| DÉTROIT, subst. masc. A.− GÉOGRAPHIE 1. Vx. Passage étroit entre des montagnes. Synon. usuels col, défilé.Le détroit des Thermopyles (Ac.1835, 1878).Cette montagne écrêtée, dont l'inégal plateau, (...), sert de carrefour et de pont, (...), pour s'enfoncer, si quelqu'un l'osait, dans de longs détroits ténébreux, et qui circulent à travers une multitude de monts dégradés (Dusaulx, Voy. Barège,t. 1, 1796, p. 269). − P. ext., littér. Espace terrestre (allée, etc.) donnant une impression de resserrement : 1. ... le monde fantastique d'Hoffmann le Berlinois est là. Le caissier le plus mathématique n'y trouve rien de réel après avoir repassé les détroits qui mènent aux rues honnêtes où il y a des passants, des boutiques et des quinquets.
Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes,1844, p. 28. 2. Usuel. Espace de mer étroit entre deux terres, qui met en communication deux étendues marines. Le détroit de Gibraltar. Se rendre maîtres des détroits qui séparent la Baltique de la mer du Nord (Joffre, Mém.,t. 1, 1931, p. 193). − Absol. Le détroit. Le pas de Calais séparant la France de l'Angleterre. Pour l'obtenir, ce portrait, elle avait franchi le détroit, s'était installée à Londres [la baronne Desrodes] (Lorrain, Phocas,1901, p. 95). 3. P. métaph. ou au fig. Moment de transition, période difficile traversée par quelqu'un, moment critique d'une destinée. Napoléon se trouve dans un détroit singulier : mille raisons l'engagent à ne pas avoir une guerre continentale (J. de Maistre, Corresp.,1786-1805, p. 470).Ce détroit de la vie conjugale (Balzac, Cous. Bette,1846, p. 224).Les détroits orageux de la jeunesse (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t. 5, 1851-62, p. 356).Cette autre faute grave de s'être laissé mourir jeune avant d'avoir franchi le détroit qui l'[Joachim Du Bellay] eût mené à sa seconde carrière (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 13, 1863-69, p. 450): 2. Les mots monstrueux, les rires diaboliques percèrent les murs et vinrent poursuivre la malheureuse jusque dans le détroit noir, plein de flots furieux et plein d'écumes, de sa commençante agonie.
Bloy, La Femme pauvre,1897, p. 264. 3. L'apriorisme idéaliste l'emporte de tout temps sur le réalisme économique, l'absence de mesure s'y manifeste un jour dans les abstractions absolues d'égalité et de fraternité alors que, de l'autre côté du détroit l'idée positive de liberté limitée par les libertés voisines absorbe et réunit l'effort de tous.
Faure, L'Esprit des formes,1927, p. 109. B.− P. anal., ANAT. 1. [Dans la configuration osseuse du bassin] Rétrécissement de la cavité pelvienne. Cette expulsion de fœtus n'avance pas, le détroit doit être sec, ça ne glisse plus (Céline, Voyage,1932, p. 374). − Spéc. Détroit supérieur. Orifice supérieur du petit bassin, situé au niveau du sacrum, par lequel le fœtus s'engage lors de l'accouchement. Détroit inférieur. Orifice inférieur du petit bassin situé au niveau du coccyx. Détroit moyen. Faible rétrécissement situé au niveau des épines sciatiques. Au point de vue obstétrical, il faut considérer le détroit inférieur comme passant par un plan qui s'étend du bord inférieur du pubis au sommet du sacrum (G. Gérard, Anat. hum.,1912, p. 177). 2. Détroit de Haller. ,,Rétrécissement du tube cardiaque de l'embryon séparant le ventricule primitif du bulbe artériel`` (Méd. Biol. t. 1 1970). Prononc. et Orth. : [detʀwɑ] ou [-tʀwa]. [ɑ] post. ds Passy 1914 et ds Warn. 1968 qui note [a] ant. comme var. [ɑ] post. se maintient sous l'influence du groupe tr qui précède. Enq. : /detʀwa, (D)/. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 1100 adj. « étroit » les destreiz passages (Roland, éd. J. Bédier, 741); id. subst. les destreiz « passage étroit » (ibid., 805); 1534 destroict « bras de mer resserré » (Rabelais, Gargantua, éd. R. Calder, M. A. Screech, V. L. Saulnier, ch. XXXI, p. 195). Du lat. class. districtus adj. « enchaîné, empêché, hésitant » et part. passé de distringere « lier d'un côté et d'un autre ». Fréq. abs. littér. : 436. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 315, b) 825; xxes. : a) 176, b) 182. |