| DÉRISION, subst. fém. A.− Moquerie, raillerie mêlées de mépris. Dérision du sort; amère, véritable dérision; objet de dérision. En 1789, celui qui a bien mérité d'être appelé par dérision le divin marquis appelait de la Bastille le peuple au secours des prisonniers (Éluard, Donner,1939, p. 82): 1. Il voulut connaître toute l'étendue du mal, et, à cet effet, sortit un peu de ce silence hautain et obstiné avec lequel il repoussait ses camarades. Ce fut alors qu'on se vengea de lui. Ses avances furent accueillies par un mépris qui alla jusqu'à la dérision.
Stendhal, Le Rouge et le Noir,1830, p. 179. ♦ Tourner en dérision. Tourner en ridicule : 2. Les moteurs puissants que sont le besoin sexuel, l'instinct de conservation et la volonté d'acquérir sont constamment tenus en échec par le désir encore plus puissant de jouir de l'estime de ses compagnons. Chez les Crow, les « parents de plaisanteries » d'un individu, soit les enfants des membres du clan de son père, avaient le droit de se moquer de sa couardise ou de tourner en dérision toute autre infraction qu'il aurait commise contre les lois; ...
Lowie, Manuel d'anthropol. culturelle,1936, p. 311. ♦ Être, finir en dérision. Si on lui avait prédit qu'elle finirait ainsi, en dérision et en misère (Loti, Pêch. Isl.,1886, p. 221). B.− P. ext. et p. méton. Objet sans importance, insignifiant, méprisable : 3. La vertu meurt, mais renaît plus farouche encore. Elle crie à tout venant une fracassante charité, et cet amour du lointain qui fait une dérision de l'humanisme contemporain. À ce point de fixité, elle ne peut opérer que des ravages. Un jour vient où elle s'aigrit, la voilà policière, et, pour le salut de l'homme, d'ignobles bûchers s'élèvent.
Camus, L'Homme révolté,1951, p. 345. Rem. On rencontre ds la docum. a) Le subst. masc. dériseur, vieilli et rare, qui est un empr. au lat. Celle, celui qui tourne en dérision les choses habituellement tenues pour sérieuses. Bianchon se glissa dans Saint-Sulpice, et ne fut pas médiocrement étonné de voir le grand Desplein, cet athée (...) cet intrépide dériseur, humblement agenouillé (Balzac, Messe athée, 1836, p. 90). b) L'adj. dérisionnaire. Qui pratique la dérision. De même qu'une femme ivrognesse fait un spectacle infiniment plus douloureux qu'un homme soûl, (...) de même un vieillard dérisionnaire fait un scandale affreux, alors que les moqueries du jeune homme sont si souvent pleines de grâce et d'un amour secret (Péguy, Argent, 1913, p. 1282). Prononc. et Orth. : [deʀizjɔ
̃]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1262 « moquerie, raillerie » par derisïon (J. Le Marchand, Miracles N.-D. Chartres, 113 ds T.-L.); 1657 tourner en dérision (Bossuet, Vict.[or] [Panégyrique de St Victor], 1 ds Littré); 2. 1806 « chose de peu d'importance qui suscite le mépris, moqueur » (Courier, Lettres Fr. et It., p. 701 : n'ayant point d'artillerie − car nos pièces de montagne c'est une dérision − je fais l'aide de camp). Empr. au lat. impérial derisio « moquerie, dérision » formé sur le supin derisum de deridere « se moquer de, bafouer ». Fréq. abs. littér. : 458. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 657, b) 317; xxes. : a) 558, b) 880. |