| DÉSUNIR, verbe trans. A.− Emploi trans. 1. Rare. [En parlant de deux ou plusieurs objets concrets joints, unis] Séparer, disjoindre. Désunir des planches. Synon. détacher, désassembler, disloquer.− Partez donc! dit Émile en faisant un violent effort pour désunir ses bras qui retenaient obstinément la taille souple de Gilberte (Sand, Péché de M. Antoine,t. 2, 1847, p. 60).Ils [Sabine et Philippe] marchaient, s'asseyaient sans pouvoir désunir leurs mains (Noailles, Nouv. espér.,1903, p. 235). − Emploi abs. : 1. Cent longues nuits durant, la bête horrible et lâche,
Oubliant le sommeil et désertant son nid,
Rongea les blocs épais, secoua, désunit,
Et fit tant, de la griffe et du bec, sans relâche.
Qu'elle effondra l'immense et solide granit.
Leconte de Lisle, Poèmes barbares,Le Massacre de Mona, 1878, p. 120. − P. ext. [En parlant d'inanimés abstr.] Concevoir ou présenter séparément, à part, isoler par l'analyse. Questions qu'on ne peut pas désunir (Lexis 1975). Synon. disjoindre, dissocier, scinder.Décomposez un poëme excellent; désunissez-en toutes les expressions (Joubert, Pensées,1824, p. 141): 2. ... l'action est cette synthèse du vouloir, du connaître et de l'être, ce lien du composé humain qu'on ne peut scinder sans détruire tout ce qu'on a désuni; elle est le point précis où convergent le monde de la pensée, le monde moral, et le monde de la science; et s'ils ne s'y unissent pas, c'en est fait de tout.
Blondel, L'Action,1893, p. 28. 2. Au fig., cour. [En parlant de deux ou plusieurs personnes, d'un groupe] Faire cesser l'union morale de, entre; mettre le désaccord parmi. Désunir une famille, un ménage, un parti. Synon. brouiller, désaccorder, diviser; anton. réunir, unir, réconcilier.Des amis se brouillèrent, des ménages furent désunis, des familles divisées (Karr, Sous tilleuls,1832, p. 244).Il a cherché à désunir le ménage, c'est honteux (Proust, Fugit.,1922, p. 678): 3. Il viendra un jour où toutes les diversités et toutes les oppositions humaines disparoîtront, où l'unité conciliera tous les hommes, et où ils ne se rappelleront pas seulement qu'ils aient été désunis. Allons en esprit vers cette unité future, et ne nous souvenons plus que nous l'avions divisée entre nous.
Saint-Martin, L'Homme de désir,1790, p. 77. − Emploi abs. : 4. L'absence unit et désunit, elle rapproche aussi bien qu'elle divise, elle fait se souvenir, elle fait oublier; elle relâche certains liens très-solides, elle les tend et les éprouve au point de les briser.
Fromentin, Dominique,1863, p. 16. B.− Emploi pronom. 1. [En parlant de choses unies, jointes] a) Cesser d'être uni. Nous desserrons nos mains qui vont se désunir (Ch. Guérin, Cœur solit.,1904, p. 28).Leurs bouches, une fois de plus s'enlacèrent; (...) puis spontanément, se désunirent (Courteline, Linottes,1912, II, p. 33): 5. Au même instant, quelques flammes parurent et s'élancèrent à travers leurs ardoises, qui commencèrent à se désunir et à s'écrouler.
Genlis, Les Chevaliers du Cygne,t. 3, 1795, p. 197. b) P. ext. [En parlant de pers. accouplées ou enlacées] Tandis qu'Octave et La Langouste sont encore embrassés, Louise et Mmede Léré apparaissent sur les marches. Les deux fiancés se désunissent (Aymé, Cléramb.,1950, III, 8, p. 171): 6. Nous formions, ce matin-là, un de ces couples qui piquent çà et là la digue de leur conjonction, de leur arrêt, juste le temps d'échanger quelques paroles avant de se désunir pour reprendre séparément chacun sa promenade divergente.
Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs,1918, p. 877. c) Spécialement − ÉQUIT. [En parlant d'un cheval] Perdre la coordination de ses mouvements au galop, changer de jambe. Se désunir au galop, au trot; se désunir du devant au galop. − SPORTS. [En parlant d'un athlète] Perdre brusquement la coordination et la maîtrise de ses mouvements. Peyrony courant, d'une belle allure réglée dont il est maître, et puis soudain qui « se désunit » par la fatigue (Montherl., Olymp.,1924, p. 239). 2. Au fig. [En parlant de pers. unies moralement] Cesser d'être uni, se séparer, tomber en désaccord, ne plus s'entendre : 7. M. Jules Favre, en prenant le ton de 1848, a donné un avertissement à la majorité et lui a fait voir la nécessité de ne pas se désunir.
Mérimée, Lettres à la comtesse de Montijo,t. 2, 1870, p. 315. Prononc. et Orth. : [dezyni:ʀ], (je) désunis [dezyni]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1418, avr. « séparer ce qui est uni » (Ord., XVIII, 395 ds Gdf. Compl.); av. 1563 « faire cesser l'union entre des personnes » (La Boétie, Servit. volont., éd. Feugère, p. 20, ibid.); 2. 1678 se désunir (en parlant d'un cheval dans sa course) (G. Guillet, Les Arts de l'homme d'épée, Paris, 1repartie). Dér. de unir*; préf. dé(s)-*. Fréq. abs. littér. : 101. |