| * Dans l'article "EFFILER,, verbe." EFFILER, verbe. A.− Emploi trans. 1. Détisser (une étoffe) fil à fil. La luxure, (...), s'amuse à effiler lentement le bas de sa robe, dont les brins de soie, emportés par le vent, vont voltiger (Flaub., Tentation,1849, p. 485).Elles faisaient de la charpie pour les blessés (...) elles (...) déchiraient la toile par bandes étroites, puis l'effilaient (France, Pt Pierre,1918, p. 88). − P. méton. Effiler de la charpie. Effiler du linge pour en faire de la charpie. Rem. Attesté ds Littré, Nouv. Lar. ill.-Lar. Lang. fr., DG et Rob. − P. anal. Ôter les fils (des haricots). Il y avait toujours des pois à écosser, des haricots verts à effiler (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 253). − P. métaph. Il en perdit le boire (...) et quant au dormir, il en effilait silencieusement les heures (D'Esparbès, Dern. lys.,1898, p. 285): 1. Le clair de lune fait dans la vallée une espèce d'ouate lumineuse, si légère que le mouvement de l'air l'effile en longues traînées qui montent obliquement dans le ciel, ...
Bernanos, Journal d'un curé de campagne,1936, p. 1142. 2. Rendre fin et allongé comme un fil. [À Assise], l'église supérieure, toute exhaussée dans l'air et dans la lumière, effile ses colonnettes, aiguise ses ogives, amincit ses arceaux (Taine, Voy. Ital.,t. 2, 1866, p. 23).Il était rasé de près, poudré, et on avait effilé ses moustaches avec un niger très noir (Giono, Bonh. fou,1957, p. 68): 2. ... elle [Miss Stevens] a les mains d'une fille vertueuse comme l'arche sainte; elles sont si rougeaudes que je n'ai pas encore imaginé le moyen de les lui blanchir sans trop de frais, et je ne sais comment lui en effiler les doigts qui ressemblent à des boudins.
Balzac, Le Contrat de mariage,1835, p. 352. − P. métaph. La voix des nonnes l'effilait [le « Kyrie Eleison »] et le lissait quand même, satinait le son de son glas (Huysmans, En route,t. 2, 1895, p. 218).C'était ce qu'il [Philippe] avait de si singulier dans l'esprit, cette possibilité d'allonger et d'effiler la sensation, sans la briser, jusqu'à la plus fine courbure (Noailles, Nouv. espér.,1903, p. 237). − Spéc. Effiler les cheveux. Diminuer leur épaisseur en coupant chaque mèche en dégradé avec un rasoir ou un ciseau approprié. Rem. Attesté ds tous les dict. gén., Ac. 1798 et 1932 excepté. 3. CHASSE. Effiler un chien. L'épuiser en le faisant trop courir. On court risque d'effiler ou d'énerver les chiens, quand on les fait chasser trop jeunes ou trop longtemps la première fois (Baudr.Chasses,1834). B.− Emploi pronom. à sens passif 1. [En parlant d'une étoffe] Se défaire fil à fil. Une couverture verte (...) dont la frange était faite par les fils qui s'effilaient (Flaub., Champs et grèves,1848, p. 328).Elle prit une robe dont les bords s'effilaient, et la répara (Arland, Ordre,1929, p. 358). 2. S'allonger en devenant plus mince. a) [Le suj. désigne un être animé ou une partie de son corps] On dirait que je dors, parce que mes yeux s'effilent jusqu'à sembler le prolongement du trait velouté (Colette, Dialog. bêtes,1905, p. 110).Le visage s'effile en avant comme une lame (Martin du G., J. Barois,1913, p. 348). b) [Le suj. désigne un inanimé concr. ou abstr.] Le cap Griffe, recourbé en forme de yatagan, s'effilait nettement à quatre milles environ vers le Sud-Est (Verne, Île myst.,1874, p. 190): 3. Il semble bien que le rêve soit fait, (...), avec la matière parfois la plus grossière de la vie, mais cette matière y est « traitée », malaxée de telle sorte − avec un étirement dû à ce qu'aucune des limites horaires de l'état de veille ne l'empêche de s'effiler à des hauteurs inouïes − qu'on ne la reconnaît pas.
