprice, gaieté, joie, pleurs d'enfant. Des cantiques qui remuaient étrangement mon imagination d'enfant. (Bourget, Disciple,1889, p. 69).Vous savez, ce n'est rien, dit le docteur. Une simple maladie d'enfant (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 30). b) P. anal. [En parlant d'un adulte qui a conservé les particularités physiques ou morales d'un enfant] ♦ Adulte qui offre, notamment dans son comportement physique, l'innocence, la fraîcheur d'un enfant. Être bon enfant. Elle avait gardé une candeur d'enfant, une virginité, toute la honte charmante de la passion qui s'ignore (Zola, Bête hum.,1890p. 130).C'était un petit vieillard merveilleusement agile. Sur sa face de brique usée, tout émiettée, s'enchâssaient, comme deux joyaux, des yeux bleus d'enfant (France, Orme,1897, p. 53). ♦ Personne adulte peu évoluée, immature. Il avait une puérilité d'enfant de cinq ans dans un corps de colosse (Zola, Ventre Paris,1873, p. 852).Qu'il la déteste cette femme « avec son cerveau d'enfant, qui vous condamne à voir les plus grandes choses sous l'aspect du sensuel, du tendre, du gentil... » (Massis, Jugements,1924, p. 225). − Expr. syntagm. et loc. Grand enfant. [En parlant d'un adulte] Quel grand enfant vous êtes! Et moi je suis là, qui vous écoute sérieusement (Becque, Parisienne,1885, I, 3, p. 277).Enfant prodige; enfant sublime. Madame de Bargeton (...) aimait Monsieur de Chateaubriand de ce qu'il avait nommé Victor Hugo un enfant sublime (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 53).Enfant terrible. [En parlant d'un enfant qui met, par ses propos, son entourage dans des situations embarrassantes] P. ext. [En parlant d'un adulte] L'enfant terrible du parti (Bremond, Hist. sent. relig.,t. 4, 1920, p. 415).Vieil enfant gâté, pourri. Faire l'enfant. S'amuser à des choses puériles, avoir un comportement d'enfant. Vous faites l'enfant, Gustave (Giono, Gd troupeau,1931, p. 150).C'est un jeu d'enfant. À propos d'une chose simple, élémentaire. Il va à la ligne et recommence à écrire en disant : − Ceci, maintenant, n'est plus qu'un jeu d'enfant! (Alain-Fournier, Meaulnes,1913, p. 27).Les enfants s'amusent. B.− [Être hum. du point de vue de sa filiation] 1. [Filiation naturelle] Fils ou fille. Enfant adultérin, incestueux, légitime, naturel, royal; avoir un enfant; enfant de l'amour. Un père altier et sensible qui a enseveli son unique enfant mâle (Sainte-Beuve, Volupté,t. 1, 1834, p. 133).Je suis l'enfant unique du roi Polybe et de la reine Mérope (Cocteau, Machine infern.,1934, III, p. 106).Enfants de France. ,,Princes, enfants légitimes des rois, et ceux qui descendent des aînés`` (Ac.). ♦ Expr. fam. Faire un enfant. [Le suj. désigne un homme] Engendrer. Il avait voulu devenir peintre, il ne réussit qu'à faire un enfant à une grisette (Queneau, Pierrot,1942, p. 64).[Le suj. désigne une femme] Synon. enfanter.Qu'elle fasse un enfant sans avoir de mari (Pagnol, Fanny,1932, I, 2etabl., 6, p. 100).La mère et l'enfant se portent bien. Les annonces de naissances, dans les journaux, emploient la formule : « La mère et l'enfant se portent bien » (Montherl., Demain,1949, I, 1, p. 705).C'est l'enfant de sa mère/de son père. On dit d'un enfant, c'est l'enfant de sa mère, pour dire qu'il lui ressemble, qu'il a toutes ses manières, qu'il en a toutes les vertus ou tous les défauts. Il se dit plus souvent en mal qu'en bien (J.-F. Rolland, Dict. mauv. lang.,1813, p. 58). ♦ Expr. injurieuses. Enfant de cochon. Il gueule comme un enfant de cochon quand ça dépasse deux cents balles par mois (Vercel, Cap. Conan,1934. p. 99).Enfant de putain. Téléphone à la prison, enfant de putain! On va aller te chercher par les oreilles (Malraux, Espoir,1937, p. 436). − P. anal., rare. [En parlant d'un animal] Quand l'enfant de la marmotte sort de son trou (Ramuz, Derborence,1934, p. 125). − P. ext. (le plus souvent au plur.). Les descendants. Petits-enfants, enfants des hommes. Et les fautes des pères retomberont sur les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération (Dumas père, P. Jones,1938, V, 2, p. 196). 