| EMPOIGNER, verbe trans. A.− Emploi trans. 1. a) Saisir vivement dans son poing; tenir fermement quelqu'un ou quelque chose. Je vous empoigne par le fond de la culotte, et je vous envoie par cette croisée voir les poules (Courteline, Boubouroche,1893, II, 3, p. 70).Il saisit le plat comme on empoigne un sabre (Hamp, Marée,1908, p. 72): 1. Il empoigna la rampe et fut saisi d'un frémissement dans lequel se mêlaient un trouble sincère et une certaine exagération comédienne.
Duhamel, Le Jardin des bêtes sauvages,1934, p. 19. b) En partic., vieilli. Mettre en état d'arrestation. Le major traverse au pas accéléré le dortoir, sacrant, menaçant de nous faire tous empoigner et coller au bloc (Huysmans, Les Soirées de Médan,Sac au dos, 1880, p. 118). 2. P. ext. a) Prendre, saisir. Celui qui se laisse empoigner par ses instincts naturels est perdu. Il redevient inconscient (Barrès, Homme libre,1889, p. 225).Et madame de Bonmont songeait : − Il a encore empoigné une forte culotte au bac (France, Anneau améth.,1899, p. 107). − En partic., fam. Contracter un mal, une maladie (notamment vénérienne) : 2. ... puis, après de sages réflexions, elle [la domestique] l'avait gardée, préférant que le galopin eût une maîtresse chez elle, une fille propre qui ne serait jamais un embarras. Au-dehors, on ne sait pas ce qu'un jeune homme peut empoigner, quand il commence trop jeune.
Zola, Pot-Bouille,1882, p. 351. b) Au fig. Saisir, émouvoir fortement. Je m'acharne à mon roman parisien, qui ne vient pas du tout (...) Aucune scène capitale ne surgit, ça ne m'empoigne pas (Flaub., Corresp.,1863, p. 319).Ce qui suivit acheva d'empoigner la salle [de théâtre] (Zola, Nana,1880, p. 1119). B.− Emploi pronom. réfl. ou réciproque. 1. En venir aux mains; se colleter. Les deux garçons s'empoignèrent, mais la bataille fut courte (Aymé, Vouivre,1943, p. 288).Toutes deux (...) se sont observées comme deux lutteuses qui s'apprêtent à s'empoigner (Butor, Modif.,1957, p. 157). 2. P. ext. Se quereller : 3. ... elle s'empoigne avec la tante, à propos de l'argent qu'elle devait envoyer, et dont l'autre n'a jamais vu un sou...
Zola, Nana,1880, p. 1472. Rem. On rencontre ds la docum. le dér. empoignable, adj. « susceptible d'empoigner » au sens fig. (supra A 2 b). Porel énonce qu'au théâtre, les scènes empoignables, lorsqu'elles sont écourtées, sont toujours dangereuses, que l'auteur n'a pas le temps et la place d'y défendre ses idées (Goncourt, Journal, 1885, p. 500). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃pwaɳe], (j')empoigne [ɑ
̃pwaɳ]. Prononc. donnée ds Fér. 1768, Fér. Crit. t. 2 1787, Land. 1834, Gattel 1841, Nod. 1844, Pt Rob., Lar. Lang. fr. Ce n'est pourtant pas la prononc. régulière. Celle-ci est [ɑ
̃pɔ
ɳe], (j')empogne [ɑ
̃pɔ
ɳ] qu'on donne ds Besch. 1845, Littré et DG. On admet les 2 prononc. ds Passy 1914, Barbeau-Rodhe 1930 et Dub. La prononc. régulière a subsisté dans nombre de mots du type besogne/besogner, grogne/grogner, rogne/rogner, etc. Dans la famille de poing, seul l'arg. pognon conserve la graph. et la prononc. -ogn- [ɔ
ɳ]. Littré signale pour empoigner la prononc. en [wa] mais comme peu usitée, et Barbeau-Rodhe 1930 la considère comme moins bonne. Mais dès Mart. Comment prononce 1913, pp. 48-50, la prononc. [wa] prend de l'importance au détriment de l'anc. prononc. correcte qui reste cependant celle du peuple : ,,Le peuple dit, fort justement, [pɔ
ɳ], [ɑ
̃pɔ
ɳe], mais ceci passe, déjà, pour familier, ainsi que la foire d'[ɑ
̃pɔ
ɳ], ces mots étant d'ailleurs, plutôt, d'usage populaire. Quant à poignet, poignée, poignard, qui sont d'usage littéraire aussi bien que populaire et plus encore poignant qui est plutôt littéraire, on peut dire que leur prononciation est, définitivement, altérée. ,,La prononc. en [wa] écrite -oi- s'explique par l'infl. graph. du i conservé, p. anal. avec celui d'un simple correspondant. Cf. éloignement sous l'infl. de loin, témoigner sous celle de témoin, soigner sous celle de soin, joignant sous celle de joindre, poigne, poignard, empoigner (et dér.) sous celle de poing. Seul oignon se prononce toujours [ɔ
ɳ
ɔ
̃] malgré la présence de l'i, ce qui vient de l'emploi très pop. de ce mot. Mart. Comment prononce 1913 aimerait le voir écrit ognon comme rognon. Pour poignet, poignée, poignard, il estime que, le malencontreux i n'ayant pas été ôté à temps, il convient de se rallier à la prononc. en [wa], celle en [ɔ
ɳ] étant tout à fait surannée, au moins dans l'usage des pers. instruites. Fouché Prononc. 1959, p. 39, note qu'il y a encore hésitation pour encoignure et moignon, mais que [ɔ
ɳ] est plus fréq. dans encoignure et [wa] dans moignon. Le verbe empoigner est admis ds Ac. 1694-1932. Conjug. Prend un i après -gn- à l'ind. imp. et au prés. du subj. (que) nous empoignions. Étymol. et Hist. 1174 enpuignier ``(G. de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, 1962 ds T.-L.); 1860 fig. « causer une vive émotion » (Baudel., Paradis artif., p. 358); 1863 part. prés. subst. « caractère de ce qui empoigne » (Goncourt, Journal, p. 104). Dér. de poing*; préf. en-*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 750. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 238, b) 1 516; xxes. : a) 1 851, b) 1 059. Bbg. Arickx (I.). Les Orthoépistes sur la sellette. Trav. Ling. Gand. 1972, no3, p. 127. − Ducháček (O.). La Tendance de motivation et la conscience étymol. Wiss. Z. Humboldt. Univ. Berlin. Gesellsch. Sprachwiss. Reihe, 1969, t. 18, p. 703. |