| ENFANCE, subst. fém. A.− Premières années de la vie d'un être humain jusqu'à l'adolescence. 1. [À propos d'un être de cet âge] Berceau de mon enfance; sortir de l'enfance. Vous savez que je me suis marié... oui, avec une petite amie d'enfance (Zola, Argent,1891, p. 23).La notion des devoirs, depuis ma tendre enfance, dominait ma vie (Gide, Robert,1930, p. 1319). − P. méton. [L'être hum. considéré dans son enfance] Les délices des arts ont nourri mon enfance (Chénier, Élégies,1794, p. 154).Omer Héricourt admira l'homme qui s'accroissait en lui, l'homme qui joindrait son effort à ceux que son enfance avait appris (Adam, Enfant Aust.,1902, p. 270). − P. anal. [À propos d'un animal] Le rapace sort tout de suite de l'enfance. Il en connaît à peine l'hésitation (Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 180). 2. P. anal. [À propos d'un être adulte] a) Manque de maturité, naïveté, innocence. Notre esprit resterait dans une éternelle enfance (Destutt de Tr., Idéol.,1, 1801, p. 347): 1. On sait gré à Ésope de ses fables, à cause de leur but moral, et l'on ne peut pas l'accuser d'imposture, puisque les enfans mêmes ne s'y laissent pas tromper, au lieu que les fables de l'élysée et du tartare sont crues à la lettre par beaucoup d'hommes, qu'elles tiennent dans une enfance éternelle.
Dupuis, Abr. de l'orig. de tous les cultes,1796, p. 514. − Comportement d'enfant. Synon. enfantillage.Le budget suffit à tout, et voilà ce que c'est que ce représentatif dont là-bas vous vous faites une peur. Sottise, enfance, mon cousin; il n'est rien de meilleur au monde (Courier, Pamphlets pol.,Pièce diplomatique extraite des journaux angl., 1823, p. 193). b) [À propos d'une vieille personne] Diminution ou perte des facultés qui ramène un vieillard à l'état mental du premier âge. Être, (re)tomber en enfance. Synon. gâtisme, ramollissement.Je voudrais avoir un ami qui me fît le serment de me brûler la cervelle, si jamais je tombais en folie ou en enfance (Vigny, Journal Poète,1832, p. 951).Vers ses quatre-vingts ans (...) l'enfance sénile avait tout à coup terrassé son intelligence (Loti, Rom. enf.,1890, p. 38). 3. Au fig. Commencement, naissance de quelque chose. Dans l'enfance des nations, quand les hommes vivaient encore dans les forêts, soumis tous aux mêmes besoins, doués tous des mêmes facultés, ils étaient tous presque égaux en forces (Volney, Ruines,1791, p. 54).Étant donné l'enfance extraordinaire et tardive de la psychiatrie (Breton, Nadja,1928, p. 132). − Expr. C'est l'enfance de l'art. Simple, élémentaire. C'était un moyen terme à l'état rudimentaire et dérisoire : c'était l'enfance de l'art! (Villiers de L'I.-A., Contes cruels,1883, p. 83). B.− P. méton. Les enfants pris dans leur ensemble, en tant qu'état de la vie. L'enfance ne sait pas lutter contre le chagrin (Sand, Hist. vie,t. 4, 1855, p. 156).Ma fille dit-il, ne sera pas élevée par une duègne. Ces vieilles sottes inculquent à l'enfance des idées d'un autre âge (Boylesve, Leçon d'amour,1902, p. 59): 2. Tous ces enfants étaient de l'espèce chétive, de l'humanité miséreuse (...) : un ensemble de figures pâlottes, propres, mais « pas fraîches »; on sentait la chair creuse, la substance inférieure, les cheveux même paraissaient communs et fanés. Ce n'était pas seulement l'enfance et sa fragilité, ce n'était pas seulement le mystère des existences commençantes qui m'inquiétait, c'était la notion pénétrante de pauvreté.
Frapié, La Maternelle,1904, p. 20. − Loc. à valeur adj. D'enfance. D'enfant. Synon. enfantin.Avec sa face creusée et farouche, où vacillaient des yeux d'enfance (Zola,
Œuvre,1886, p. 356). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃fɑ
̃:s]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1120-50 « première période de la vie humaine » (Gd mal fit Adam, I, 128 ds T.-L.); 1667 collectivement « les enfants » (Racine, Andromaque, I, 2); 2. ca 1160 « manière d'agir, d'être d'un enfant; naïveté, enfantillage » (Enéas, 7813 ds T.-L.); ca 1260 « état de puérilité » revenir en anfance (Ph. de Novare, Quatre Ages, 167, ibid.); 3. avant 1613 « origine, commencement » (Régnier, Sat. VI, éd. G. Raibaud, p. 65). Empr. au lat. class.infantia « bas âge; les enfants; la jeunesse ». Fréq. abs. littér. : 5 625. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 7 699, b) 7 089; xxes. : a) 7 230, b) 9 206. Bbg. Delannay (M.). Le Vocab. concernant l'enfance dans Émile ou De l'Éducation et la Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau. (Licence. Louvain. 1966-67). − Kestelijn (M.-.E). La Maternité et l'enfance dans la vie et dans l'œuvre de Marceline Desbordes-Valmore. (Licence. Louvain. 1965-66). − Tauber (Ch.). Le Thème de l'enfance dans la litt. actuelle. (Thèse Zürich. 1971). |