2. P. anal. [Filiation spirituelle] a) [P. rapp. à une personnalité relig.] Personne placée sous le patronage d'un saint. Mais bientôt l'école puritaine de Jansénius vint démasquer la tactique des enfants de Loyola (Proudhon, Confess. révol.,1849, p. 310).Quelque congrégation d'Enfants de Marie (Laforgue, Moral. légend.,1887, p. 94). b) [P. rapp. à Dieu, à une entité mythique ou symbolique] Enfant de Dieu, de l'Église. Les enfans gâtés de la fortune et des hasards (Crèvecœur, Voyage,t. 2, 1801, p. 335).L'ouvrage le plus touchant peut-être de cet enfant des muses, (...) ce sont ces vers qu'il fit d'abord en allemand et qu'il traduisit en vers français (Chateaubr., Mém.,t. 3, 1848, p. 59). − Expr. Enfant du diable. On dit encore prov. et fig. que les menteurs sont enfans du diable (J.-F. Rolland, Dict. mauv. lang.,1813, p. 58). SYNT. Enfant de la Providence; enfant gâté de la fortune, du hasard, de la littérature. 3. P. métaph. ou au fig. a) Produit de la nature. Le saule et les fleurs, aimables enfants de la terre (Chateaubr., Martyrs,t. 1, 1810, p. 229). b) Produit, conséquence d'une situation, d'une activité. Il [Lucrèce] s'est contenté de combattre l'existence des Scylles, des Centaures, de la Chimère, et de tous ces êtres fantastiques, enfants de la superstition et de la poésie (Delille, Trois Règnes Nature,1808, p. X). − En partic. Produit d'une activité littéraire : 2. Œuvre pâle et parfaite, pièce noble et sans force, enfant très délicate d'entre les dernières enfants de La Fontaine, cette fable elle-même n'est-elle point une ombre littéraire...
Valéry, Variété II,1929, p. 49. C.− [Être hum., jeune ou adulte, considéré comme membre d'un groupe soc. : famille, État] 1. Être humain, adulte ou non, placé sous la tutelle, la protection de personnes, d'une communauté lui tenant lieu de parents. Je l'avais ramenée d'Espagne cinq ans auparavant. C'était une enfant abandonnée (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Confess. femme, 1882, p. 800).Elle songea brusquement à son livret d'enfant assistée (Zola, Rêve,1888, p. 163).Quelle confiance on avait en lui! Il était l'enfant de la maison! (Montherl., Célibataires,1934, p. 875). − Expr. syntagm. Enfant de la balle (cf. balle1I B 1).Enfants perdus. Soldats envoyés en avant pour une action dangereuse, risquée. Le bois où ses deux enfants perdus étaient comme ensevelis (Balzac, Chouans,1829, p. 34).P. ext. Personne désignée comme bouc émissaire, abandonnée par ses proches. Enfant perdu de la politique astucieuse de Ferdinand VII (Balzac, Splend. et mis.,1844, p. 62).Enfants trouvés. ,,Enfants qu'on trouve exposés et dont le père et la mère ne se font pas connaître`` (Ac.). Enfant trouvé. Passager clandestin à bord d'un navire. Il [le capitaine Random] joua la surprise (...) et finit par dresser procès-verbal de la rencontre à bord d'un enfant trouvé; c'est le terme technique en pareille circonstance (Sand, Indiana,1832, p. 280).Enfant de troupe. Fils de militaire placé sous la tutelle de l'État qui assume les frais de ses études. J'ai commencé par être enfant de troupe, gagnant ma demi-ration et mon demi-prêt dès l'âge de neuf ans, mon père étant soldat aux gardes (Vigny, Serv. et grand milit.,1835, p. 36).Enfant de famille. Enfant favorisé par sa naissance, avantagé aux dépens des autres. Au fig. Un beau matin, elle [la fortune] m'avait tiré d'un abîme pour m'asseoir sur l'édredon et pour me faire enfant de famille (Sand, Mauprat,1837, p. 179).Traiter qqn en enfant de bonne maison. On dit encore à quelqu'un qui a fait une faute, qu'on le traitera en enfant de bonne maison, pour dire qu'on le punira sans l'épargner (J.-F. Rolland, Dict. mauv. lang.,1813, p. 58). 2. Être humain considéré dans des liens affectifs ou spirituels qui l'unissent à une personne, à une communauté ou à un pays : 3. On fait la guerre en Amérique, pensai-je, je me ferai soldat, je combattrai les ennemis de mon pays. Mon pays! hélas! Ce sentiment était pour moi amer comme tous les autres. Enfant déshérité de ma patrie, elle me repousse, elle ne me trouve pas digne de la défendre! Qu'importe? Mon sang coulera pour elle...
