| EMBRASER, verbe trans. A.− 1. Vieilli. Mettre en braise, mettre en feu. Embraser un fagot, des bûches; embraser et consumer. La servante avait coutume, en lui embrasant la cheminée, de l'arracher doucement à ce dernier sommeil (Balzac, Curé Tours,1832, p. 192).La région industrielle de la Ruhr fut embrasée par les bombes incendiaires et réduite en ruines par des projectiles (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 285): 1. ... il roulait de ses mains fines et féminines des cigarettes qu'il embrasait vivement, à peine pincées par le milieu entre ses doigts minces...
Valéry, Variété II,1929, p. 218. 2. P. anal. a) [P. anal. avec la chaleur provoquée par le feu] Rendre brûlant. Les chaudes régions qu'embrase un vent de feu (Gautier, Rom. momie,1858, p. 244).La chaleur qui sans éclat brûlait la peau et embrasait l'air (Giono, Hussard,1951, p. 90). b) [P. anal. avec la lumière qui rayonne du feu] Rendre très lumineux, éclatant (avec des teintes souvent couleur de feu). Embraser l'horizon, un monument. Synon. éclairer, illuminer.Là-bas, tout là-bas, une grande lueur embrase le ciel et rougeoie par intermittences (Cendrars, Or,1925, p. 226).Le soleil commençait d'embraser les collines caillouteuses (Duhamel, Suzanne,1941, p. 174): 2. ... les premiers feux du jour, qui coloraient le glacier, embrasaient aussi d'un reflet splendide le visage imposant du prêtre.
Sand, Lélia,1833, p. 76. c) Emploi pronom. [En parlant du visage] Se colorer d'une vive rougeur. Son teint d'enfant sanguin [de Jacques] s'embrase et pâlit tour à tour (Colette, Ingénue libert.,1909, p. 183). B.− Au fig. Emplir d'une passion ardente, d'une grande exaltation. 1. [En parlant des sens] Embraser la colère de qqn. Il [Léo] la regardait [Marthe], étonné de n'avoir plus de désirs pour cette femme qui l'embrasait jadis (Huysmans, Marthe,1876, p. 150).Elle [Maroussia] redevenait cette fille dont le seul contact m'embrasait et me fouettait les sens (Carco, Vérotchka,1923, p. 84): 3. ... elle simulait quelqu'une de ces actions honteuses (...) Elle embrasait ainsi tous les spectateurs du feu de la luxure...
France, Thaïs,1890, p. 13. − Emploi pronom. Ses yeux se chargèrent de volupté, ses sens s'embrasèrent (Chateaubr., Natchez,1826, p. 475). 2. [En parlant de l'esprit] Frère Rabelais (...) ressentait cette ardeur de savoir et de comprendre qui embrasait alors l'élite des esprits (France, Rabelais,1924, p. 11).L'amour de Dieu qui embrasait leur cœur (Weill, Judaïsme,1931, p. 179): 4. ... le goût de la liberté les embrasa d'un bout à l'autre du territoire comme un incendie.
Saint-Exupéry, Citadelle,1944, p. 724. − Emploi pronom. Ce garçon admirablement doué, en qui s'embrasait le génie du commerce (Zola, Fécondité,1899, p. 515). 3. [En parlant des rapports entre des groupes, des peuples] Si les vieilles bandes bretonnes étaient venues, la guerre, éveillée par cette résistance héroïque eût embrasé la Vendée (Balzac, Béatrix,1839-45, p. 23).Pourrais-je douter, d'ailleurs, qu'au lendemain du conflit qui embrase la terre, la passion de s'affranchir soulèvera des lames de fond? (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 182). − Emploi pronom. Les premières guerres civiles dont allait s'embraser toute la dernière moitié du siècle (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t. 9, 1851-62, p. 152). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃bʀaze], embrase [ɑ
̃bʀa:z]. Mais [ɑ
̃bʀ
ɑ-] ds Dub. et Lar. Lang. fr. [ɑ] post. est analogique dans l'inf., avec celui de la forme accentuée. Cet [ɑ] post. s'explique par l'orig. sav. du verbe. Le verbe est admis ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1135 adj. embrasé « allumé, qui brûle » (Couronnement Louis, éd. E. Langlois, 290); ca 1160 embraser « brûler » (Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 9633); 2. 1174-76 embrasé « excité, attisé » (G. de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, 5714 ds T.-L.); fin xiies. embreser « emplir d'une passion » (Sermons St Bernard, 69, 41 ds T.-L.); 3. 1erquart xiiies. « rendre très chaud, lumineux » (Livre de Lancelot du lac, éd. M. O. Sommer, I, 12). Dér. de braise*; préf. em-(en-*); dés. -er. Fréq. abs. littér. : 357. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 771, b) 396; xxes. : a) 480, b) 357. Bbg. Cohen 1946, p. 37. |