| DÉSARROI, subst. masc. A.− [En parlant d'objets, d'événements concernant les affaires, la fortune, l'état d'un pays, d'un groupe, etc.] Dérangement, désordre, mise sens dessus dessous. Désarroi matériel; une table en désarroi; au milieu du désarroi général. Synon. débâcle, débandade, délabrement, déroute, désorganisation; anton. ordre.Le désarroi du moulin était raccommodé (Sand, F. le Champi,1850, p. 145).Un désarroi de livres régnait (Estaunié, Empreinte,1896, p. 291).Assise sur l'herbe (...) face au grand désarroi des eaux (Giono, Batailles ds mont.,1937, p. 179). SYNT. Le désarroi de la catastrophe, de la ruche, des rues; l'armée, les finances en désarroi; mettre la maison en désarroi. − Spéc., MAR. ,,Arrimage, chargement mal fait, objets placés en désordre`` (Will. 1831). Yves est assis près de moi sur des malles, des caisses ouvertes. C'est encore le désarroi de l'arrivée (Loti, Mon frère Yves,1883, p. 243). B.− Au fig. Trouble qui survient aux différents niveaux de la personne. Désarroi de l'angoisse; désarroi doctrinal; cacher son désarroi. Il revenait le cœur en désarroi, le cœur en tumulte et en détresse (Loti, Ramuntcho,1897, p. 225).Il sentit un désarroi, une sorte d'orage mental où tourbillonnaient toutes ses pensées (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 66). « Elle m'a paru dans le plus grand désarroi. Je l'ai trouvée en larmes, vraiment désespérée, ne sachant que répéter sans cesse : « Non, je ne partirai pas, je ne peux pas partir! »
Gracq, Un Beau ténébreux,1945, p. 177. SYNT. Désarroi des consciences, des croyances, de l'esprit, des idées; désarroi moral, politique, psychique, religieux; effrayant, grand, noir, profond, terrible désarroi; être en désarroi, dans le désarroi, dans un grand désarroi; jeter qqn dans le désarroi; jeter le désarroi dans l'esprit de qqn, dans les esprits, chez tout le monde; mettre en désarroi; semer le désarroi; être dans un désarroi absolu, complet, mortel, total; vivre dans le désarroi. PARAD. (Quasi-)synon. anxiété, bouleversement, désespoir, écœurement, inquiétude, panique, perturbation, spleen; (quasi-)anton. assurance, fermeté, paix, sang-froid. Rem. Encore fréq. au sens propre au xixes., le mot a opéré un glissement tel que de nos jours ce sens, devenu rare, apparaît comme vieilli. Prononc. et Orth. : [dezaʀwa] ou [-ʀwɑ] à cause de r vélaire précédent. [ɑ] post. ds Passy 1914; [a] ant. ou [ɑ] ds Pt Rob. et Warn. 1968. Pour Fér. 1768, Fér. Crit. t. 1 1787, r se prononce forte. Ds Ac. 1694 et 1718 sous l'anc. forme desarroy; ds Ac. 1740-1932 sous la forme moderne. Étymol. et Hist. Av. 1475 désaroy « désordre » (Chastellain, Chronique, éd. Kervyn de Lettenhove, II, 370, 27); av. 1558 au fig. « trouble, incertitude » (Carmes françois sur la prinse de Guynes et de Calais ds Poésies fr. du XVeet XVIes., éd. A. de Montaiglon, IV, 290). Déverbal (cf. arroi) de desarreier (1355 « mettre en désordre » Bersuire, Tite Live, ms Ste Genev., fo203eds Gdf.), dér. de l'a. fr. areer (préf. des-) a évincé le plus anc. desrei, desroi (xiies. ds T.-L.), déverbal de desreer « dérouter, égarer, mettre en désordre » (ibid.), issu par substitution de suff. de conreer, v. corroyer. Fréq. abs. littér. : 525. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 69, b) 166; xxes. : a) 1 081, b) 1 433. Bbg. Darm. Vie 1832, p. 159. |