Duras, Édouard,1825, p. 212. − En partic. ♦ Fam. et affectueux. [Dans la bouche d'une pers. plus âgée ou d'un rang supérieur s'adressant à des êtres proches] Mon enfant, mes enfants. Mes enfants, recevez la bénédiction du vieux bonhomme (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 646).Ma chère enfant, j'ai à vous apprendre une pénible nouvelle (Aymé, Cléramb.,1950, IV, 9, p. 235).Au fig. C'étaient les enfants chéris du prieur, ces bouquins poudreux, reliés en parchemin (Huysmans, Oblat,t. 2, 1903, p. 207). ♦ Natif d'une région, d'une ville. Enfant de Paris. La petite bastide (...) demeurait noyée dans l'ombre, perdue dans les ténèbres, introuvable pour quiconque n'était pas enfant du pays (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Champ d'oliv., 1890, p. 99).Cette enfant de Jérusalem transplantée en Amérique perdrait sans doute tout son charme. À Ne-wYork ou à Cleveland, elle serait simplement une petite juive de plus (Tharaud, An prochain,1924, p. 292). ♦ Être humain considéré dans ses liens avec un élément naturel. Ces fiers enfants de la nature [les Senneccas] se déterminèrent enfin à solliciter un congrès (Crèvecœur, Voyage,t. 3, 1801, p. 84). Rem. La docum. atteste a) Enfanticide, subst. masc. Meurtre d'un enfant. Synon. usuel infanticide. Un enfanticide. (...) Tant de filles vertueuses comptent leurs printemps par des meurtres (Borel, Champavert, 1833, p. 241). b) Les mots composés
α) Enfant-Dieu, subst. masc. Jésus. Cet Enfant-Dieu (...) a bien besoin d'être consolé (Guéhenno, Journal « Révol. », 1937, p. 92). Cf. aussi Apoll., Alcools, 1913, p. 89.
β) Enfant-loup, subst. masc. Enfant élevé par des loups et vivant comme eux. L'un des ancêtres est incontestablement l'enfant-loup de la Hesse (...), sautant et galopant, découvert en 1344. Les loups avaient, raconte-t-on, creusé pour lui une fosse tapissée de feuilles et l'entouraient la nuit pour le protéger du froid (L. Malson, Les Enfants sauvages, Paris, Union générale d'Éditions, 1964, p. 45). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃fɑ
̃]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. 1. Fin xes. « garçon ou fille en bas âge » (Saint Léger, éd. J. Linskill, 13 : Quant infans fud); en partic. ca 1100 « adolescent » (Roland, éd. J. Bédier, 3106); 2. 1180-90 « qui a le caractère, la conduite d'un enfant » tenir por enfant (A. de Paris, Alexandre, II, 599, in Elliot Monographs, p. 87); 3. 1532 terme d'amitié, d'affection (Rabelais, Pantagruel, éd. V. L. Saulnier, chap. 15, p. 130). B. 1. Ca 1050 « garçon ou fille par rapport à sa filiation » (Alexis, éd. Chr. Storey, 54); 2. p. ext. 1538 « descendant » enfant de (Est.); 3. ca 1562 « être humain considéré comme rattaché par ses origines à qqn ou qqc. » les enfants de Dieu (Bonivard, Advis et devis de la source de l'idolatrie..., p. 6 ds FEW t. 4, p. 660b); 4. xves. « celui qui est originaire d'une ville ou d'un milieu » enfant de bonne ville (Prov. communs ds Le Livre des proverbes fr., éd. Le Roux de Lincy, 1859, t. 1, p. 215); 5. 1640 « conséquence, effet de qqc. » (Corneille, Cinna, I, 1; Enfants impétueux de mon ressentiment). Empr. au lat. class.infans, infantis « qui ne parle pas » d'où « tout enfant, jeune enfant ». Fréq. abs. littér. : 50 0520. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 66 443, b) 85 894; xxes. : a) 81 211, b) 61 292. Bbg. Chautard (R.). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 373. − Cohen 1946, p. 14. − Fiche (Une) de Radio-Canada. Vie Lang. 1971, p. 217. − Gir. 1834, p. 37. − Gohin 1903, p. 373. − Gottsch. Redens. passim. − Reinh. 1963, p. 165. − Roques (M.). Enfant de la balle. In : [Mél. Michaëlsson (K.)]. Göteborg, 1952, pp. 401-406. − Sain. Arg. 1972 [1907], p. 85. |