| EFFROI, subst. masc. A.− Littér. Saisissement provoqué par une très grande peur. Cri, hurlement d'effroi; glacer, pâlir d'effroi; jeter l'effroi. Tout à coup, au tournant d'une allée, Béatrix éprouva le plus horrible saisissement, cet effroi communicatif que cause la vue d'un reptile et qui glaça Calyste avant qu'il en vît la cause (Balzac, Béatrix,1839-45, p. 229).L'amour lui inspirait toujours de la stupeur, de l'effroi, et même une sorte de répugnance (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 218).Je tremblais d'effroi toutes les fois que, passant par là, mes yeux venaient à rencontrer ceux du sauvage (Éluard, Donner,1939, p. 38): 1. On raconte que Shelley, la première fois qu'il entendit réciter le poëme de Christabel, à un certain passage magnifique et terrible, prit effroi et tout d'un coup s'évanouit.
Sainte-Beuve, Nouveaux lundis,t. 8, 1863-69, p. 118. 2. Déjà la panique se lisait dans ses grandes prunelles noires [de Freddie] et l'idée vint à Wilfred d'aller lui dire n'importe quoi pour l'apaiser. Par exemple, qu'on guérissait facilement des plus graves maladies vénériennes, mais cette expression à elle seule suffirait à porter un nouvel effroi dans le cœur du garçon.
Green, Chaque homme dans sa nuit,1960, p. 193. SYNT. Effroi insurmontable, sacré; frisson, geste, sentiment d'effroi; apaiser, calmer, jeter, porter, semer l'effroi; voir avec effroi; causer, inspirer de l'effroi; frémir, mourir, saisir d'effroi; plein d'effroi. B.− P. ext. Ce qui cause de la frayeur, de la crainte, une certaine appréhension. J'envisage avec effroi les ennuis qu'entraînera pour moi la publication de cette ode (Legouvé, Mort Henri IV,1806, V, 5, p. 177).Les vacances finirent bientôt, à mon grand effroi (Michelet, Mémor.,1822. p. 208).M. Beauchamp, terrible journaliste, effroi du gouvernement et délices de ses amis (Dumas père, Cte de Morcef,1851, I, 1, p. 13).« Votre livre est le signal de ralliement de tous les bons citoyens, l'opprobre et l'effroi des méchants; ... » (Guéhenno, Jean-Jacques,1952, p. 18): 3. Caussidière a paru à la tribune, avec une énorme liasse de papiers qu'il a annoncé l'intention de lire. Rumeur d'effroi dans l'Assemblée...
Hugo,Choses vues,1885,p. 199. C.− Spéc., VÉN. Partir d'effroi. S'enfuir après avoir été surpris et effrayé. Quand les chiens le font lever [le cerf] il part « d'effroi » hors de sa reposée (Vialar, Rendez-vous,1952, p. 247): 4. Donc, lorsque les huissiers annoncèrent : Le Roi!
Telle fut la clameur, que corbeaux et corneilles
Des tours et des clochers s'envolèrent d'effroi.
Heredia, Les Trophées,1893, p. 166. Prononc. et Orth. : [efʀwɑ] ou [efʀwa]. [ɑ] post. (s'explique par la présence de r vélaire) ds Barbeau-Rodhe 1930; [a] ant. ds Passy 1914, Dub., Pt Lar. 1968 et Lar. Lang. fr.; [ɑ] ou [a] ds Pt Rob. et Warn. 1968. Le mot est transcrit avec [ε] ouvert à l'initiale, sous l'influence des lettres redoublées, ds Littré, Barbeau-Rodhe 1930 et à titre de var. ds Warn. 1968. Enq. : /efʀwa/. Le mot est admis ds Ac. 1694 et 1718, s.v. effroy; ds Ac. 1740-1932 sous la forme mod. Oy est écrit pour oi, à la finale, fidèlement au système de R. Estienne qui choisissait cette orth. parce que la plupart des mots avec la finale oi avaient des dérivés dans lesquels la diphtongue [wa] devant voyelle s'écrivait oy : effroy/effroyable, effroyablement. Étymol. et Hist. 1. Ca 1140 effrei « grande frayeur » (G. Gaimar, Hist. des Anglais, éd. A. Bell, 5525); 2. 1553 « ce qui cause la frayeur » (Bible, éd. J. Gerard ds FEW t. 15, 2, p. 92a). Déverbal (tiré des formes fortes, esfroie etc.) de effrayer*. Fréq. abs. littér. : 2 441. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 759, b) 4 596; xxes. : a) 3 138, b) 1 969. Bbg. Arickx (1.). Les Orthoépistes sur la sellette. Trav. Ling. Gand. 1972, no3, p. 126. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 216. |