Proust, La Prisonnière,1922, p. 121. − P. métaph. : 4. Ces nuages ne touchent pas tout à fait à l'horizon : une bande lumineuse qui va s'effilant par les extrémités court entre eux et la ligne bleue de la terre.
M. de Guérin, Journal intime,1833, p. 180. 3. CHASSE. [En parlant d'un chien] Être épuisé par des courses trop longues ou trop fréquentes. Alors les pauvres chiens s'effilent en courant (Arène, Veine argile,1896, p. 197). Rem. On rencontre ds la docum. le subst. fém. effilade au sens de « estafilade ». Elle a commencé à leur riposter à coups de couteau et ils ont aux bras des effilades effroyables (Flaub., Corresp., 1858, p. 275). Prononc. et Orth. : [efile], (j')effile [efil]. Sous l'influence des lettres redoublées, Littré et Barbeau-Rodhe 1930 transcrivent [εfile]. Cf. aussi, à titre de var. ds Warn. 1968. Enq. : /efil/ (il) effile. Le verbe est admis ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. [Fin du xies. *esfiler « s'effiler, se défaire fil à fil, se dénouer » (Raschi Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, no395 [ms. 14e?]), attest. isolée; à nouv. 1611 effiler « défaire un tissu fil à fil » (Cotgr.); 2. a) [1526 part. passé adj. effilé « aiguisé » fig. (G. Cretin, Passetemps des chiens et des oiseaux, 10, Jouaust ds R. Hist. litt. Fr., t. 11, p. 495 : babil si effilé [affilé ds éd. K. Chesney, p. 101])]; 1654-55 éfilé « long et mince » (N. Perrot d'Ablancourt, Trad. de Lucien, t. 3 ds Rich. 1680); 1781 pronom. « s'amincir » (Buffon, Hist. naturelle, t. 8, p. 139 : l'une et l'autre mandibule allant également en s'effilant); b) 1680 spéc. cheval éfilé (Rich.). Dér. de fil*; préf. ef- (é-*); dés. -er. Fréq. abs. littér. : 67. DÉR. 1. Effilage, subst. masc.Action d'effiler un tissu; résultat de cette action. Rem. Attesté ds tous les dict. gén., excepté Ac. 1798-1878, Dub.; admis ds Ac. 1932.− [efila:ʒ]. Pour [ε] ouvert à l'initiale, cf. effiler. Ds Ac. 1932. − 1resattest. a) av. 1780 « action d'effiler » (Mmedu Deffant ds Guérin 1892). b) 1845 « état de ce qui est effilé » (Besch. 1845); de effiler, suff. -age*. − Fréq. abs. littér. : 4. 2. Effilement , subst. masc.État, qualité de ce qui est effilé. La figure de Gilberte m'offrait maintenant (...), un certain effilement aigu du nez (Proust, Swann,1913, p. 401).− [efilmɑ
̃]. Pour [ε] ouvert à l'initiale, cf. effiler. Mais n'est transcrit ni ds Littré, ni ds Barbeau-Rodhe 1930, ni ds Warn. 1968. − 1reattest. 1796 (Dusaulx, Voy. Barège, t. 1, p. 238); du rad. de effiler, suff. -(e)ment1*. 3. Effileur, euse , subst.Personne qui effile (de la toile). Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén.; admis ds Ac. 1932.− [efilœ:ʀ], fém. [-ø:z]. Ds Ac. 1932. Pour [ε] ouvert à l'initiale, cf. effiler. − 1reattest. 1870 effileur « celui qui effile » (Gaz. des Trib., 8 juillet ds Littré); du rad. de effiler, suff. -eur2*. 4. Effilure , subst. fém.Fil, bourre, ouate, provenant d'un tissu effilé. Un tube de verre, muni d'une effilure qui s'adapte sur le tube à remplir (Nocard, Leclainche, Mal. microb. animaux,1896, p. 380).− [efily:ʀ]. Pour [ε] ouvert à l'initiale, cf. effiler. Le mot est admis ds Ac. 1932. − 1reattest 1685 (C. Dellon, Voyages, t. 2, p. 98, éd. de 1709 ds DG), de effiler, suff. -ure*. |