| * Dans l'article "EMPLIR,, verbe trans." EMPLIR, verbe trans. A.− Emploi factitif. [Le suj. exprime une entité autre que le contenu; celui-ci est exprimé par un compl. prép. de] Mettre dans un contenant une chose en sorte qu'elle en occupe le volume. 1. [Le contenu est une substance matérielle] a) [Le contenant est un objet] Emplir son assiette de soupe; emplir son verre à ras bord, à demi, aux trois quarts. Après avoir empli son baquet de quatre seaux d'eau froide (Zola, Assommoir,1877, p. 387). − Emploi pronom. ♦ réfl. Loubet venait d'apercevoir un champ de pommes de terre, et il s'y était rué avec Lapoulle, fouillant des deux mains, arrachant, s'emplissant les poches (Zola, Débâcle,1892, p. 90). ♦ à sens passif. Les mains ne s'arrêtent pas, (...) les baquets s'emplissent d'épis (Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 197). − Emploi intrans., vieilli (à sens pronom. avec compl. second. sous-entendu). Le bateau emplit, il a une voie d'eau (Ac.1932). − Fam. Les deux costumées en homme marchaient devant : (...) l'autre, emplissant de sa graisse ses vêtements de flanelle blanche (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Femme de Paul, 1881, p. 1221). − Loc. fig. Emplir ses poches. S'enrichir de façon plus ou moins honnête. On ne lui a pas pardonné d'avoir aimé l'argent et d'avoir empli ses poches (Bainville, Hist. Fr.,t. 1, 1924, p. 227). Rem. On rencontre plus couramment se remplir les poches. b) [Le contenant est un être animé] Fam. ou pop. Il préfère (...) entretenir un tas de rastaquouères sans aveu (...) [qu']il emplit d'apéritifs et de liqueurs, dans tous les cafés où ils le débusquent (Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 56). − Emploi pronom. réfl. S'emplir la bouche, l'estomac : botaro. − (...) Bois, mange, arrondis-toi comme une futaille, emplis-toi comme une outre...
Dumas père, Le Vampire,1865, I, 1, p. 158. − En partic., région. (surtout Centre, Normandie). [Sans expr. du compl. prép.] Rendre une femelle pleine. Il a fait emplir sa jument, sa vache, sa chienne (Ac. 1932). J'vas faire emplir ma vache (Martellière, Gloss. Vendômois,1893, p. 115). ♦ P. anal., pop. [En parlant d'une femme] Rendre enceinte. La Brûlé se jeta hargneusement sur le jeune homme. − (...) Tu ferais mieux de reconnaître les deux gosses dont tu l'as emplie! (Zola, Germinal,1885, p. 1187). 2. P. ext. [Le contenu est une substance matérielle subtile, etc.] La pluie de l'après-midi avait empli les halles d'une humidité infecte (Zola, Ventre Paris,1873, p. 868).Un chou-fleur, qui bouillottait bruyamment dans la cuisine, emplissait le logement de son odeur fétide (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 239). − Emploi pronom. ♦ réfl. indir. Il crevait de faim. Il passait les journées près du poêle de la cuisine à humer, à s'emplir les narines des maigres odeurs du rata, à espérer qu'il tomberait une miette (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 219). ♦ passif. Ils ne savent même pas faire du feu sans laisser la chambre s'emplir de fumée (Dumas père, Fille du régent,1846, I, 1, p. 151). − P. anal. Elle s'occuperait du ménage; elle emplirait toute la maison de sa gentillesse et de sa gaieté (Flaub., MmeBovary,t. 2, 1857, p. 35).Il emplissait de bruit le village (Mauriac, Baiser Lépreux,1922, p. 167). − En partic. Recouvrir une surface de quelque chose. Un gros volume noir, lourd, dont le pasteur de Fontanin avait empli les marges de signes et de références (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936p. 651. 3. Au fig. [Le contenu est d'ordre psychol.; le contenant désigne une pers. ou une partie d'une pers.] Ce vers, gravé dans la pierre (...) m'eût empli d'une émotion infinie (Benoit, Atlant.,1919, p. 230). − Emploi pronom. réfl. Le monde navrant s'étend devant mes yeux désespérés; et je regarde et je m'emplis de honte! (Claudel, Tête d'Or,1901, p. 224). B.