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DÉRÉGLER, verbe trans.
A.− Emploi trans.
1. Altérer le réglage, la mise au point d'une chose :
1. ... modifier l'angle de tir, c'est modifier la trajectoire elle-même, c'est dérégler le tir. Paloque, L'Artillerie de campagne,1909, p. 314.
2. Perturber le bon fonctionnement d'un mécanisme, l'activité normale d'un organe, d'une fonction organique :
2. ... leurs robes noires [des veuves de guerre], leur dévotion, leurs commérages, leur rancune contre les épouses pourvues, leur haine des embusqués − c'est-à-dire des hommes épargnés par la guerre, − leurs revendications de pensionnées, et la chasteté orgueilleuse qui détraque lentement leurs cerveaux après leur avoir déréglé le corps. Martin du Gard, Vieille France,1933, p. 1077.
3. Je m'étais levé et, sans savoir pourquoi, pour meubler le silence et le vide soudain de mon esprit, j'allai mettre en marche l'appareil de T.S.F. sur la première musique venue (excellent truc pour dérégler les nerfs de n'importe qui). Abellio, Heureux les pacifiques,1946, p. 81.
3. Au fig. Troubler la bonne moralité, la discipline :
4. La présomption de la mort, dans un esprit équilibré, est un adjuvant à l'activité vitale. Dans un esprit où l'imagination prime le jugement elle dérègle la conduite et les appétits. L. Daudet, Le Rêve éveillé,1926, p. 49.
Proverbe. Il ne faut qu'un mauvais moine pour dérégler tout un couvent (Rob.).
B.− Emploi pronom.
1. [En parlant du bon fonctionnement d'un mécanisme, du cours normal d'un événement, etc.] S'altérer, se modifier en mal. Les saisons se dérèglent :
5. Freud au bout du compte entraîne tout cet outillage neuf à une nouvelle substantification de l'impersonnel : l'énergie affective, qui se déplace, se transforme, se règle et se dérègle tout comme un flux matériel, le vieux mana des religions primitives une fois de plus rebaptisé. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 45.
2. Au fig. Ne plus suivre la ou les règles (de la morale, du savoir-vivre, etc.) :
6. Il y a plaisir certes, et comme une ivresse, à voir une faculté grandir dans un cerveau jusqu'à y devenir démesurée. Elle se dérègle, elle déborde, brisant les canons de l'esthétique, s'exaspérant en inventions de toutes sortes, recréant à nouveau la langue, effrénée, dangereuse, incomparable! Bourget, Essai de psychol. contemp.,1883, p. 178.
Rem. On rencontre ds la docum. le part. présent adj. déréglant, ante. Qui dérègle, qui trouble un ordre préalablement établi, le cours normal d'une activité. Comment donc expliquer que les affections de tristesse (...) se transforment en de pures émotions déréglantes, sinon en renonçant une fois pour toutes à la fiction contradictoire d'un « sentiment de tristesse » et d'une tristesse régulatrice (Vuillemin, Essai signif. mort, 1949, p. 110).
Prononc. et Orth. : [deʀegle], (je) dérègle [deʀ εgl̥]. Ds Ac. 1694, s.v. desregler; ds Ac. 1718, s.v. deregler; ds Ac. 1740-1932, sous la forme mod. Conjug. : fait partie des verbes qui changent [e] fermé du rad. en [ε] ouvert devant syll. muette. Étymol. et Hist. xiiies. [voloir(s)] desrieuller (Bibl. des ch. 1873, 14 ds Littré); 1342 desruillee « déréglée » (J. Bruyant, Le Chemin de Povreté et de richesse, 16 a ds T.-L.); 1636 dérégler « troubler le fonctionnement normal de quelque chose » (Monet). Dér. de régler*; préf. dé-*. Fréq. abs. littér. : 24 (déréglant : 15).