− [C'est le suj. qui exprime le contenu; l'obj. dir. désigne le contenant] Occuper entièrement ou abondamment un espace déterminé. La poussière emplissait les yeux continuellement (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Partie camp., 1881, p. 372).L'herbe emplit les sentiers que suivaient les mulets (Hugo, Fin Satan,1885, p. 855).Le peuple à genoux emplissait l'église natale (Pesquidoux, Livre raison,1932, p. 161). − Emploi pronom. à sens passif. Ses yeux s'emplirent de larmes (Martin du G., Thib.,Belle sais., 1923, p. 1050).Les rues s'emplissent d'ouvrières en cheveux (Montherl., Bestiaires,1926, p. 443). − P. anal. [Le temps étant assimilé à l'espace] Occuper son temps par un grand nombre d'activités. La continuelle agitation de ses espérances emplissait (...) ses heures sans qu'elle les sentit passer (Maupass., Une Vie,1883, p. 86).Il emplit de tant d'événements une pauvre journée de vingt-quatre heures (Brasillach, Corneille,1938, p. 160). − Au fig. Les émotions qui emplirent le cœur de Gérard sont trop vives pour être décrites (Champfl., Avent. MlleMariette,1853, p. 84).Le cœur empli d'espérance et de crainte (Leconte de Lisle, Poèmes ant.,1874, p. 48).C'est une joie qui emplit les cœurs et gagne tout le trottoir (Frapié, Maternelle,1904, p. 251). Rem. On rencontre ds la docum. a) Le part. prés. pris comme adj. emplissant, ante. Qui emplit, envahit. Un Omer paisible avalait la soupe aux pommes de terre, content de cette chaleur emplissante (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 8). b) Le subst. masc. emplissement.
α) Fait d'occuper son temps par un certain nombre d'activités. La Princesse (...) parle longuement et éloquemment de l'emplissement de la vie des femmes d'à présent par la toilette; et elle fait le procès à ces grands magasins, où maintenant, tous les jours de la vie, une Parisienne va passer quelques instants (Goncourt, Journal, 1883, p. 278).
β) Fait de remplir, d'accomplir son destin. Mourir, dans Homère, dans les tragiques, c'est accomplir le destin de sa vie. C'est en un certain sens et en somme se parfaire. C'est toujours tout de même un emplissement, un accomplissement (Péguy, Clio, 1914, p. 216). Sens attesté seulement chez Péguy. Prononc. et Orth. : [ɑ
̃pli:ʀ], (j')emplis [ɑ
̃pli]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1140 trans. « rendre plein » les celiers emplir (Voy. de Charl., éd. P. Aebischer, 558); b) 1176 fig. (Chr. de Troyes, Cliges, éd. A. Micha, 4297 : El panser dom ele est emplie); 2. 1erquart xiiies. intrans. « (d'un navire) prendre eau » (Florence de Rome, 5419 ds T.-L.); 3. 1580 « occuper entièrement un espace déterminé » (Montaigne, Essais, éd. A. Thibaudet, livre II, chap. 12, p. 682). Du lat. vulg. *implīre, class. implẽre de même sens. Fréq. abs. littér. : 3 304. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 975, b) 7 087; xxes. : a) 8 458, b) 4 330. DÉR. Emplissage, subst. masc.Action d'emplir; résultat de cette action. Au lieu de recevoir la masse-cuite dans les formes, elle est versée dans les moules de tablettes qui, placés sur des chariots, sont directement amenés sous le réchauffoir d'emplissage (Rouberty, Sucr.,1922, p. 99).P. métaph. Le talon est si haut que l'aplomb manque; plus de base. Et d'autre part on rembourre le mollet, emplissage philosophique flasque (Flaub., Corresp.,1853, p. 326).− [ɑ
̃plisa:ʒ]. − 1resattest. a) 1596 « action d'emplir » (Hulsius), b) 1816, 14 août « manière dont sont emplis un baril, une mesure quelconque » (Ordonnance du roi, titre IV, art. 32 ds Littré Suppl.); du rad. du part. prés. de emplir, suff. -age*. − Fréq. abs. littér. : 1. BBG. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 14. |